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03/06/2020 | FRANCE | N°421970

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 03 juin 2020, 421970


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du préfet de Lot-et-Garonne du 10 avril 2014 déclarant d'utilité publique le projet d'acquisitions et de travaux nécessaires à la réalisation de la zone d'activité concertée "Technopole Agen Garonne " et portant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Brax et Sainte-Colombe-en-Bruilhois et, d'autre part, l'arrêté du 29 septembre 2014 déclarant cessibles les terrains nécessaires à la réalisation de cet

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Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du préfet de Lot-et-Garonne du 10 avril 2014 déclarant d'utilité publique le projet d'acquisitions et de travaux nécessaires à la réalisation de la zone d'activité concertée "Technopole Agen Garonne " et portant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Brax et Sainte-Colombe-en-Bruilhois et, d'autre part, l'arrêté du 29 septembre 2014 déclarant cessibles les terrains nécessaires à la réalisation de cette zone d'activité. Par un jugement n° 1402244, 1404962 du 22 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à ces demandes.

Par un arrêt n° 16BX00652, 16BX00727 du 3 mai 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé contre ce jugement par l'agglomération d'Agen et le ministre de l'intérieur.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juillet et 28 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative et de l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. A... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 10 avril 2014, le préfet de Lot-et-Garonne a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisitions et de travaux nécessaires à la réalisation de la zone d'activité concertée " Technopôle Agen Garonne " et mis en compatibilité les plans locaux d'urbanisme des communes de Brax et de Sainte-Colombe-en-Bruilhois. Par un arrêté du 29 septembre 2014, il a déclaré cessibles les terrains nécessaires à la réalisation de cette opération. A la demande de M. B..., le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces arrêtés par un jugement du 22 décembre 2015, confirmé en appel, par un arrêt du 3 mai 2018 de la cour administrative d'appel de Bordeaux contre lequel le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation.

Sur les conclusions dirigés contre l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur l'arrêté du 10 avril 2014 déclarant le projet d'utilité publique et sur l'arrêté de cessibilité du 29 septembre 2014 :

2. L'article L. 123-14 du code de l'urbanisme, devenu l'article L. 153-54 du même code, dans sa version alors applicable, dispose que : " Lorsque la réalisation d'un projet public ou privé de travaux, de construction ou d'opération d'aménagement, présentant un caractère d'utilité public ou d'intérêt général, nécessite une mise en compatibilité d'un plan local d'urbanisme, ce projet peut faire l'objet d'une déclaration d'utilité publique (...)/ Dans ce cas, l'enquête publique porte à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général du projet et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence./ La déclaration d'utilité publique (...) d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir qu'au terme de la procédure prévue par l'article L. 123-14-2". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, devenu l'article L. 600-12 du même code, dans sa version alors applicable : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité (...) d'un plan local d'urbanisme (...) a pour effet de remettre en vigueur (...) le plan d'occupation des sols (...) immédiatement antérieur ".

3. Il résulte de ces dispositions que la déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions du plan local d'urbanisme alors en vigueur ne peut intervenir sans qu'aient été respectées les prescriptions de l'article L. 123-14 du code de l'urbanisme visant à assurer la mise en compatibilité du plan avec l'opération projetée. Une telle mise en conformité emporte modification de ce plan. En cas d'annulation de ce plan postérieure à l'acte de déclaration d'utilité publique, celui-ci doit être regardé comme ayant mis en conformité le plan d'occupation des sols immédiatement antérieur remis en vigueur.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 10 février 2015 devenu définitif, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la délibération du 28 juin 2012 par laquelle le conseil municipal de Sainte-Colombe-en-Bruilhois a approuvé son plan local d'urbanisme. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 d'une part, que cette annulation a eu pour effet de remettre en vigueur le plan d'occupation des sols immédiatement antérieur approuvé le 13 novembre 2001 et modifié le 26 octobre 2006 et d'autre part, que l'arrêté du 10 avril 2014 portant mise en compatibilité du document d'urbanisme de la commune devait être regardé comme ayant mis en conformité ce plan d'occupation des sols. Par suite, en considérant que l'arrêté du 10 avril 2014 n'avait pas emporté mise en compatibilité de ce dernier au motif qu'il se bornait à ouvrir à l'urbanisation le secteur sur lequel le projet devait être réalisé sans en modifier le classement en zone naturelle NC, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il porte sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 10 avril 2014 déclarant le projet d'utilité publique mais aussi en tant qu'il porte sur celles dirigées contre l'arrêté de cessibilité du 29 septembre 2014, sur lesquelles la cour a statué par voie de conséquence.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions tendant à un règlement de juges :

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans ses écritures en appel, le ministre de l'intérieur demandait que soit déclaré nul et non avenu le jugement du 10 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la délibération du conseil municipal de Sainte-Colombe-en-Bruilhois du 28 juin 2012 approuvant le plan local d'urbanisme de cette commune. La cour ayant omis de se prononcer sur ces conclusions, il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué dans cette mesure et, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de statuer sur ces conclusions.

7. Pour demander que, par un règlement de juges, le jugement du 10 février 2015 du tribunal administratif de Bordeaux soit déclaré nul et non avenu, le ministre de l'intérieur fait valoir que l'annulation par ce jugement de la délibération du 28 juin 2012 du conseil municipal de Sainte-Colombe-en-Bruilhois est fondée sur un motif, tiré de ce que le conseil municipal avait omis de se prononcer sur les objectifs poursuivis par la révision des documents d'urbanisme, qui n'est plus opérant depuis que, par une décision n° 388902 du 5 mai 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a jugé que le moyen tiré de l'illégalité de la délibération prescrivant l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme ne peut, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoqué contre la délibération approuvant le plan local d'urbanisme. Toutefois cette circonstance, qui n'est pas de nature à faire obstacle à l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement devenu définitif du tribunal administratif de Bordeaux du 10 février 2015, ne peut conduire à un règlement des juges dès lors que le jugement du tribunal administratif de Bordeaux et la décision du Conseil d'Etat n'ont pas le même objet. Il s'ensuit qu'en l'absence de contrariété entre deux décisions juridictionnelles définitives conduisant à un déni de justice, la demande du ministre de l'intérieur tendant à ce que ce jugement soit déclaré nul et non avenu ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. B... soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 3 mai 2018 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées en appel par le ministre de l'intérieur tendant à ce que le jugement du 10 février 2015 du tribunal administratif de Bordeaux soit déclaré nul et non avenu sont rejetées.

Article 3 : L'affaire est renvoyée, pour le surplus des conclusions, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 4 : Les conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A... B...,

Copie information sera transmise à la commune de Brax et à la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 421970
Date de la décision : 03/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 2020, n° 421970
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: Mme Anne Iljic
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:421970.20200603
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