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13/03/2020 | FRANCE | N°426701

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 13 mars 2020, 426701


Vu la procédure suivante :

Mme A..., en sa qualité de représentante légale de ses filles mineures, C... D..., E... F... D... et G... D..., a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler les décisions du 31 janvier 2018 par lesquelles le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté les demandes d'asile qu'elle avait formulées au nom de ses filles et de leur reconnaitre la qualité de réfugiées ou, à défaut, de leur accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.

Par une décision n° 18022131, 1802

2145 et 18027342 du 2 novembre 2018, la Cour nationale du droit d'asile a reconnu ...

Vu la procédure suivante :

Mme A..., en sa qualité de représentante légale de ses filles mineures, C... D..., E... F... D... et G... D..., a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler les décisions du 31 janvier 2018 par lesquelles le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté les demandes d'asile qu'elle avait formulées au nom de ses filles et de leur reconnaitre la qualité de réfugiées ou, à défaut, de leur accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.

Par une décision n° 18022131, 18022145 et 18027342 du 2 novembre 2018, la Cour nationale du droit d'asile a reconnu aux intéressées la qualité de réfugiées.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 décembre 2018 et 1er avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer les affaires devant la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme A... ;

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que C... D..., E... F... D... et G... D... sont nées au Canada de parents guinéens, respectivement les 4 mai 2012, 15 octobre 2013 et 1er mars 2016, et possèdent, contrairement à leur mère, la double nationalité canadienne et guinéenne. Elles sont entrées en France le 27 mai 2017, avec leur mère, qui est séparée de leur père. Leur mère, Mme A..., agissant en sa qualité de représentante légale, a sollicité auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) la reconnaissance pour ses filles mineures de la qualité de réfugiée. Par des décisions du 31 janvier 2018, ces demandes ont été rejetées. Saisie par Mme A..., la Cour nationale du droit d'asile a, par une décision du 2 novembre 2018, octroyé aux intéressées la qualité de réfugiée en raison de leurs craintes d'être exposées à des risques de mutilations sexuelles féminines en cas de retour en Guinée, sans qu'elles puissent se réclamer de la protection du Canada. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides se pourvoit en cassation contre cette décision.

2. Aux termes des stipulations du A, 2° de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et du protocole signé à New-York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui "craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ". Selon les mêmes stipulations, dans le cas d'une personne qui a plus d'une nationalité, l'expression "du pays dont elle a la nationalité" vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité, et ne sera pas considérée comme privée de la protection du pays dont elle a la nationalité, toute personne qui, sans raison valable fondée sur une crainte justifiée, ne s'est pas réclamée de la protection de l'un des pays dont elle a la nationalité.

3. Il résulte de ces stipulations que, pour prétendre à la qualité de réfugié, doit être regardée comme privée de la protection d'un pays dont elle a la nationalité, une personne contrainte de renoncer à se prévaloir de cette protection pour une raison valable fondée sur une crainte justifiée de persécution.

4. En outre, eu égard aux exigences attachées à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui protège le droit au respect de la vie familiale et à celles découlant de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui impose à l'autorité administrative d'accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, doit être regardée, pour l'enfant mineur, comme une raison valable de ne pouvoir se réclamer de la protection du ou de l'un des pays dont il a la nationalité, l'impossibilité avérée pour le ou les parents qui pourvoient à son entretien et à son éducation de séjourner dans le pays en cause, alors même qu'aucune crainte de persécution ne serait alléguée dans ce pays.

5. Pour reconnaître la qualité de réfugiées aux enfants mineures de Mme A..., la Cour nationale du droit d'asile s'est fondée sur le fait que, bien que possédant la nationalité canadienne, pays à l'égard duquel elles ne faisaient état d'aucune crainte, elles ne pouvaient pas se prévaloir de la protection de ce pays. Pour ce faire, elle s'est bornée à relever que leur mère, qui n'a pas la nationalité canadienne, n'avait pas " vocation à retourner " dans ce pays. En statuant ainsi, sans rechercher s'il était établi que cette dernière n'était pas en mesure d'y séjourner, la Cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.

7. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle ce que soit mis à la charge de l'OFPRA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme à ce titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 2 novembre 2018 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à Mme B... A....


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 426701
Date de la décision : 13/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mar. 2020, n° 426701
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:426701.20200313
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