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03/07/2020 | FRANCE | N°434740

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 03 juillet 2020, 434740


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 septembre 2019, 7 octobre 2019 et 16 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société AC Environnement demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 juillet 2019 de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) refusant de renouveler l'agrément qui lui avait été délivré en 2014 pour les mesures d'activité volumique du radon ;

2°) d'enjoindre à l'Autorité de sûreté nucléaire d'acc

order l'agrément sollicité dans un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 septembre 2019, 7 octobre 2019 et 16 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société AC Environnement demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 juillet 2019 de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) refusant de renouveler l'agrément qui lui avait été délivré en 2014 pour les mesures d'activité volumique du radon ;

2°) d'enjoindre à l'Autorité de sûreté nucléaire d'accorder l'agrément sollicité dans un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, ou à titre subsidiaire de réexaminer la demande d'agrément dans le même délai, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Autorité de sûreté nucléaire la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de la santé publique ;

- la décision n° 2009-DC-0134 du 7 avril 2009 de l'Autorité de sûreté nucléaire ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Vaullerin, auditeur,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de la société AC Environnement ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 1333-23 du code de la santé publique : " Les organismes intervenant dans la surveillance du radon sont habilités : /1° A réaliser les mesures d'activité volumique du radon dans les immeubles bâtis ; / 2° A procéder à l'analyse des mesures d'activité volumique du radon. / Ces organismes transmettent les résultats de mesure pouvant être utiles à la surveillance nationale de l'exposition de la population au radon, dans les cas et conditions prévus par voie réglementaire, à un organisme désigné par les ministres chargés de la radioprotection et du travail. / Les conditions d'habilitation des organismes et de transmission des résultats de mesure sont définies par voie réglementaire ". Aux termes de l'article R. 1333-36 du même code : " I. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ou des organismes agréés par l'Autorité de sûreté nucléaire réalisent dans les établissements mentionnés à l'article D. 1333-32 : /1° Les prestations de mesurages de l'activité volumique en radon mentionnées à l'article R. 1333-33 ;/ (...) II. Les conditions d'agrément des organismes mentionnés au I sont fixées par une décision de l'Autorité de sûreté nucléaire, homologuée par les ministres chargés de la radioprotection, du travail et de la construction. Cette décision définit :/1° La liste détaillée des informations à joindre à la demande d'agrément ;/ 2° Les modalités de délivrance, de contrôle et de retrait de l'agrément ;/ 3° Les critères d'agrément des organismes ;/ 4° Les objectifs, la durée et le contenu des programmes de formation des personnes qui réalisent les mesurages ;/5° Les méthodes selon lesquelles ces organismes procèdent à ces mesurages ".

2. Sur le fondement de ces dispositions, la société AC Environnement a demandé à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le renouvellement de l'agrément dont elle bénéficiait pour procéder aux mesures de l'activité du radon, qui arrivait à échéance le 15 septembre 2019. Par une décision du 19 juillet 2019 dont la société AC Environnement demande l'annulation, le président de l'ASN a refusé de lui accorder le renouvellement sollicité.

3. L'article 4 de la décision du 7 avril 2009 de l'ASN fixant les critères d'agrément des organismes habilités à procéder aux mesures de l'activité volumique du radon prévoit que cet agrément est prononcé après vérification : " a) du respect des normes et des guides de mesurage en vigueur ;/ b) de la qualification du personnel ;/ c) de la connaissance de la réglementation ; / d) de l'adéquation des matériels utilisés ; / e) de l'organisation permettant d'assurer la qualité des interventions réalisées ; / f) des dispositions mises en oeuvre afin de garantir l'impartialité et l'indépendance de l'organisme (...) ".

4. En premier lieu, si la décision attaquée est motivée par la circonstance que " les critères mentionnés aux a) à c) de l'article 4 de la décision du 7 avril 2009 ne sont pas respectés et que ces constatations ne permettent pas de donner une suite favorable à sa demande de renouvellement d'agrément ", l'ASN a indiqué en défense que la mention de la méconnaissance du critère mentionné au b), relatif à la qualification du personnel, résultait d'une erreur de plume et que sa décision était fondée sur la méconnaissance des seuls critères a) et c). La requérante ayant indiqué prendre acte de cette erreur de plume, ses moyens tirés de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée et entachée d'une erreur d'appréciation en ce qui concerne la méconnaissance du critère b) doivent être regardés comme abandonnés en cours d'instance.

5. En deuxième lieu, pour refuser l'agrément sollicité, l'ASN a, d'une part, retenu que le critère a) relatif aux normes et guides de mesurage en vigueur n'était pas respecté, en se fondant sur ce que le rapport de dépistage du centre hospitalier de la Guiche du 29 mars 2018, transmis par la société AC Environnement à l'appui de sa demande de renouvellement d'agrément, comportait une erreur de méthode pour le calcul de la valeur de l'activité volumique moyenne en radon de l'établissement dépisté et comportait une conclusion également erronée, en ce qu'elle indiquait à tort que les résultats du dépistage étaient inférieurs au niveau d'action de 400 béquerels par m3. L'ASN a, d'autre part, relevé que le modèle de rapport de dépistage, également joint par la société à sa demande de renouvellement d'agrément, faisait référence à des dispositions du code de la santé publique abrogées depuis le 1er juillet 2018 et a ainsi estimé que le critère c) relatif à la connaissance de la réglementation n'était pas non plus respecté.

6. En ce qui concerne la méconnaissance du critère a), si la requérante indique qu'elle a procédé à la correction des erreurs affectant son rapport du 29 mars 2018 dès qu'elle en a eu connaissance après notification du refus de sa demande de renouvellement d'agrément le 19 juillet 2019, et si elle affirme que cette erreur est restée sans effet pour la santé des personnels et des usagers de l'établissement dépisté, il ressort des dispositions de l'article L. 1333-22 du code de la santé publique qu'au-dessus de certains niveaux d'activité volumique du radon, le propriétaire ou l'exploitant de l'établissement est tenu de mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour réduire l'exposition et préserver la santé des personnes. Ce niveau était fixé à 400 béquerels par m3 par l'article R. 1333-38 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur. Par suite, la correction des mentions erronées, intervenue plus d'un an après que le rapport a été notifié à l'établissement dépisté, a pu retarder d'autant la mise en oeuvre par ce dernier des mesures destinées à diminuer les effets du radon dans ses locaux. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la méconnaissance du critère a) n'est pas caractérisée, du fait de l'absence d'effets sur la santé des personnes dont l'établissement contrôlé a la charge.

7. Par ailleurs, en ce qui concerne la méconnaissance du critère c), il ressort des pièces du dossier que l'ASN a organisé le 15 février 2019 une réunion d'information à destination des organismes agréés pour le mesurage du radon, à laquelle la société requérante était représentée, portant sur les modifications réglementaires résultant notamment du décret du 4 juin 2018 portant diverses dispositions en matière nucléaire, afin d'inviter les sociétés concernées à actualiser les références réglementaires figurant dans leurs modèles de rapport de mesurage du radon. Il s'ensuit que la requérante, qui indique avoir déposé son dossier de demande de renouvellement d'agrément en avril 2019, ne pouvait ignorer ces modifications et la nécessité d'en tenir compte pour l'établissement du modèle détaillé de rapport d'intervention dont la décision n° 2009-DC-0134 précitée prévoit qu'il fait partie des pièces du dossier.

8. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'ASN, qui n'avait pas à établir une hiérarchie entre les critères énumérés par l'article 4 de sa décision réglementaire 2009-DC-0134, aurait entaché la décision refusant le renouvellement d'agrément d'une erreur d'appréciation en se fondant sur la méconnaissance qu'elle a constatée du respect des normes et des guides de mesurage ainsi que de la réglementation en vigueur.

9. En dernier lieu, la requérante soutient que la décision attaquée méconnaît la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie, garanties par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, eu égard à la faible gravité des manquements relevés et à l'absence de tout autre manquement au titre des précédents agréments. Par une telle argumentation, la requérante doit être regardée comme critiquant, au regard de la liberté d'entreprendre et de la liberté de commerce et de l'industrie, le principe, posé par la loi, d'agrément délivré par l'ASN pour l'exercice d'une activité de surveillance du radon. Or, une telle critique ne saurait être portée devant le Conseil d'Etat, statuant au contentieux en dehors de la procédure prévue à l'article 61-1 de la Constitution. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société AC Environnement doit être rejetée. Ses conclusions à fins d'injonction et tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'ASN en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'également être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société AC Environnement est rejetée.

Article 2: La présente décision sera notifiée à la société AC Environnement et à l'Autorité de sûreté nucléaire.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 434740
Date de la décision : 03/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 2020, n° 434740
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Vaullerin
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs
Avocat(s) : CABINET MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:434740.20200703
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