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10/07/2020 | FRANCE | N°429335

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 10 juillet 2020, 429335


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, d'annuler le titre de recettes émis le 4 juin 2015 par le directeur général de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), à hauteur d'un montant de 59 899,09 euros, pour le recouvrement d'aides d'Etat versées entre 1998 et 2002 et, à titre subsidiaire, de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 29 391,96 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du versement d'une aide illégale. Par un jugement

n° 1503843 du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Greno...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, d'annuler le titre de recettes émis le 4 juin 2015 par le directeur général de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), à hauteur d'un montant de 59 899,09 euros, pour le recouvrement d'aides d'Etat versées entre 1998 et 2002 et, à titre subsidiaire, de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 29 391,96 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du versement d'une aide illégale. Par un jugement n° 1503843 du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 17LY00291 du 4 février 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er avril et 28 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le règlement (CEE) n° 1035/72 du Conseil du 18 mai 1972 ;

- le règlement (CE) n° 2200/96 du Conseil du 28 octobre 1996 ;

- le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la décision 2009/402/CE de la Commission européenne du 28 janvier 2009;

- les arrêts du Tribunal de l'Union européenne du 27 septembre 2012, France c/ Commission (affaire T-139/09), Fédération de l'organisation économique fruits et légumes (Fedecom) c/ Commission (affaire T-243/09) et Producteurs de légumes de France c/ Commission (affaire T-328/09) ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 12 février 2015, Commission c/ France (affaire C-37/14) ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B... et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (ONIFLHOR), aux droits duquel vient l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), a mis en place jusqu'en 2002 un régime d'aides d'Etat, dénommé " plans de campagne ", destiné à soutenir le marché national de fruits et légumes, sous la forme d'une aide financière à chaque campagne concernée, afin de prendre en compte les difficultés des marchés que traversaient certaines filières en raison d'une forte pression concurrentielle de la part des industries de transformation italiennes et espagnoles et des produits bruts importés des pays d'Europe de l'est. Les aides versées par l'ONIFLHOR transitaient par les comités économiques agricoles, qui reversaient les fonds à des groupements de producteurs en vue d'en faire bénéficier les producteurs adhérents. Saisie d'une plainte, la Commission européenne a, par une décision 2009/402/CE du 28 janvier 2009, concernant les " plans de campagne " dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France, énoncé que les aides versées au secteur des fruits et légumes français avaient pour but de faciliter l'écoulement des produits français en manipulant le prix de vente ou les quantités offertes sur les marchés, que de telles interventions constituaient des aides d'Etat instituées en méconnaissance du droit de l'Union européenne et prescrit leur récupération. Cette décision a été confirmée par trois arrêts du Tribunal de l'Union européenne, devenus définitifs, du 27 septembre 2012, France c/ Commission (T-139/09), Fédération de l'organisation économique fruits et légumes (Fedecom) c/ Commission (T-243/09) et Producteurs de légumes de France c/ Commission (T-328/09). Par un arrêt du 12 février 2015, Commission c/ France (C-37/14), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que les autorités françaises avaient, à cette date, manqué à leur obligation de procéder à la récupération des aides illégalement versées.

2. A la suite de ces arrêts et afin de procéder à la récupération des aides, FranceAgriMer a émis des titres de recettes à l'encontre de plusieurs producteurs de fruits et légumes, dont M. A... B..., le 4 juin 2015, pour un montant de 59 899,09 euros correspondant au montant des aides dont l'administration estime qu'il a été bénéficiaire de 1998 à 2002 au titre des " plans de campagne ", augmenté des intérêts communautaires. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 février 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon rejetant son appel contre le jugement du 24 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant, à titre principal, à l'annulation de ce titre de recettes et, à titre subsidiaire, à ce que FranceAgriMer soit condamné à lui verser la somme de 29 391,96 euros, égale au montant des intérêts communautaires, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du versement d'une aide illégale.

3. En premier lieu, le requérant fait valoir que la cour administrative d'appel a, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, omis de mentionner, dans les visas de son arrêt, le mémoire qu'il a produit avant la clôture de l'instruction en réponse à l'invitation que lui avait faite la cour de régulariser la présentation de son premier mémoire. Une telle circonstance n'est toutefois, par elle-même, pas de nature à vicier la régularité de l'arrêt attaqué dès lors qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le mémoire de régularisation n'apportait aucun élément nouveau par rapport au premier mémoire et que la cour ne s'est pas fondée, pour rejeter la requête de M. B..., sur le motif d'irrecevabilité qui avait justifié l'invitation à régulariser.

4. En second lieu, il résulte de la décision de la Commission européenne du 28 janvier 2009, qui s'impose aux autorités comme aux juridictions nationales dès lors que les recours exercés contre elle ont été définitivement rejetés, que le mécanisme des " plans de campagne " constituait une aide nouvelle soumise à l'obligation de notification en vertu des dispositions du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne, reprises par les dispositions actuelles du paragraphe 3 de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par suite, en jugeant que ce mécanisme constituait une aide existante au sens des dispositions du paragraphe 1 du même article, dont la mise en oeuvre avant l'intervention de la décision de la Commission n'était pas de nature à engager la responsabilité de FranceAgriMer venant aux droits de l'ONIFLHOR, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les aides en cause.

5. Il résulte toutefois de la même décision de la Commission, qui déclare ces aides incompatibles avec le marché commun, que les autorités nationales sont tenues de procéder à leur récupération auprès des bénéficiaires et ont l'obligation de leur faire supporter les intérêts communautaires afférents. Le paiement de ces intérêts communautaires ne saurait engager la responsabilité de la puissance publique, dès lors qu'ils ont pour seul objet de garantir l'effet utile du régime des aides d'Etat en compensant l'avantage financier et concurrentiel procuré par l'aide illégale entre l'octroi de celle-ci et sa récupération, y compris en cas de retard des autorités nationales à la récupérer. Ce motif, qui ne comporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait et est de nature à justifier le rejet des conclusions de M. B... tendant à obtenir réparation du préjudice consistant, selon lui, en l'obligation de payer les intérêts communautaires, doit être substitué au motif erroné retenu par la cour. En outre et par suite, le moyen tiré de ce que ce motif aurait été relevé d'office par la cour sans qu'elle procède à l'information préalable des parties est inopérant.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros à verser à FranceAgriMer, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de FranceAgriMer qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : M. B... versera à FranceAgriMer une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 429335
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2020, n° 429335
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:429335.20200710
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