Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement la commune de L'Aiguillon-sur-Mer et l'Etat à lui verser, outre les intérêts légaux à compter de ses demandes, la somme de 70 000 euros en réparation de son préjudice résultant de l'illégalité du certificat d'urbanisme opérationnel positif délivré le 21 mars 2008. Par un jugement n° 1211000 du 1er mars 2016, le tribunal administratif a fait partiellement droit à cette demande.
Par un arrêt n° 16NT01452 du 21 juin 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel du ministre formé contre ce jugement.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 août 2018 et le 11 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A... et à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de l'Aiguillon-sur-Mer ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., qui souhaitait acquérir un terrain sur le territoire de la commune de l'Aiguillon-sur-Mer (Vendée) pour y réaliser une construction à usage d'habitation, a sollicité et obtenu du maire de cette commune, le 21 mars 2008, un certificat d'urbanisme déclarant réalisable l'opération projetée à la suite duquel il a fait l'acquisition, le 12 septembre 2008 des parcelles en cause. Après le passage de la tempête " Xynthia " dans la nuit du 27 au 28 février 2010 sur le territoire de la commune, ce terrain a, toutefois, fait l'objet, le 21 août 2012, d'un certificat d'urbanisme négatif fondé notamment sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par un jugement du 1er mars 2016 le tribunal administratif de Nantes a fait partiellement droit à la demande de M. A... tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il a subis du fait de l'acquisition de ce terrain devenu inconstructible suite à la tempête " Xynthia " et condamné l'Etat et la commune à verser à M. A..., respectivement, les indemnités de 30 000 et 20 000 euros. Le ministre de la transition écologique et solidaire, ainsi que la commune de L'Aiguillon-sur-Mer par la voie du pourvoi incident, se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 21 juin 2018 par lequel la cour administrative de Nantes a rejeté leurs appels contre ce jugement, M. A... demandant, par un pourvoi incident, l'annulation de cet arrêt en tant qu'il retient une faute de sa part.
Sur le principe de la responsabilité :
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de L'Aiguillon-sur-Mer :
2. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
3. En vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les inondations et les tempêtes, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités.
4. Les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, élaboré par l'Etat conformément aux articles L. 562-1 et suivants du code de l'environnement, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à certains risques naturels et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative ne soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Il appartient toutefois à l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme, si les particularités de la situation l'exigent, de préciser dans l'autorisation, le cas échéant, les conditions d'application d'une prescription générale contenue dans le plan ou de subordonner, en application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, la délivrance du permis de construire sollicité à d'autres prescriptions spéciales, si elles lui apparaissent nécessaires, que celles qui résultent du plan de prévention des risques naturels prévisibles. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme peut aussi, si elle estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, que les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique le justifient, refuser, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de délivrer un permis de construire, alors même que le plan n'aurait pas classé le terrain d'assiette du projet en zone à risques ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables.
5. Il résulte de ce qui précède qu'il appartenait au maire, agissant au nom de la commune, d'apprécier si le projet de construction pour lequel M. A... sollicitait un certificat d'urbanisme était de nature à porter atteinte à la sécurité publique et délivrer, le cas échéant, un certificat négatif en se fondant sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
6. Pour juger que la responsabilité de la commune était en l'espèce engagée à raison de l'illégalité fautive entachant le certificat d'urbanisme délivré le 21 mars 2008, la cour a retenu que l'autorité administrative compétente devait, s'agissant du risque de submersion marine, apprécier l'existence de ce risque au regard des données disponibles, en prenant en compte notamment le niveau marin de référence, la situation du projet au regard des ouvrages de défense contre la mer, les précédents connus de rupture de digues ou de submersion. Après avoir relevé que, par arrêté du 8 juin 2007, le préfet de la Vendée avait approuvé par anticipation le projet de plan de prévention des risques d'inondation pour les communes de la Faute-sur-Mer et l'Aiguillon-sur-Mer et que, dans ce projet de plan, les parcelles acquises par M. A... avaient été classées en zone bleu clair, correspondant à une zone constructible sous conditions, la zone en cause de l'estuaire du Lay étant considérée comme une zone moins dangereuse que celle du littoral, la cour a retenu toutefois, en se fondant notamment sur un rapport de la Cour des comptes de juillet 2012, que plusieurs documents datant de 2007 et 2008 contredisaient l'évaluation du risque de submersion en indiquant que la zone de l'estuaire du Lay était la zone la plus dangereuse compte tenu du risque de conjonction, dans l'estuaire, de crues et de la submersion marine. Elle a également retenu que la note de présentation du plan de prévention des risques d'inondation établie en août 2010 indiquait que plusieurs tempêtes, en mars 1937 et novembre 1940, avaient conduit à une submersion marine et à des ruptures de digue sur le territoire de la commune de L'Aiguillon-sur-Mer. En jugeant, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, par un arrêt suffisamment motivé, que le maire de L'Aiguillon-sur-Mer avait commis une erreur manifeste d'appréciation en délivrant le certificat d'urbanisme en cause au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation.
En ce qui concerne la faute que M. A... aurait commise :
7. Pour retenir l'existence d'une faute de M. A... de nature à limiter la part de responsabilité de la commune, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce qu'il ne pouvait ignorer que le terrain en cause était exposé à un risque d'inondation, le certificat d'urbanisme du 21 mars 2008 et la plaquette d'information préventive relative au plan de prévention des risques inondations de l'estuaire du Lay, rédigée en juillet 2007, mentionnant expressément l'existence d'un tel risque d'inondation. En statuant ainsi, par un arrêt suffisamment motivé sur ce point, la cour a exactement qualifié les faits de la cause. En fixant à 20 % la part du dommage subi correspondant à la faute commise par M. A..., la cour s'est livrée à une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
Sur les préjudices :
8. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le ministre, la survenue de la tempête " Xynthia " ne saurait être regardée comme étant la cause directe et certaine du préjudice subi par M. A... du fait de l'impossibilité de réaliser son projet de construction, dès lors que la commune est jugée avoir commis une faute pour avoir estimé, avant la survenue de cette tempête, qu'il était légalement possible de construire sur les parcelles litigieuses. En jugeant que la circonstance que le certificat d'urbanisme du 21 mars 2008 était devenu caduc lorsque M. A... a formé sa demande indemnitaire était sans incidence sur le lien direct entre la faute de la commune, résultant de la délivrance d'un certificat d'urbanisme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, et le préjudice subi par M. A..., consistant en l'acquisition, au prix de terrains constructibles, de ces parcelles sur la foi des renseignements portés sur le certificat d'urbanisme litigieux en cours de validité délivré à cette date, la cour, qui n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit, a exactement qualifié les faits de l'espèce.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du ministre de la transition écologique et solidaire ainsi que les pourvois incidents de M. A... et de la commune de L'Aiguillon-sur-Mer doivent être rejetés. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. A... et par la commune de L'Aiguillon-sur-Mer au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de la transition écologique et solidaire, le pourvoi incident de M. A... et le pourvoi incident de la commune de L'Aiguillon-sur-Mer sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique et solidaire, à M. B... A... et à la commune de L'Aiguillon-sur-Mer.