La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2020 | FRANCE | N°414032

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 13 mars 2020, 414032


Vu la procédure suivante :

L'association Vent Funeste a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 février 2013 par lequel les préfets des départements de la Charente et de la Vienne ont autorisé la SNC MSE Le Vieux Moulin à exploiter un parc de dix-neuf éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Lizant, Genouillé et Surin dans le département de la Vienne et sur le territoire des communes de Taizé-Aizie, Nanteuil-en-Vallée et Le Bouchage dans le département de la Charente. Par un jugement n°

1301852 du 12 mai 2016, le tribunal administratif a fait droit à cett...

Vu la procédure suivante :

L'association Vent Funeste a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 février 2013 par lequel les préfets des départements de la Charente et de la Vienne ont autorisé la SNC MSE Le Vieux Moulin à exploiter un parc de dix-neuf éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Lizant, Genouillé et Surin dans le département de la Vienne et sur le territoire des communes de Taizé-Aizie, Nanteuil-en-Vallée et Le Bouchage dans le département de la Charente. Par un jugement n° 1301852 du 12 mai 2016, le tribunal administratif a fait droit à cette demande.

Par un arrêt nos 16BX02278, 16BX02279 du 13 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel de la SNC MSE Le Vieux Moulin formé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 septembre et 7 décembre 2017 et 22 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SNC MSE Le Vieux Moulin demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'association Vent Funeste le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SNC MSE Le Vieux Moulin et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Vent Funeste ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 22 février 2013, les préfets des départements de la Charente et de la Vienne ont accordé la société MSE Le Vieux Moulin l'autorisation d'exploiter un parc éolien, nommé " Sud Vienne Nord Charente ", composé de trois postes de livraison et de dix-neuf éoliennes d'une hauteur totale de 126,25 m et d'une puissance de 2 MW sur les communes de Lizant, Genouillé et Surin dans le département de la Vienne et Le Bouchage, Nanteuil-en-Vallée et Taizé-Aizie dans le département de la Charente. Par un jugement du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Poitiers a, à la demande de l'association Vent Funeste, annulé cet arrêté. La société MSE Le Vieux Moulin se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 juillet 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel formé contre ce jugement.

Sur le contenu de l'étude d'impact :

2. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : / (...) 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu, par dérogation aux dispositions de l'article R. 122-3, est défini par les dispositions de l'article R. 512-8 ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 512-8 du même code : " I.- Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II.- Elle présente successivement : / 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que sur les biens matériels et le patrimoine culturel susceptibles d'être affectés par le projet ; / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l'installation sur l'environnement et, en particulier, sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'agriculture, l'hygiène, la santé, la salubrité et la sécurité publiques, sur la protection des biens matériels et du patrimoine culturel. Cette analyse précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions de l'air, de l'eau et des sols, les effets sur le climat, le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu'ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d'approvisionnement en eau et d'utilisation de l'eau ; / 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, le projet a été retenu parmi les solutions envisagées. Ces solutions font l'objet d'une description succincte ; / 4° a) Les mesures envisagées par le demandeur pour supprimer, limiter et, si possible, compenser les inconvénients de l'installation ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes. Ces mesures font l'objet de descriptifs précisant les dispositions d'aménagement et d'exploitation prévues et leurs caractéristiques détaillées. (...) ".

3. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

4. En premier lieu, il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que l'étude d'impact, dans sa partie consacrée à l'état initial du site et son environnement, indique que l'église de Genouillé, classée au titre des monuments historiques, et le portail de l'église de Surin, inscrit à l'inventaire des monuments historiques, se situent respectivement à 4,5 kilomètres et à environ 2 kilomètres du projet, en covisibilité " possible " avec celui-ci, la partie de l'étude consacrée à l'analyse des effets du projet comportant une carte classant les communes de Genouillé et de Surin dans une zone où l'impact visuel du projet est qualifié de moyen ou fort, des développements concernant l'impact du projet sur les sites et monuments remarquables soulignant les impacts moyens à fort, d'une part, sur l'église de Genouillé, avec plusieurs photomontages, d'autre part, sur la commune de Surin, avec un photomontage mettant en évidence la covisibilité du projet avec l'église. Si la société pétitionnaire a produit, en cours d'instance devant la cour administrative d'appel, d'autres photomontages montrant de façon plus explicites que ceux figurant dans l'étude d'impact soumise à enquête publique la covisibilité du projet avec les églises de Genouillé et de Surin, la cour, en retenant que ces nouveaux photomontages avaient révélé les impacts non négligeables du projet sur ces deux monuments et que l'étude d'impact était en conséquence entachée, sur ce point, d'une insuffisance telle qu'elle avait eu pour effet de nuire à l'information du public, a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

5. En deuxième lieu, si en vertu des dispositions du a) du 4° du II de l'article R. 512-8 du code de l'environnement, citées au point 3, l'étude d'impact doit comporter des documents précisant notamment les conditions " du transport des produits fabriqués " au sein de l'installation, le raccordement d'une installation de production d'électricité aux réseaux de transport de distribution et de transport d'électricité, qui incombe aux gestionnaires de ces réseaux et qui relève d'une autorisation distincte, ne constitue pas un transport des produits fabriqués au sens de ces dispositions. Par suite, en jugeant que l'étude d'impact, faute de comporter des indications relatives aux modalités de raccordement envisagées, était également entachée d'insuffisances de nature à nuire à l'information du public, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

6. En troisième lieu, si en vertu de ces mêmes dispositions, l'étude d'impact doit présenter les mesures envisagées pour supprimer, limiter et, si possible, compenser les inconvénients de l'installation, ces dispositions n'imposent pas au pétitionnaire de démontrer qu'il dispose de la maîtrise foncière des terrains sur lesquels ces mesures doivent être mises en oeuvre. Par suite, en se fondant notamment sur le fait que l'étude d'impact n'identifiait pas les propriétaires des terres sur lesquelles devront être implantées des haies prévues à titre de mesures compensatoires et que le pétitionnaire n'avait produit aucun titre de nature à justifier sa maîtrise foncière sur les terrains concernés, pour juger que l'étude d'impact était entachée d'insuffisance quant à la description des mesures de compensation, la cour a commis une erreur de droit.

7. Dès lors, eu égard à ce qui a été dit aux points 5 à 7, en estimant que plusieurs insuffisances de l'étude d'impact avaient nui à l'information complète de la population et été, en l'espèce, de nature à exercer une influence sur le sens de la décision prise, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et entaché son arrêt d'une erreur de droit. Si la cour a, par ailleurs, également retenu que l'étude d'impact du projet comportait des insuffisances relatives à l'impact du projet sur les chiroptères, le busard cendré et l'oedicnème criard, il apparaît que ces éléments ne sont pas, à eux-seuls, de nature à avoir nui à l'information complète du public ou à avoir exercé une influence sur la décision de l'autorité administrative.

Sur les prescriptions dont est assorti l'arrêté litigieux :

8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle l'autorisation a été délivrée : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. (...) ". Aux termes de l'article L. 512-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les conditions d'installation et d'exploitation jugées indispensables pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, les moyens de suivi, de surveillance, d'analyse et de mesure et les moyens d'intervention en cas de sinistre sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des arrêtés complémentaires pris postérieurement à cette autorisation. ". Enfin, aux termes de l'article R. 512-28 dans rédaction alors applicable : " L'arrêté d'autorisation et, le cas échéant, les arrêtés complémentaires fixent les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1, L. 220-1 et L. 511-1. / Ces prescriptions tiennent compte notamment, d'une part, de l'efficacité des meilleures techniques disponibles et de leur économie, d'autre part, de la qualité, de la vocation et de l'utilisation des milieux environnants ainsi que de la gestion équilibrée de la ressource en eau. (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'afin de prévenir au maximum les impacts potentiels sur l'avifaune et les chiroptères et les impacts paysagers, les préfets de la Charente et de la Vienne ont, en application des dispositions précitées, assorti l'autorisation d'exploitation délivrée à la société MSE Le Vieux Moulin d'une obligation de mettre en oeuvre un programme de plantation de bandes enherbées et de haies, défini au point 8.1.2 de l'arrêté attaqué. Dans ce cadre, l'arrêté prescrit notamment au pétitionnaire, six mois au plus tard à compter de sa notification, de transmettre à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement compétente, pour accord, la localisation des haies et bandes enherbées prévues et leur composition. Il est également prévu que ces bandes enherbées et la densification de 4 000 mètres linéaires de ceinture végétale aux abords des hameaux impactés sont réalisées avant la mise en service de l'installation, les autres haies devant être mises en place dans les six mois suivant la mise en exploitation. En outre, l'arrêté prévoit que le maintien des bandes enherbées doit être évalué au regard du suivi environnemental concernant l'avifaune et celui des autres plantations prévues assuré pendant au minimum quinze ans avec obligation de résultat, Enfin, il est prescrit au pétitionnaire de tenir à disposition tous les documents permettant de justifier la réalisation de ce programme dans les délais prévus.

10. Pour juger que ces prescriptions étaient insuffisantes à prévenir l'atteinte portée par le projet au patrimoine architectural, à l'avifaune et aux chiroptères et, par suite, que les préfets de la Vienne et de la Charente avaient fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, la cour s'est notamment fondée sur le fait qu'il ne résultait pas de l'instruction que la société MSE Le Vieux Moulin soit propriétaire des terrains sur lesquels devraient être plantées ces haies ou qu'elle disposait de l'autorisation des propriétaires et qu'il n'était ainsi pas établi que les prescriptions figurant dans l'arrêté puissent être mises en oeuvre. En statuant ainsi, alors que la circonstance, à la supposer établie, que le pétitionnaire ne serait pas propriétaire des terrains sur lesquels l'implantation des plantations prescrites est prévue ou qu'il ne disposerait pas de l'accord des propriétaires concernés, est sans incidence sur la légalité de l'autorisation délivrée et des prescriptions dont elle est assortie, la cour a commis une erreur de droit.

11. Il résulte de tout ce qui précède que, les deux motifs retenus par la cour administrative d'appel pour annuler l'arrêté contesté étant erronés, la société MSE Le Vieux Moulin est, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société MSE Le Vieux Moulin, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Vent funeste le versement d'une somme de 3 000 euros à la société MSE Le Vieux Moulin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 13 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'association Vent Funeste versera à la SNC MSE Le Vieux Moulin une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'association Vent Funeste sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SNC MSE Le Vieux Moulin, à l'association Vent Funeste et à la ministre de la transition écologique et solidaire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 13 mar. 2020, n° 414032
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Franceschini
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 13/03/2020
Date de l'import : 17/03/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 414032
Numéro NOR : CETATEXT000041722607 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-03-13;414032 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award