Vu la procédure suivante :
M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités correspondantes auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011. Par un jugement n° 1405288 du 17 février 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 17LY01683 du 11 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. et Mme D... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 décembre 2018, 1er mars et 20 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme D... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme D... ;
Vu la note en délibéré, enregistré le 24 février 2020, présentée par M. et Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de la société civile Challenger, l'administration fiscale a décidé d'imposer au titre des années 2010 et 2011, sur le fondement de l'article 150-0 A du code général des impôts, la plus-value réalisée par le dirigeant de cette société, M. C... D..., lors de la cession à ses fils, MM. A... et B... D..., de trois mille quatre cent quatorze parts de cette société. M. et Mme D... ont contesté les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ainsi que les pénalités résultant de ces rectifications. Par un jugement du 17 février 2017 le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande de décharge. Par l'arrêt attaqué du 11 octobre 2018 la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur appel contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - 1. (...), les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, (...) de droits sociaux (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) / 3. Lorsque les droits détenus directement ou indirectement par le cédant avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants ainsi que leurs frères et soeurs dans les bénéfices sociaux d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés et ayant son siège en France ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années, la plus-value réalisée lors de la cession de ces droits, pendant la durée de la société, à l'une des personnes mentionnées au présent alinéa, est exonérée si tout ou partie de ces droits sociaux n'est pas revendu à un tiers dans un délai de cinq ans. A défaut, la plus-value est imposée au nom du premier cédant au titre de l'année de la revente des droits au tiers. ".
3. En premier lieu, la date à laquelle la cession de droits sociaux d'une société générant une plus-value imposable doit être regardée comme réalisée est celle à laquelle s'opère entre les parties, indépendamment des modalités de paiement, le transfert de propriété. Ce transfert de propriété a lieu, sauf dispositions contractuelles contraires, à la date de la vente, c'est-à-dire à la date où un accord intervient sur la chose et le prix.
4. Il résulte des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué que M. D... a fait apport, au cours de l'année 2003, d'actions qu'il détenait dans la société ADSI à la société civile Challenger. En rémunération de cet apport, trois mille quatre cent quatorze parts sociales de la société civile Challenger lui ont été attribuées. La plus-value réalisée à l'occasion de cet apport a été placée en sursis d'imposition, sur le fondement de l'article
150-0 B du code général des impôts. Par acte sous seing privé du 29 juillet 2004, M. D... a cédé ces parts sociales à ses deux fils, MM. A... et B... D.... La cour administrative d'appel a relevé, d'une part, que cet acte prévoyait que " le transfert de propriété, et de jouissance, serait différé au jour du paiement de la dernière échéance du crédit vendeur " et, d'autre part, qu'il précisait que la cession des parts sociales serait enregistrée à la recette des impôts le jour du transfert de propriété effectif, accompagné d'un acte complémentaire constatant ce transfert de propriété et actant du complet paiement du prix. La cour a également relevé que, par un acte sous seing privé du 13 janvier 2010, les parties à la cession avaient constaté que, bien que le prix de vente n'ait pas été payé intégralement, le cédant acceptait que le transfert de propriété et de jouissance intervienne au jour de ce second acte.
5. En déduisant de ces faits et stipulations contractuelles, qu'elle a souverainement appréciés sans les dénaturer, que le transfert de propriété avait eu lieu le 13 janvier 2010, alors même que l'accord sur la chose et le prix était intervenu dès le 29 juillet 2004, et que, par suite, la cession des parts sociales de la société Challenger par M. D... à ses fils était intervenue en 2010 et non en 2004, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les requérants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que la cour aurait méconnu son office et le principe du contradictoire en statuant comme elle l'a fait sans saisir la juridiction judiciaire d'une question préjudicielle relative à la portée des clauses litigieuses, dès lors que cette question ne soulevait aucune difficulté sérieuse.
7. En second lieu, l'exonération de la plus-value mentionnée aux dispositions précitées du 3 du I de l'article 150-0 A est conditionnée à l'absence de revente à un tiers au groupe familial de tout ou partie des titres dans les cinq ans suivant la cession. Le rachat de ses propres titres par la société cédée doit être regardé comme une acquisition à titre onéreux et, par suite, les droits sociaux rachetés au cessionnaire par la société cédée dans le cadre d'une opération de réduction du capital doivent être regardés comme revendus à un tiers au sens et pour l'application de ces dispositions. Par suite, c'est sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique des faits que la cour, après avoir constaté que l'assemblée générale de la société civile Challenger avait décidé, les 14 janvier 2010 et 14 janvier 2011, de réduire son capital par voie de rachat et d'annulation de titres correspondant à la totalité des parts sociales cédées par M. D... à ses fils, a jugé que ces opérations de réduction de capital de la société civile Challenger devaient s'analyser, au sens de l'article 150-0 A du code général des impôts, comme la revente par les fils de M. D... de leurs parts sociales à un tiers et en a déduit que, ces opérations étant intervenues moins de cinq ans après la date à laquelle la cession des parts sociales de la société civile Challenger par M. D... à ses fils avait généré une plus-value, l'administration avait légalement estimé que cette cession n'entrait pas dans le champ de l'exonération prévue au 3 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts et imposé, au nom de M. et Mme D..., la plus-value en résultant au titre des années de revente de ces droits.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme D... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Monsieur et Madame D... et au ministre de l'action et des comptes publics.