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29/06/2020 | FRANCE | N°425517

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 29 juin 2020, 425517


Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Orange France a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 5 mai 2015 par laquelle le vice-président de la Métropole de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que des travaux de désamiantage d'une partie de l'enrobé de la rue de l'Aviation, sur le territoire de la commune de Saint-Priest, soient effectués et d'enjoindre à la métropole de Lyon de prendre en charge ces travaux de désamiantage dans un délai de deux mois sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1505386 du 2

6 avril 2016, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16LY02...

Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Orange France a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 5 mai 2015 par laquelle le vice-président de la Métropole de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que des travaux de désamiantage d'une partie de l'enrobé de la rue de l'Aviation, sur le territoire de la commune de Saint-Priest, soient effectués et d'enjoindre à la métropole de Lyon de prendre en charge ces travaux de désamiantage dans un délai de deux mois sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1505386 du 26 avril 2016, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16LY02158 du 20 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Orange France contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 novembre 2018, 21 février 2019 et 17 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Orange France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la Métropole de Lyon la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Orange et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Métropole de Lyon ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 juin 2020, présentée par la société Orange France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, à l'occasion de travaux destinés à l'installation d'une nouvelle infrastructure souterraine de génie civil dans une portion de voirie située rue de l'Aviation à Saint-Priest, appartenant au domaine public de la Métropole de Lyon, la société Orange France a réalisé des diagnostics qui ont révélé la présence d'amiante dans les enrobés de cette voie. Par un courrier du 26 février 2015, la société, qui a suspendu ses travaux, a mis en demeure la Métropole de Lyon de procéder au désamiantage de la zone concernée. Elle a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 5 mai 2015 par laquelle le vice-président de la Métropole de Lyon a rejeté sa demande. La société Orange France se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 septembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle a formé contre le jugement du 26 avril 2016 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 113-3 du code de la voirie routière : " Sous réserve des prescriptions prévues à l'article L. 122-3, les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public les services publics de transport ou de distribution d'électricité ou de gaz et les canalisations de transport d'hydrocarbures ou de produits chimiques déclarées d'utilité publique ou d'intérêt général peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre (...) ". Aux termes de l'article L. 113-4 du même code : " Les travaux exécutés sur la voie publique pour les besoins des services de télécommunications sont soumis aux dispositions des articles L. 46 et L. 47 du code des postes et communications électroniques ". Selon l'article L. 45-9 du code des postes et des communications électroniques, les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d'un droit de passage sur le domaine public routier. En vertu de l'article L. 47 de ce code : " Les exploitants de réseaux ouverts au public peuvent occuper le domaine public routier, en y implantant des ouvrages dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation. / Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des réseaux et de leurs abords sont effectués conformément aux règlements de voirie, et notamment aux dispositions de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 141-11 du code de la voirie routière : " Le conseil municipal détermine, après concertation avec les services ou les personnes intervenant sur le domaine public, les modalités d'exécution des travaux de réfection des voies communales dans lesquelles des tranchées ont été ouvertes. (...) " et aux termes de l'article R. 141-14 du même code : " Un règlement de voirie fixe les modalités d'exécution des travaux de remblaiement, de réfection provisoire et de réfection définitive conformément aux normes techniques et aux règles de l'art. Il détermine les conditions dans lesquelles le maire peut décider que certains des travaux de réfection seront exécutés par la commune / Ce règlement est établi par le conseil municipal après avis d'une commission présidée par le maire et comprenant, notamment, des représentants des affectataires, permissionnaires, concessionnaires et autres occupants de droit des voies communales ". Selon l'article L. 141-12, ces attributions sont exercées par l'établissement public de coopération intercommunale compétent.

4. La communauté urbaine de Lyon, devenue la Métropole de Lyon, a prévu, au 4ème alinéa de l'article 1.8.1 de son règlement de voirie, que " si à l'occasion d'une fouille réalisée sous la maîtrise d'ouvrage de l'intervenant, pour les besoins de travaux conduits sous sa maîtrise d'ouvrage, celui-ci découvre des sols pollués chimiquement ou biologiquement, la gestion des déblais issus de l'excavation du sol sera à la charge de l'intervenant. Il devra procéder à l'identification de la nature et du niveau de pollution de ces déblais préalablement à leur traitement dans un centre d'enfouissement ou de traitement agréé. La charge financière de ces actions sera supportée par l'intervenant ".

5. En jugeant que ces dispositions du règlement de voirie de la Métropole de Lyon, que la société Orange France contestait par la voie de l'exception, sont relatives à l'exécution des travaux réalisés sur le domaine public routier par les intervenants, sous leur maîtrise d'ouvrage, en vue d'accéder aux réseaux souterrains qu'ils exploitent et ne font que rappeler, s'agissant de la gestion des déblais pollués issus de l'excavation des sols, les obligations qui leur sont prescrites par les lois et règlements applicables en matière d'amiante et destinées à assurer la protection des travailleurs et la préservation de l'environnement, de sorte qu'elles relèvent d'un règlement de voirie tel que prévu par les dispositions précitées des articles L. 141-11 et R. 141-14 du code de la voirie routière et ne portent pas une atteinte illégale au droit de passage de la société Orange France sur le domaine public routier de la Métropole de Lyon, la cour, qui n'a pas entaché son arrêt d'une contradiction de motifs, n'a pas commis d'erreur de droit.

6. Aux termes de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement : " Au sens du présent chapitre, on entend par : / Déchet : toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire ; / (...) Producteur de déchets : toute personne dont l'activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) ; / Détenteur de déchets : producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets (...) ". Aux termes de l'article L. 541-4-1 du même code : " Ne sont pas soumis aux dispositions du présent chapitre : / - les sols non excavés, y compris les sols pollués non excavés et les bâtiments reliés aux sols de manière permanente (...) ".

7. Les déblais résultant de travaux réalisés sur la voie publique constituent des déchets au sens des dispositions précitées et les intervenants sous la maîtrise d'ouvrage desquels ces travaux sont réalisés doivent être regardés comme les producteurs de ces déchets. La circonstance que la voie publique comporte, indépendamment de la réalisation de travaux, des fibres d'amiante ne saurait faire obstacle à l'application de ces dispositions. Ainsi, en jugeant, d'une part, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier soumis à son appréciation que l'amiante présente dans la voirie routière de la Métropole de Lyon présentait en tant que telle un risque pour la santé lorsqu'il est fait un usage du domaine public routier conforme à sa destination, que la société Orange France ne pouvait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions des articles L. 556-1 et suivants du code de l'environnement relatives à la pollution des sols et qu'elle n'était pas fondée à soutenir que le dispositif mis en place par la Métropole de Lyon en matière d'élimination des déchets était constitutif d'une cession d'amiante entre la Métropole et les intervenants réalisant des travaux sur la voirie, prohibée par la réglementation applicable, d'autre part, que les déchets amiantés résultant de travaux effectués sur le domaine public routier de la Métropole de Lyon sous la maîtrise d'ouvrage des intervenants et aux fins d'accéder aux réseaux souterrains qu'ils gèrent doivent être pris en charge jusqu'à leur élimination par ces intervenants en leur qualité de producteurs de déchets, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas, alors même qu'une partie de la voirie de la Métropole de Lyon comporte, indépendamment de la réalisation de fouilles, de l'amiante, commis d'erreur de droit.

8. En outre, si les dispositions du code de l'environnement en matière de déchets confèrent de larges pouvoirs de police au maire, elles ne font pas obstacle à ce que les communes ou, le cas échéant, les établissements publics de coopération intercommunale compétents exercent les compétences qu'ils tiennent des dispositions du code de la voirie routière citées au point 3 pour adopter un règlement de voirie. Par suite, la cour n'a, contrairement à ce que soutient la société Orange France, pas commis d'erreur de droit en ne relevant pas d'office un moyen tiré de ce que le conseil communautaire de la communauté urbaine de Lyon n'était pas compétent pour adopter les dispositions du règlement de voirie mentionnées au point 4, que la société Orange France critiquait par la voie d'exception, alors même qu'elles portent sur des déchets.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Orange France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Métropole de Lyon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Orange France une somme de 3 000 euros à verser à la Métropole de Lyon à ce titre.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Orange France est rejeté.

Article 2 : La société Orange France versera une somme de 3 000 euros à la Métropole de Lyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Orange France et à la Métropole de Lyon.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 29 jui. 2020, n° 425517
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Date de la décision : 29/06/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 425517
Numéro NOR : CETATEXT000042065758 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-06-29;425517 ?
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