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12/06/2020 | FRANCE | N°422870

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 12 juin 2020, 422870


Vu la procédure suivante :

La société 5FetF, anciennement dénommée société LCDC, a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 ainsi que des amendes mises à sa charge au titre des années 2011 et 2012 en application de l'article 1759 du code général des impôts. Par un jugement

n° 1612045 du 7 juillet 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa de...

Vu la procédure suivante :

La société 5FetF, anciennement dénommée société LCDC, a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 ainsi que des amendes mises à sa charge au titre des années 2011 et 2012 en application de l'article 1759 du code général des impôts. Par un jugement n° 1612045 du 7 juillet 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17PA02609 du 8 juin 2018, la cour administrative d'appel de Paris a fait droit à l'appel de la société contre ce jugement et l'a déchargée des impositions en litige.

Par un pourvoi, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 2 août 2018, 8 janvier 2019 et 12 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Humbert, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au cabinet Briard, avocat de la société 5FetF anciennement société LCDC ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 mai 2020, présentée par la société 5FetF ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la société LCDC, devenue la société 5FetF, qui exerce une activité de restauration, a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 ainsi que des amendes en application de l'article 1759 du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012. Par un jugement du 7 juillet 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société tendant à la décharge de ces impositions. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 juin 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et prononcé la décharge des impositions en litige.

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l'administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que pour rejeter la comptabilité de la société comme dépourvue de valeur probante et justifier la reconstitution du chiffre d'affaires selon une méthode extracomptable, l'administration fiscale a mis en évidence des anomalies au sein des fichiers du logiciel de caisse utilisé par la société, révélant l'existence d'une manipulation visant à éluder une partie des recettes. Par l'arrêt attaqué, la cour a jugé que l'administration fiscale avait méconnu l'obligation de communication résultant des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales au motif que la société requérante avait demandé en vain que lui soient communiqués les spécifications fonctionnelles et techniques ainsi que le code source du logiciel de caisse. En statuant par ces motifs, alors que, selon ses propres constatations, l'administration s'était seulement prévalue d'un guide de lecture et de sa propre analyse des fichiers pour fonder les redressements en litige sans opposer à la société contribuable des renseignements issus des spécifications fonctionnelles et techniques ou du code source de son logiciel de caisse, de sorte que le moyen tiré de l'absence de communication de ces documents ne pouvait être utilement invoqué, la cour a commis une erreur de droit. Il suit de là que le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 8 juin 2018 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société 5FetF au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société 5FetF.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 422870
Date de la décision : 12/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2020, n° 422870
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Humbert
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:422870.20200612
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