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03/06/2020 | FRANCE | N°423068

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 03 juin 2020, 423068


Vu la procédure suivante :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010. Par un jugement n° 1520864 du 30 janvier 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17PA01084 du 12 juin 2018, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. et Mme A..., annulé le jugement du tribunal administratif de Paris et prononcé la décharge de l'imposit

ion en litige.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 9 a...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010. Par un jugement n° 1520864 du 30 janvier 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17PA01084 du 12 juin 2018, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. et Mme A..., annulé le jugement du tribunal administratif de Paris et prononcé la décharge de l'imposition en litige.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 9 aout 2018 et le 9 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. et Mme A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. et Mme B... A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A... ont acquis le 3 mai 2010 un appartement dans un immeuble situé à l'intérieur d'un secteur sauvegardé de la ville de Chartres. Ils ont imputé sur leur revenu global de l'année 2010 l'intégralité du déficit foncier de 164 938 euros correspondant à leur quote-part du coût des travaux réalisés sur cet immeuble, sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause cette déduction et M. et Mme A... ont été en conséquence assujettis à un supplément d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 12 juin 2018 prononçant, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 janvier 2017, la décharge de cette imposition.

2. L'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de l'imposition en litige, dispose que : " l'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : / I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la sixième année inclusivement. / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : / (...) 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; cette disposition n'est pas applicable (...) / aux déficits provenant de dépenses autres que les intérêts d'emprunt effectuées sur des locaux d'habitation ou destinés originellement à l'habitation et réaffectés à cet usage par leurs propriétaires et à leur initiative, ou à celle d'une collectivité publique ou d'un organisme chargé par elle de l'opération et répondant à des conditions fixées par décret, en vue de la restauration complète d'un immeuble bâti en application des articles L. 313-1 à L. 313-3 du code de l'urbanisme et payées à compter de la date de publication du plan de sauvegarde et de mise en valeur. Il en est de même, lorsque les travaux de restauration ont été déclarés d'utilité publique en application de l'article L. 313-4-1 du code de l'urbanisme, des déficits provenant des mêmes dépenses effectuées sur un immeuble situé dans un secteur sauvegardé, dès sa création dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 du même code, ou dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application de l'article 70 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat. Les propriétaires prennent l'engagement de les louer nus, à usage de résidence principale du locataire, pendant une durée de six ans. La location doit prendre effet dans les douze mois qui suivent la date d'achèvement des travaux de restauration. (...) ". Il résulte de ces dispositions que sont seuls autorisés à imputer sur leur revenu global les déficits fonciers provenant de dépenses de restauration d'immeubles situés dans un secteur sauvegardé, les propriétaires de ces immeubles qui, agissant dans le cadre d'un groupement, constitué ou non sous la forme d'une association syndicale, ont satisfait à l'obligation d'assumer collectivement la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser ce qui implique l'engagement de ces travaux, leur financement et leur contrôle.

3. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'association foncière urbaine libre (AFUL) du Puits Berchot a été constituée par acte authentique le 24 décembre 2008, afin de permettre aux propriétaires d'assurer, dans le cadre d'un groupement, une opération de restauration immobilière de l'immeuble situé 7/9 rue du Pot Vert, en secteur sauvegardé, à Chartres, et acquis le 18 septembre 2008 par la société Promogère qui s'est vu délivrer un permis de construire à cette même date. L'AFUL du Puits Berchot a, au cours de l'année 2009, signé le contrat de maîtrise d'oeuvre ainsi que le marché de travaux, passés pour la réalisation de cette opération, avant de procéder au paiement des travaux. En déduisant de l'ensemble de ces éléments que les propriétaires réunis au sein de l'AFUL du Puits Berchot devaient être regardés comme ayant assumé collectivement la maîtrise d'ouvrage de l'opération de restauration immobilière, alors même que le permis de construire délivré à la société Promogère n'a été transféré à l'AFUL du Puits Berchot que le 18 mai 2010, la cour n'a entaché son arrêt ni d'erreur de droit ni d'inexacte qualification juridique des faits.

4. En second lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que M. et Mme A... ont acquis, le 3 mai 2010, un appartement non restauré avec un parking correspondant aux lots n° 20 et 48 de cet immeuble et ont simultanément adhéré à l'AFUL du Puits Berchot. Ils ont ensuite payé la fraction de l'ensemble des dépenses engagées par l'AFUL du Puits Berchot leur incombant au titre de la quote-part affectée à leurs lots. En se fondant sur ces circonstances pour juger que M. et Mme A... devaient être regardés comme ayant eu, en leur qualité de propriétaires agissant dans le cadre d'un groupement assurant la maîtrise d'ouvrage de l'opération, l'initiative des travaux au sens des dispositions citées au point 2 de l'article 156 du code général des impôts, alors même qu'ils n'étaient devenus propriétaires au sein de l'immeuble que postérieurement au lancement du programme par l'AFUL du Puits Berchot mais à une date où les travaux étaient toujours en cours et où leur appartement n'avait pas été restauré, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à M. et Mme B... A....


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 423068
Date de la décision : 03/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LE REVENU. DÉTERMINATION DU REVENU IMPOSABLE. - DÉFICITS FONCIERS PROVENANT DE DÉPENSES DE RESTAURATION D'IMMEUBLES SITUÉS DANS UN SECTEUR SAUVEGARDÉ (ART. 156-I-3° DU CGI) - 1) CONDITION D'INITIATIVE DES TRAVAUX - PROPRIÉTAIRES AGISSANT DANS LE CADRE D'UN GROUPEMENT - OBLIGATION D'ASSUMER COLLECTIVEMENT LA MAÎTRISE D'OUVRAGE [RJ1] - 2) ESPÈCE - CONTRIBUABLES DEVENUS PROPRIÉTAIRES AU SEIN DE L'IMMEUBLE POSTÉRIEUREMENT AU LANCEMENT DU PROGRAMME MAIS À UNE DATE OÙ LES TRAVAUX ÉTAIENT EN COURS ET OÙ LEUR APPARTEMENT N'AVAIT PAS ÉTÉ RÉNOVÉ.

19-04-01-02-03 1) Il résulte du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts (CGI) que sont seuls autorisés à imputer sur leur revenu global les déficits fonciers provenant de dépenses de restauration d'immeubles situés dans un secteur sauvegardé les propriétaires de ces immeubles qui, agissant dans le cadre d'un groupement, constitué ou non sous la forme d'une association syndicale, ont satisfait à l'obligation d'assumer collectivement la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser, ce qui implique l'engagement de ces travaux, leur financement et leur contrôle.,,,2) Association foncière urbaine libre (AFUL) constituée le 24 décembre 2008, afin de permettre aux propriétaires d'assurer, dans le cadre d'un groupement, une opération de restauration immobilière d'un immeuble situé en secteur sauvegardé. Contribuables ayant acquis, le 3 mai 2010, un appartement non restauré avec un parking au sein de l'immeuble et simultanément adhéré à l'AFUL et ayant ensuite payé la fraction de l'ensemble des dépenses engagées par l'AFUL leur incombant au titre de la quote-part affectée à leurs lots.... ,,Dans ces circonstances, les intéressés doivent être regardés comme ayant eu, en leur qualité de propriétaires agissant dans le cadre d'un groupement assurant la maîtrise d'ouvrage de l'opération, l'initiative des travaux au sens des dispositions du 3° du I de l'article 156 du CGI, alors même qu'ils n'étaient devenus propriétaires au sein de l'immeuble que postérieurement au lancement du programme par l'AFUL mais à une date où les travaux étaient toujours en cours et où leur appartement n'avait pas été restauré.


Références :

[RJ1]

Cf., pour l'application d'une version antérieure de cet article réservant le bénéfice du dispositif aux opérations groupées, CE, 27 février 1998,,, n° 161140, T. p. 864.


Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 2020, n° 423068
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christelle Thomas
Rapporteur public ?: Mme Anne Iljic
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:423068.20200603
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