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08/07/2020 | FRANCE | N°420090

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 08 juillet 2020, 420090


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Les consorts F... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Plérin-sur-Mer à les indemniser des préjudices résultant de l'accident dont Mme G... F... A... a été victime le 27 août 2004 lors d'un championnat de France de voile espoir.

Par un jugement n° 0901617 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Plérin-sur-Mer à verser, sous réserve des sommes qui leur auraient déjà été versées pour l'indemnisation de leu

rs préjudices, la somme de 1 042 514,20 euros à Mme G... F... A..., les sommes de 13 00...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Les consorts F... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Plérin-sur-Mer à les indemniser des préjudices résultant de l'accident dont Mme G... F... A... a été victime le 27 août 2004 lors d'un championnat de France de voile espoir.

Par un jugement n° 0901617 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Plérin-sur-Mer à verser, sous réserve des sommes qui leur auraient déjà été versées pour l'indemnisation de leurs préjudices, la somme de 1 042 514,20 euros à Mme G... F... A..., les sommes de 13 000 euros à M. B... F... A..., de 11 000 euros à Mme E... F... A..., de 5 000 euros chacun à MM. D... et C... F... A..., de 1 047 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 673 638,71 euros en remboursement des débours et la somme de 21 105,63 euros à la Mutuelle nationale territoriale.

Par un arrêt n° 16NT01204 du 23 février 2018, la cour administrative d'appel de Nantes, sur appel de la commune de Plérin-sur-Mer, a réformé le jugement n° 0901617 du 4 février 2016 et a condamné le centre nautique de Plérin à garantir la commune de Plérin-sur-Mer à hauteur de la moitié des condamnations prononcées à son encontre et qui portent sur les sommes de 801 438,56 euros à verser à Mme G... F... A..., de 13 000 euros à M. B... F... A..., de 11 000 euros à Mme E... F... A..., de 5 000 euros, chacun, à MM. D... et C... F... A..., ces différentes sommes portant intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2008 pour Mme G... F... A... et du 6 janvier 2009 pour MM. B..., D... et C... F... A... et H... F... A..., ces intérêts portant eux-mêmes intérêts à compter du 5 décembre 2011, puis à chaque échéance annuelle, de 673 638,71 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes d'Armor en remboursement des débours exposés par elle et une somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, la somme de 673 638,71 euros portant intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2009, les intérêts échus le 16 juin 2010 étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à compter de cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle, ainsi que les dépenses exposées par elle à compter du 11 mai 2012 et postérieurement à l'arrêt, au titre des frais médicaux nécessités par l'état de santé de Mme G... F... A..., de 21 105,63 euros à verser à la Mutuelle nationale territoriale ainsi que la somme de 195 596,56 euros à verser à la Caisse des dépôts et consignations au titre de la prise en charge d'une pension anticipée d'invalidité versée à Mme G... F... A..., majorée des intérêts au taux légal à compter de son arrêt.

Procédures devant le Conseil d'Etat :

1°/ Sous le n° 420090, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 23 avril et 23 juillet 2018, 23 mai et 29 août 2019 et 12 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre nautique de Plérin demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Plérin-sur-Mer et des consorts F... A... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2°/ Sous le n° 420095, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril et 20 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Plérin-sur-Mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la mutualité ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabio Gennari, auditeur,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat du centre nautique de Plérin-sur-Mer, à la SCP Leduc, Vigand avocat des consorts F... A..., à la SCP Poulet-Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations et à la SCP Zribi, Texier, avocat de la commune de Plérin-sur-Mer ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 27 août 2004, Mme G... F... A..., salariée de l'association du centre nautique de Plérin-sur-Mer, a été victime d'un accident alors qu'elle participait à un championnat de France " voile espoir ". Manoeuvrant un voilier sur un terrain mis à disposition du centre nautique par la commune de Plérin-sur-Mer, elle a été victime d'une électrocution par l'entrée en contact du mât du bateau avec une ligne électrique. La victime, ses parents et ses frères ont demandé à la commune la réparation de leurs préjudices. Mme F... A... a, parallèlement, déposé une requête devant le tribunal des affaires de sécurité sociale en vue de faire reconnaître la " faute inexcusable " de son employeur.

2. Par un jugement du 4 février 2016, le tribunal administratif de Rennes a reconnu la responsabilité de la commune de Plérin-sur-Mer pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et l'a condamnée à verser diverses sommes aux requérants ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor et à la Mutuelle nationale territoriale. Par ailleurs, par un jugement du 8 octobre 2015 devenu définitif, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes-d'Armor a condamné le centre nautique de Plérin-sur-Mer à indemniser Mme F... A... pour " faute inexcusable ", en sa qualité d'employeur de l'intéressée.

3. Par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre, la commune de Plérin-sur-Mer et le centre nautique de Plérin-sur-Mer demandent l'annulation de l'arrêt du 23 février 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a modifié les sommes mises à la charge de la commune, l'a condamnée à rembourser au centre nautique une partie de la somme mise à sa charge par le tribunal des affaires de sécurité sociale, l'a condamnée à indemniser la Caisse des dépôts et consignation des sommes résultant de la prise en charge d'une pension anticipée d'invalidité versée à Mme G... F... A... et a condamné le centre nautique à garantir la commune à hauteur de la moitié des condamnations prononcées à son encontre.

Sur le pourvoi du centre nautique de Plérin-sur-Mer :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'appel en garantie formé par la commune de Plérin-sur-Mer à l'encontre du centre nautique de Plérin-sur-Mer a été présenté pour la première fois devant la cour administrative d'appel. La cour a, par suite, commis une erreur de droit en jugeant que ces conclusions, qui revêtaient le caractère d'une demande nouvelle en appel, étaient recevables, sans que la commune puisse utilement se prévaloir d'une différence, injustifiée selon elle, entre le sort réservé à ses conclusions et celui de l'action subrogatoire du centre nautique. L'article 7 de l'arrêt de la cour ayant retenu un partage de responsabilité, à hauteur de 50%, entre la commune et le centre nautique puis accueilli l'appel en garantie de la commune à l'encontre du centre à cette hauteur, le centre nautique est fondé à demander l'annulation de cet article en tant qu'il fait droit à l'appel en garantie de la commune.

5. En second lieu, par son jugement du 8 octobre 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes-d'Armor a mis à la charge du centre nautique l'indemnisation complémentaire prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la majoration de rente prévue par l'article L. 452-2 ainsi que des frais au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Si la cour a pu, à bon droit, laisser ces derniers frais à l'entière charge du centre nautique, elle a commis une erreur de droit en n'incluant pas, dans l'assiette de la somme sur laquelle le centre exerçait une action subrogatoire à l'encontre de la commune, la majoration de rente prévue par l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et en fixant en conséquence cette somme de 371 917 euros. Le centre nautique est par suite fondé à demander l'annulation de l'article 8 de l'arrêt attaqué.

Sur le pourvoi de la commune de Plérin-sur-Mer :

6. En premier lieu, l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, dispose : " Si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses primaires d'assurance maladie sont tenues de servir à la victime ou à ses ayants droit les prestations et indemnités prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident, dans les conditions ci-après ; (...) / Si la responsabilité du tiers auteur de l'accident est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément. (...) / Si la responsabilité du tiers est partagée avec l'employeur, la caisse ne peut poursuivre un remboursement que dans la mesure où les indemnités dues par elle en vertu du présent livre dépassent celles qui auraient été mises à la charge de l'employeur en vertu du droit commun (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que lorsque la responsabilité d'un accident du travail est partagée entre l'employeur et un tiers, la caisse n'est admise à demander à ce tiers le remboursement des prestations à sa charge, au titre des dépenses passées comme des dépenses futures, que pour une somme représentant la différence entre le montant total des prestations dues à l'assuré et le montant de la part d'indemnité, correspondant à sa part de responsabilité dans l'accident, qu'aurait supportée l'employeur selon les règles du droit commun. La somme correspondant à cette différence ne peut elle-même être imputée que sur la part d'indemnité, appréciée par postes de préjudice, mise à la charge du tiers responsable qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime. Par suite, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant que la caisse primaire des Côtes-d'Armor était fondée à demander la condamnation de la commune de Plérin-sur-Mer à lui verser la totalité des sommes qu'elle avait exposées au profit de la victime comme des dépenses futures de santé de celle-ci, alors qu'il lui appartenait de limiter cette condamnation à la différence entre le montant total des prestations dues à l'assurée et, eu égard au partage de responsabilité qu'elle retenait, la moitié de la part d'indemnité qu'aurait supportée le centre nautique. La commune est ainsi fondée à demander l'annulation des articles 3 et 4 de l'arrêt attaqué.

8. En deuxième lieu, en condamnant la commune à rembourser les dépenses exposées par la Mutuelle nationale territoriale au titre de la perte de gains professionnels de la victime, alors que les dispositions des articles L. 224-8 et L. 224-9 du code de la mutualité relatives à la subrogation dans les droits de la victime que la mutuelle invoquait devant elle faisaient obstacle à ce que la mutuelle poursuive le remboursement de telles sommes, la cour a commis une autre erreur de droit. La commune est par suite fondée à demander l'annulation de l'article 5 de l'arrêt attaqué.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si la Caisse des dépôts et consignations, agissant en tant que gérante de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales, laquelle versait à la victime une pension anticipée d'invalidité depuis le 2 mars 2012, a produit devant le tribunal administratif, elle s'est bornée à s'en remettre à la décision du tribunal en ce qui concerne la détermination des responsabilités sans présenter de conclusions tendant au remboursement à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales des sommes versées par elle à la victime. Par suite, en jugeant recevables et en accueillant les conclusions de la Caisse des dépôts et consignations présentées devant elle et tendant au remboursement des sommes versées alors qu'elles revêtaient le caractère de demandes nouvelles en appel, la cour a commis une erreur de droit. La commune est par suite fondée à demander l'annulation de l'article 6 de l'arrêt attaqué.

10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'action subrogatoire formée à l'encontre de la commune de Plérin-sur-Mer par le centre nautique de Plérin a été présentée pour la première fois devant la cour administrative d'appel. Toutefois, le centre nautique n'a été subrogé dans les droits de la victime qu'à compter du paiement des sommes mises à sa charge par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes-d'Armor. Ce paiement étant intervenu postérieurement au jugement du tribunal administratif en date du 4 février 2016, la cour qui, en admettant le caractère subrogatoire de l'action du centre nautique, a nécessairement écarté la fin de non-recevoir opposée par la commune à cette action n'a, par suite, pas commis d'erreur de droit en jugeant que ces conclusions étaient recevables.

11. En cinquième lieu, la commune soutient que la cour a commis une erreur de droit en la condamnant à indemniser Mme F... A... au titre de sa perte de gains professionnels de 2005 à 2014 et de son déficit fonctionnel permanent, sans imputer sur les pertes de gains professionnels à compter de 2012 et le déficit fonctionnel permanent subis par Mme F... A... la pension d'invalidité qui lui a été versée. Toutefois d'une part, la pension d'invalidité versée exclut le préjudice lié au déficit fonctionnel, d'autre part, s'agissant de la perte de revenus professionnels pour la période allant de 2012 à 2014, la cour a pris en compte les revenus perçus par Mme F... A... qui incluaient, notamment, la pension anticipée d'invalidité qu'elle percevait. Ce moyen ne peut, par suite, qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le centre nautique de Plérin-sur-mer et la commune de Plérin-sur-mer sont seulement fondés à demander l'annulation des articles 3 à 8 dans la mesure mentionnée dans les motifs qui précèdent.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par les parties à l'instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 3 à 6, l'article 7 en tant qu'il fait droit à l'appel en garantie de la commune et l'article 8 de l'arrêt du 25 février 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'ensemble des conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Plérin-sur-Mer, au centre nautique de Plérin-sur-Mer, à Mme G... F... A..., à M. B... F... A..., à Mme E... F... A..., à M. D... F... A..., à M. C... F... A..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor, à la Mutuelle nationale territoriale et à la Caisse des dépôts et consignations.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 420090
Date de la décision : 08/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2020, n° 420090
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Fabio Gennari
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET ; SCP ZRIBI, TEXIER ; SCP LEDUC, VIGAND ; SCP L. POULET-ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:420090.20200708
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