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25/06/2020 | FRANCE | N°423401

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 25 juin 2020, 423401


Vu la procédure suivante :

La caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 621 197,58 euros, augmentée des intérêts de droit capitalisés. Par un jugement n° 1200542 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14MA00788 du 8 février 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse contre ce jugement.

Par une décisio

n n° 398633 du 12 janvier 2018, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'aff...

Vu la procédure suivante :

La caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 621 197,58 euros, augmentée des intérêts de droit capitalisés. Par un jugement n° 1200542 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14MA00788 du 8 février 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse contre ce jugement.

Par une décision n° 398633 du 12 janvier 2018, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Par un arrêt n° 18MA00336 du 18 juin 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Bastia et condamné l'Etat à verser à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse la somme de 8 466 310 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2009, les intérêts échus à la date du 26 juin 2012, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 août et 15 novembre 2018 ainsi que le 24 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant seulement qu'il a retenu la date du 23 juin 2009 comme point de départ des intérêts moratoires ;

2°) réglant l'affaire au fond, de fixer la date des intérêts moratoires dus sur la somme au principal de 8 466 310 euros à compter du 3 octobre 1997 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Daumas, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Corse ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêt du 18 juin 2018, devenu définitif sur ce point, la cour administrative d'appel de Marseille a condamné l'Etat à verser à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse la somme en principal de 8 466 310 euros en remboursement de sommes avancées par la caisse pour le compte de l'Etat jusqu'en 1997 sur le fondement d'arrêtés préfectoraux accordant des aides financières à des agriculteurs corses. La caisse régionale se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant seulement qu'il a retenu la date du 23 juin 2009 comme point de départ des intérêts moratoires.

2. En vertu de l'article 1153 du code civil, dont les dispositions ont été reprises à l'article 1231-6 du même code, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une somme d'argent consistent dans la condamnation aux intérêts au taux légal. Les intérêts moratoires dus en application de ces dispositions, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue à l'administration ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.

3. En se fondant sur la seule circonstance que la caisse régionale de crédit agricole mutuel ne justifiait pas de la réception effective par les services de l'Etat de la demande adressée le 3 octobre 1997 pour retenir comme point de départ des intérêts le 23 juin 2009, date à laquelle le ministre de l'agriculture et de la pêche a sollicité de la caisse la production des justificatifs afférents à sa demande indemnitaire, alors qu'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce et des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les services de l'Etat ont reçu dès 1997 la demande de remboursement des aides avancées par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse à laquelle ils n'ont réservé aucune suite, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier. La caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse est fondée, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il s'est prononcé sur les intérêts moratoires.

5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il incombe, dès lors, au Conseil d'Etat de régler définitivement l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée.

6. Il résulte de l'instruction que la lettre du 3 octobre 1997, par laquelle la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse a demandé à l'Etat le paiement en principal des sommes en litige, doit être regardée, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme lui étant parvenue au plus tard, compte tenu du délai normal d'acheminement du courrier, le 6 octobre 1997. Ainsi, la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse a droit, en application des dispositions mentionnées au point 2, aux intérêts au taux légal sur la somme de 8 466 310 euros à compter de cette date. Elle a également droit, en application de l'article 1154 du code civil, dont les dispositions ont été reprises à l'article 1343-2 du même code, à la capitalisation de ces intérêts au 26 juin 2012, date à laquelle une demande à cette fin a été enregistrée devant le tribunal administratif et alors qu'il était dû au moins une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 18 juin 2018 est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les intérêts moratoires.

Article 2 : La somme de 8 466 310 euros due par l'Etat à la caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Corse produira intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 1997. Les intérêts échus à la date du 26 juin 2012, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à la caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Corse une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 423401
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2020, n° 423401
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Daumas
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:423401.20200625
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