Vu les procédures suivantes :
1° La société L'Immobilière Groupe Casino a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 à raison d'un établissement situé à Albertville (Savoie). Par un jugement n° 1602077 du 16 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 septembre et 1er octobre 2018 et le 4 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 424288, la société L'Immobilière Casino demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° La société Mercialys a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 à raison d'un établissement situé à Albertville. Par un jugement n° 1602081 du 16 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 septembre et 1er octobre 2018 et le 4 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 424291, la société Mercialys demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sylvain Humbert, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la Société L'immobilière Groupe Casino et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la Société Mercialys ;
Considérant ce qui suit :
1. Les deux pourvois présentent à juger des questions similaires et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, dans ces conditions, de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que les sociétés L'Immobilière Groupe Casino et Mercialys, qui possèdent chacune un immeuble situé à Albertville, ont sollicité la décharge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères qui leur a été réclamée pour 2014. Elles se pourvoient en cassation contre les jugements du 16 juillet 2018 par lesquels le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
3. D'une part, aux termes du I de l'article 1520 du code général des impôts, applicable aux établissements publics de coopération intercommunale, dans sa rédaction applicable à l'imposition en cause : " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal. (...) ". En vertu des articles 1521 et 1522 du même code, cette taxe a pour assiette celle de la taxe foncière sur les propriétés bâties. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l'établissement de coopération intercommunale compétent pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des recettes non fiscales. Ces dépenses sont constituées de la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des seuls déchets ménagers et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu'elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe. A cet égard, doivent être déduites de ces dépenses, le cas échéant, les dépenses se rapportant aux déchets non ménagers, qui n'ont pas à être financés par la taxe, ainsi que le montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement, telles qu'elles sont définies par les articles L. 2331-2 et L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales.
4. Pour vérifier si le produit de la taxe et, par voie de conséquence, son taux ne sont pas manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses exposées par la commune ou l'établissement de coopération intercommunale compétent pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des recettes non fiscales, il appartient au juge de se prononcer au vu des résultats de l'instruction, au besoin après avoir demandé à la collectivité ou à l'établissement public compétent de produire ses observations ainsi que les éléments tirés de sa comptabilité permettant de déterminer le montant de ces dépenses estimé conformément au point 3 ci-dessus.
5. D'autre part, aux termes du III de l'article 1639 A du code général des impôts : " La notification a lieu par l'intermédiaire des services préfectoraux pour les collectivités locales et leurs groupements, par l'intermédiaire de l'autorité de l'Etat chargée de leur tutelle pour les chambres de commerce et d'industrie, et directement dans les autres cas. / A défaut, les impositions peuvent être recouvrées selon les décisions de l'année précédente ". Ces dispositions autorisent l'administration, au cas où la délibération d'une collectivité territoriale ne peut plus fonder légalement l'imposition mise en recouvrement, à demander au juge de l'impôt, à tout moment de la procédure, que soit substitué, dans la limite du taux appliqué à cette imposition, le taux retenu lors du vote de l'année précédente. Le contribuable peut, pour faire échec à cette demande de substitution, critiquer la légalité de la délibération fixant le taux pour une année antérieure par la voie de l'exception. Le juge doit se prononcer dans cette hypothèse dans les mêmes conditions qu'au point 4 ci-dessus.
6. Il ressort des énonciations des jugements attaqués que, après avoir constaté, par la voie de l'exception, l'illégalité de la délibération du conseil de la communauté de communes de la région d'Albertville du 28 novembre 2013 fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2014 au motif que le produit de la taxe excédait de 21 % les dépenses d'enlèvement et de traitement des déchets ménagers diminuées des recettes non fiscales, de sorte que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux étaient manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses qu'elle avait pour objet de couvrir, le tribunal a examiné la demande de l'administration fiscale tendant à la substitution du taux voté pour 2013 au taux voté pour 2014. Il a jugé que le produit de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour 2013 n'était pas manifestement disproportionné, ainsi qu'il l'avait déjà jugé dans deux précédents jugements du 17 février 2017, devenus définitifs, concernant les mêmes contribuables.
7. En premier lieu, en se fondant sur la circonstance que, par ses jugements du 17 février 2017 mentionnés au point 6 ci-dessus, il avait jugé que le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour 2013 n'était pas manifestement disproportionné, alors qu'un contribuable peut toujours exciper de l'illégalité d'une délibération fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, sans qu'y fasse obstacle un jugement même définitif statuant sur la même délibération par la voie de l'exception dans une autre instance, le tribunal a commis une erreur de droit.
8. En second lieu, en se bornant, d'une part, à écarter, comme non pertinents, les éléments tirés d'un rapport de la Cour des comptes et, d'autre part, à juger que la prise en charge excessive de déchets non ménagers ne résultait pas de l'instruction, pour en déduire que le taux de la taxe pour l'année 2013 n'était pas manifestement disproportionné, sans faire usage de ses pouvoirs pour demander à la communauté de communes de la région d'Albertville de lui fournir les éléments comptables permettant d'estimer, à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe, le montant des dépenses du service d'enlèvement des ordures ménagères, le tribunal a méconnu son office et, par suite, commis une seconde erreur de droit.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes sont fondées à demander l'annulation des jugements qu'elles attaquent.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser respectivement à la société L'Immobilière Groupe Casino et à la société Mercialys au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les jugements du 16 juillet 2018 du tribunal administratif de Grenoble sont annulés.
Article 2 : Les deux affaires sont renvoyées devant le tribunal administratif de Grenoble.
Article 3 : L'Etat versera à la société L'Immobilière Groupe Casino et à la société Mercialys la somme de 3 000 euros chacune.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société L'Immobilière Groupe Casino, à la société Mercialys et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au président de la communauté de communes Arlysère.