Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A...-C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2019/51 du 4 novembre 2019 par laquelle la présidente de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) l'a suspendue provisoirement, à titre conservatoire, de toutes les activités mentionnées à l'article L. 232-23-4 du code du sport et de mettre fin à cette suspension ;
2°) de mettre à la charge de l'AFLD une somme de 3 000 euros à verser à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, son avocat, au titre des articles 37 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale contre le dopage dans le sport du 19 octobre 2005 et l'amendement à son annexe I, publiés par le décret n° 2007-503 du 2 avril 2007 et le décret n° 2018-1283 du 27 décembre 2018 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du sport ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2018-1178 du 19 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabio Gennari, auditeur,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme A...-C..., et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'agence française de lutte contre le dopage ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 232-23-4 du code du sport : " Lorsqu'un résultat d'analyse implique une substance interdite ou une méthode interdite, à l'exception d'une substance spécifiée au sens de l'annexe I à la convention internationale mentionnée à l'article L. 230-2, le président de l'Agence française de lutte contre le dopage ordonne à l'encontre du sportif, à titre conservatoire et dans l'attente de la décision de la commission des sanctions, une suspension provisoire : / 1° De la participation directe ou indirecte à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, et à des manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ou par une ligue sportive professionnelle ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou une ligue professionnelle ou l'un des membres de celles-ci ; / 2° De l'exercice des fonctions définies à l'article L. 212-1 ; / 3° De l'exercice des fonctions de personnel d'encadrement ou de toute activité administrative au sein d'une fédération agréée ou d'une ligue professionnelle, ou de l'un des membres de celles-ci ; / 4° De la participation à toute autre activité organisée par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l'un de leurs membres, ou le comité national olympique et sportif français, ainsi qu'aux activités sportives impliquant des sportifs de niveau national ou international et financées par une personne publique, à moins que ces activités ne s'inscrivent dans des programmes ayant pour objet la prévention du dopage. / (...) / La décision de suspension provisoire est motivée. L'intéressé est convoqué par le président de l'agence, dans les meilleurs délais, pour faire valoir ses observations sur cette mesure. / La durée de la suspension provisoire est déduite de la durée de l'interdiction de participer aux manifestations sportives que la commission des sanctions peut ultérieurement prononcer ".
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... C..., athlète de haut niveau, a fait l'objet d'un contrôle antidopage le 18 septembre 2019. Les analyses effectuées sur des échantillons d'urine et de sang ont fait ressortir la présence d'érythropoïétine, substance non spécifiée figurant sur la liste des substances interdites en permanence annexée au décret du 27 décembre 2018 portant publication de l'amendement à l'annexe I de la convention internationale contre le dopage dans le sport. Par un courrier du 4 novembre 2019, la présidente de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a prononcé, à titre conservatoire, à l'encontre de Mme A...-C..., une mesure de suspension provisoire applicable à l'ensemble des activités mentionnées à l'article L. 232-23-4 du code du sport, dont Mme A...-C... demande l'annulation pour excès de pouvoir.
3. En premier lieu, les moyens soulevés par la requérante ayant trait à la régularité de la décision contestée, tirés de ce que les agents ayant procédé au contrôle antidopage et rédigé les rapports de contrôle n'auraient pas été agréés et assermentés et de ce que le contrôle n'aurait pas été préalablement autorisé par le directeur du département des contrôles de l'AFLD, manquent en fait et ne peuvent donc qu'être écartés.
4. En deuxième lieu, selon les termes du 10° de l'article R. 232-88 du code du sport, le secrétaire général de l'agence doit informer l'intéressé de " la possibilité d'accepter la suspension provisoire prévue à l'article L. 232-23-4 lorsque le résultat d'analyse implique une substance spécifiée au sens de l'annexe I à la convention internationale mentionnée à l'article L. 230-2, ou lorsqu'une autre infraction aux dispositions du présent titre est en cause ". Ces dispositions étant ainsi relatives à la procédure au cours de laquelle le secrétaire général de l'agence informe l'intéressé, en application de l'article L. 232-21-1 de ce code, des éléments susceptibles de faire présumer une infraction, avant de proposer, dans le cadre de la procédure disciplinaire, d'entrer en voie de composition administrative, elles ne peuvent, en tout état de cause être utilement invoquées par Mme A...-C... à l'encontre de la mesure de suspension prise à son encontre, à titre conservatoire, préalable à une éventuelle sanction disciplinaire.
5. En troisième lieu, si Mme A...-C... soutient que la délibération n° 2017-79 CTRL du collège de l'AFLD du 21 décembre 2017 renouvelant son inscription dans le groupe cible prévu par l'article L. 232-15 du code du sport ne lui aurait pas été régulièrement notifiée, elle n'apporte pas d'élément permettant d'apprécier le bien-fondé de son allégation.
6. En quatrième lieu, d'une part, la mesure de suspension provisoire, prononcée sur le fondement de l'article L. 232-23-4 du code du sport, issu de l'article 29 de l'ordonnance du 19 décembre 2018 qui, à la date de la présente décision, n'a pas été ratifiée, est prise à titre conservatoire dans un objectif de protection de la santé des sportifs ainsi que de garantie de l'équité et de l'éthique des compétitions sportives. Compte tenu de l'objet et de la portée d'une telle mesure, qui ne constitue pas une sanction, le moyen tiré de ce que l'article L. 232-23-4 du code du sport méconnaîtrait le principe constitutionnel des droits de la défense, faute de prévoir une procédure contradictoire préalable au prononcé de cette mesure, ne peut qu'être écarté.
7. D'autre part, la circonstance que Mme A...-C... n'ait pas pu présenter d'observations avant le prononcé de la mesure de suspension prise à son encontre et n'ait pu prendre connaissance des éléments de son dossier qu'après ce prononcé, en vue de son audition, découle de l'application même de ces dispositions.
8. Enfin, aucune disposition ni aucun principe ne faisait obligation de mentionner, à peine de nullité, dans la décision attaquée la possibilité de se faire assister d'un conseil lors de l'audition devant intervenir dans les meilleurs délais à la suite de la suspension.
9. En cinquième lieu, pour les motifs énoncés au point 6, Mme A...-C... ne peut utilement invoquer, à l'encontre de l'article L. 232-23-4 du code du sport comme de la décision attaquée, le principe de la présomption d'innocence, garanti par les articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En sixième et dernier lieu, compte tenu du caractère obligatoire de la mesure de suspension en cas de substance non spécifiée, Mme A...-C... ne saurait utilement soutenir que la mesure litigieuse présentait un caractère disproportionné à la date à laquelle elle a été prise. En tout état de cause, si elle fait valoir qu'en lui interdisant l'exercice des fonctions d'enseignement, d'animation, d'encadrement ou d'entraînement définies à l'article L. 212-1 du code du sport, cette mesure ferait obstacle à la poursuite de son activité de professeur d'éducation physique et sportive au sein du ministère de l'éducation nationale, il résulte de l'article L. 212-3 du même code que les dispositions de l'article L. 212-1 " ne sont pas applicables aux militaires, aux fonctionnaires relevant des titres II, III et IV du statut général des fonctionnaires dans l'exercice des missions prévues par leur statut particulier ni aux enseignants des établissements d'enseignement publics et des établissements d'enseignement privés sous contrat avec l'Etat dans l'exercice de leurs missions ". Le moyen ne peut donc qu'être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme A...-C... doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'intéressée le versement d'une somme à l'AFLD.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme A...-C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Agence française de lutte contre le dopage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... ClaudeBoxberger et à l'Agence française de lutte contre le dopage.
Copie en sera adressée à la ministre des sports.