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12/06/2020 | FRANCE | N°428760

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 12 juin 2020, 428760


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, en premier lieu, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus de communication de plaintes de parents d'élèves formées à son encontre, de l'instruction donnée aux professeurs du lycée d'enseignement général et technique agricole Edouard de Chambray de Gouville (Eure) lors d'une réunion pédagogique évoquée devant les gendarmes par le proviseur de ce lycée et des convocations, ordre du jour et compte-rendu ou procès-verbal de cette réunion pédagogique, d'enjoindre à

l'administration compétente de lui transmettre ces documents, de condamne...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, en premier lieu, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus de communication de plaintes de parents d'élèves formées à son encontre, de l'instruction donnée aux professeurs du lycée d'enseignement général et technique agricole Edouard de Chambray de Gouville (Eure) lors d'une réunion pédagogique évoquée devant les gendarmes par le proviseur de ce lycée et des convocations, ordre du jour et compte-rendu ou procès-verbal de cette réunion pédagogique, d'enjoindre à l'administration compétente de lui transmettre ces documents, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'illégalité du refus de communication des documents demandés, d'enjoindre à l'administration de lui donner la possibilité de consigner ses observations en annexe des plaintes formées par des parents d'élèves et d'interdire à l'administration d'utiliser ces lettres de plainte dans un sens qui pourrait lui nuire et, en second lieu, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus de communication de lettres de plaintes, notamment de parents d'élèves, formées à son encontre, d'enjoindre à l'administration compétente de lui transmettre ces documents, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'illégalité du refus de communication de ces lettres, d'enjoindre à l'administration de lui donner la possibilité de consigner ses observations en annexe des plaintes formées par des parents d'élèves et d'interdire à l'administration d'utiliser ces lettres de plainte dans un sens qui pourrait lui nuire. Par un jugement n° 1702026, 172515 du 9 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen, qui a joint ces deux requêtes, les a rejetées.

Par une ordonnance n° 19DA00611 du 18 mars 2019, le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R.351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté par M. A..., enregistré le 11 mars 2019 au greffe de cette cour.

Par ce pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistré le 11 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Rouen ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations du public avec l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. B... A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 4 octobre 2016, par une lettre reçue le 6 octobre suivant par l'administration, M. A..., professeur certifié, a demandé la communication de divers documents, notamment des plaintes de parents d'élèves formées à son encontre. S'étant vu opposer une décision implicite de refus, il a saisi, le 22 novembre 2016, la commission d'accès aux documents administratifs. Par un avis rendu le 19 janvier 2017, celle-ci a émis un avis défavorable à la communication des plaintes et déclaré le surplus de sa demande sans objet. M. A... se pourvoit en cassation contre le jugement du 9 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté comme irrecevables ses demandes tendant à l'annulation des refus de communication qui lui ont été opposés et à l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi en conséquence de ces refus.

Sur les conclusions dirigées contre le jugement en tant qu'il statue sur le refus de communication des documents :

2. L'article L. 112-2 du code des relations du public avec l'administration dispose que : " Les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents ". Cette sous-section comprend l'article L. 112-3, aux termes duquel : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ", ainsi que l'article L. 112-6, aux termes duquel : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation (...) ". De même, en vertu de l'article L. 412-1 de ce code, ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents les dispositions de l'article L. 412-3 aux termes desquelles : " La décision soumise à recours administratif préalable obligatoire est notifiée avec l'indication de cette obligation ainsi que des voies et délais selon lesquels ce recours peut être exercé (...) ".

3. Il s'ensuit qu'en jugeant, pour accueillir la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête du 3 juillet 2017 en tant qu'elle était dirigée contre la décision de refus implicite de lui communiquer des documents administratifs née le 22 janvier 2017, deux mois après l'enregistrement de sa demande auprès de la commission d'accès aux documents administratifs en application de l'article R. 343-5 du code des relations entre le public et l'administration, que la circonstance que les délais et voies de recours contentieux ouverts contre cette décision ne lui avaient pas été notifiés était sans incidence sur la recevabilité de sa requête, au motif que le litige concernait les relations d'un agent avec son administration, le tribunal administratif n'a commis aucune erreur de droit.

Sur les conclusions dirigées contre le jugement en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires :

4. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle (...) ". Ces dispositions n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. L'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision.

5. Il s'ensuit qu'en jugeant que les conclusions indemnitaires présentées par M. A... étaient irrecevables au motif qu'elles n'avaient pas été introduites après l'intervention d'une décision prise par l'autorité administrative, le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 9 janvier 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de M. A....

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Rouen.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 428760
Date de la décision : 12/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2020, n° 428760
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christelle Thomas
Rapporteur public ?: Mme Anne Iljic
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:428760.20200612
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