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03/07/2020 | FRANCE | N°434812

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 03 juillet 2020, 434812


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 septembre 2019 et le 12 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la lettre du 12 juillet 2019 du directeur général des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et la décision du 23 juillet 2019 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et

la directrice générale du centre national de gestion ont rejeté sa demande ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 septembre 2019 et le 12 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la lettre du 12 juillet 2019 du directeur général des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et la décision du 23 juillet 2019 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et la directrice générale du centre national de gestion ont rejeté sa demande de mutation ;

2°) d'enjoindre à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et au ministre des solidarités et de la santé de prononcer sa mutation ou, à tout le moins, de statuer de nouveau dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 84-135 du 24 février 1984 ;

- le décret n° 2007-704 du 4 mai 2007 ;

- l'arrêté du 23 janvier 2019 portant déclaration de vacance d'emplois de professeur des universités-praticien hospitalier offerts à la mutation et au recrutement au titre de l'année 2019 et fixant les modalités des candidatures ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 23 janvier 2019 de la ministre des solidarités et de la santé et de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, un poste de professeur des universités-praticien hospitalier en pédopsychiatrie, addictologie, option pédopsychiatrie, au centre hospitalier et universitaire de Paris (UFR Paris V), Pôle pédiatrie générale et pluridisciplinaire, service pédopsychiatrie, hôpital Necker Enfants malades, a été déclaré vacant et ouvert à la mutation. Mme C..., praticien hospitalier-professeur des universités, chef du pôle de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent du centre hospitalier et universitaire de Rennes, a présenté sa candidature à ce poste. M. B..., praticien hospitalier-professeur des universités au sein du pôle de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent du centre hospitalier et universitaire d'Angers a également fait acte de candidature. Par une lettre du 12 juillet 2019, le directeur général des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, en réponse à un courrier de l'avocate de Mme C..., a donné à l'intéressée des informations sur les suites probables de la procédure de mutation. Par une décision du 23 juillet 2019, la ministre chargée de l'enseignement supérieur et, sur le fondement des dispositions du décret du 4 mai 2007 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires), la directrice générale du centre national de gestion, ont indiqué à Mme C... qu'en conséquence des avis défavorables émis par le conseil de gestion de l'unité de formation et de recherche (UFR) de médecine de l'université Paris V et la commission médicale d'établissement (CME) de l'assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), sa demande de mutation ne pouvait aboutir. Mme C... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux actes.

Sur les conclusions dirigées contre la lettre du 12 juillet 2019 :

2. Il ressort des pièces du dossier que, par la lettre du 12 juillet 2019, le directeur général des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse et du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, s'est borné à informer l'avocate de Mme C..., en réponse à un courrier en date du 5 juillet 2019 qu'elle avait adressé au ministre en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche, des suites qui pourraient être réservées à la demande de mutation de cette dernière. Cette lettre ne présente pas le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il s'ensuit que les conclusions tendant à son annulation ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 23 juillet 2019 :

3. L'article 59 du décret du 24 février 1984 prévoit que : " Les professeurs des universités-praticiens hospitaliers (...) sont recrutés et promus selon les procédures définies au présent chapitre ". L'article 60 du même décret dispose : " Les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé publient les vacances d'emploi de professeurs des universités-praticiens hospitaliers (...). Ces emplois sont offerts aux professeurs des universités-praticiens hospitaliers (...) candidats à une mutation. Les mutations sont prononcées par les ministres précités, après avis du conseil de l'unité de formation et de recherche et de la commission médicale d'établissement (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que près d'un an avant que l'arrêté du 23 janvier 2019 ne déclare l'emploi en cause vacant et ouvert à la mutation, Mme C... a été auditionnée, le 24 février 2018, par le conseil exécutif de l'hôpital Necker. Par un courrier du 30 avril 2018, signé du doyen de la faculté de médecine Paris V, du directeur de l'hôpital Necker et du président de la commission médicale de cet établissement, il a été porté à sa connaissance que le conseil exécutif, après avoir procédé à l'analyse de la situation générale du service de pédopsychiatrie et de ses enjeux, n'avait pas retenu sa " candidature " lors de sa séance du 28 avril 2018. Parallèlement, à la suite de l'audition de M. B..., le conseil exécutif, lors de sa séance du 28 avril 2018, a émis un avis favorable à la " candidature " de l'intéressé. Ces avis émis en 2018 ont été portés à la connaissance des rapporteurs des dossiers des deux candidats dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure résultant de la publication de l'arrêté du 23 janvier 2019.

5. Il ressort en outre des pièces du dossier que les rapporteurs au sein de la CME de l'AP-HP ont été destinataires d'un courriel d'un agent de la direction de l'organisation médicale et des relations avec les universités de l'AP-HP, chargé de suivre la procédure de recueil de l'avis de la CME, comportant l'indication suivante : " Je me permets d'attirer votre attention sur cette candidature, comme vous le savez, le Pr. B... est le candidat attendu sur ce poste. Il fait actuellement l'objet d'une mise à disposition dans nos services en attendant une nomination officielle au 1/09/19 ".

6. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. B... a commencé à exercer dans le service de pédopsychiatrie de l'hôpital Necker dès le 7 février 2019, alors que l'arrêté du 23 janvier 2019 ouvrant la procédure de recrutement a été publié au Journal officiel du 3 février 2019 et que, durant la procédure de recrutement, l'organigramme de l'hôpital et les ordonnances du pôle le présentaient comme chef de service.

7. Ces circonstances, comme ce qu'elles révèlent, n'ont pu demeurer sans influence sur les positions prises par les membres de la formation du conseil restreint de l'UFR de médecine de l'université Paris V et de la CME de l'AP-HP lorsqu'ils ont délibéré sur les candidatures présentées pour pourvoir le poste en cause et sur le déroulement de la procédure dans son ensemble. Alors que l'objet de la procédure organisée pour nommer dans les emplois offerts aux professeurs des universités-praticiens hospitaliers est de pourvoir ces emplois, conformément à l'intérêt du service, dans le respect du principe d'égalité entre les candidats, la procédure qui a été suivie en l'espèce a été irrémédiablement viciée et ne saurait, en conséquence, conduire à pourvoir l'emploi en cause.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que la décision du 23 juillet 2019 qu'elle attaque est intervenue sur une procédure irrégulière et à en demander l'annulation pour ce motif, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les autres moyens de sa requête.

9. Eu égard au vice affectant la procédure suivie, l'annulation de la décision attaquée ne peut impliquer que l'emploi de professeur des universités-praticien hospitalier en pédopsychiatrie, addictologie, option pédopsychiatrie, au centre hospitalier et universitaire de Paris (UFR Paris V), Pôle pédiatrie générale et pluridisciplinaire service pédopsychiatrie, hôpital Necker Enfants malades, soit pourvu en conséquence de cette annulation. La présente décision implique seulement, si l'emploi est toujours vacant, que la procédure soit reprise à son début. Les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C... tendant à ce que les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé prononcent sa mutation ou, à tout le moins, statuent de nouveau sur sa demande dans un délai de huit jours à compter de la présente décision sous astreinte de 300 euros par jour de retard, ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à Mme C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et de la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière du 23 juillet 2019 est annulée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme C... est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C..., à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, au ministre des solidarités et de la santé et au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 434812
Date de la décision : 03/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 2020, n° 434812
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Brouard-Gallet
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:434812.20200703
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