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26/02/2020 | FRANCE | N°423960

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 26 février 2020, 423960


Vu la procédure suivante :

L'Association formation gestion et développement (AFGED) et M. et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à verser une somme de 1 025 356 euros à l'AFGED et une somme de 5 000 euros à M. et Mme D... en réparation des préjudices causés par l'arrêté du 23 juillet 2014 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé la fermeture définitive de l'établissement " La Maison des titis doudous " à Drancy, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation à l'échéance d'une année. Par un ju

gement n° 1410580 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Montreuil ...

Vu la procédure suivante :

L'Association formation gestion et développement (AFGED) et M. et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à verser une somme de 1 025 356 euros à l'AFGED et une somme de 5 000 euros à M. et Mme D... en réparation des préjudices causés par l'arrêté du 23 juillet 2014 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé la fermeture définitive de l'établissement " La Maison des titis doudous " à Drancy, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation à l'échéance d'une année. Par un jugement n° 1410580 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Par un premier arrêt n° 15VE02992 du 19 septembre 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur l'appel de l'AFGED et de M. et Mme D..., annulé ce jugement et ordonné, avant dire droit, une expertise portant sur l'étendue du préjudice subi par l'AFGED. Par un deuxième arrêt du 10 juillet 2018, la cour administrative d'appel a condamné l'Etat à verser à M. et Mme D... la somme de 1 000 euros au titre de leur préjudice moral et rejeté le surplus de la requête d'appel.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 septembre et 7 décembre 2018 et le 20 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme D... et Me C... A..., mandataire liquidateur de l'AFGED, demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette leurs conclusions ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de M. et de Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces soumises aux juges du fond que, par un arrêté du 23 juillet 2014, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, sur le fondement de l'article L. 2324-3 du code de la santé publique, prononcé la fermeture totale et définitive, valant retrait d'autorisation, de l'établissement d'accueil collectif non permanent d'enfants de moins de six ans, dénommé " La Maison des titis doudous " et situé à Drancy, géré par l'Association formation gestion et développement (AFGED). Par un jugement, devenu définitif, du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté au motif qu'il n'avait pas été précédé des injonctions prévues par cet article. L'AFGED et ses gérants, M. et Mme D..., ont recherché la responsabilité de l'Etat en vue de réparer le préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de l'illégalité de cet arrêté. Le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande par un jugement du 2 juillet 2015, dont l'AFGED et M. et Mme D... ont relevé appel. Par un premier arrêt du 19 septembre 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement pour irrégularité et, statuant par la voie de l'évocation, a jugé que le lien de causalité entre la faute de l'Etat et les préjudices subis par l'AFGED était établi. Estimant toutefois ne pas disposer, en l'état de l'instruction, des éléments lui permettant de se prononcer sur le montant des préjudices invoqués, elle a fait application de l'article R. 621-1 du code de justice administrative et ordonné, avant dire droit, une expertise. Par une ordonnance du 25 septembre 2017, le président de la cour a désigné un expert et, par une ordonnance du 12 décembre 2017, il a accordé à celui-ci, sur sa demande, en application de l'article R. 621-12 du code de justice administrative, une allocation provisionnelle de 6 480 euros qu'il a mise à la charge de M. et Mme D.... Le 19 décembre 2017, les intéressés ont indiqué, en appuyant leurs dires de pièces justificatives, qu'ils n'avaient pas les moyens de s'acquitter de cette somme, pas davantage que du montant total de l'expertise, estimé à 27 540 euros et, faisant valoir qu'ils n'avaient pas réclamé cette expertise, qui portait sur le préjudice de l'association et non sur le leur, et qu'ils n'étaient pas, en vertu de l'avant dire droit, la partie perdante, ils ont sollicité du président de la juridiction qu'il prenne en compte leur situation particulière et réforme son ordonnance du 12 décembre 2017. Le 30 janvier 2018, les requérants ont été mis en demeure de verser sous un mois l'allocation provisionnelle aux fins d'expertise, en application de l'article R. 621-12-1 de ce code. Aucun versement n'ayant été effectué à l'expiration de ce délai, l'expert a rendu un rapport de carence le 8 mars 2018. Par un deuxième arrêt du 10 juillet 2018, la cour a rejeté les conclusions aux fins d'indemnisation des chefs de préjudice compris dans la mission d'expertise et alloué, au titre des chefs de préjudice non compris dans la mission d'expertise, une indemnité de 1 000 euros aux époux D.... Me A..., mandataire liquidateur de l'AFGED, et M. et Mme D... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 10 juillet 2018.

Sur les chefs de préjudice compris dans la mission de l'expert :

2. Aux termes de l'article R. 621-12 du code de justice administrative : " Le président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement (...) peut (...) au cours de l'expertise (...) accorder aux experts (...) sur leur demande, une allocation provisionnelle à valoir sur le montant de leurs honoraires et débours. / Il précise la ou les parties qui devront verser ces allocations. Sa décision ne peut faire l'objet d'aucun recours ". Aux termes de l'article R. 621-12-1 du même code : " L'absence de versement, par la partie qui en a la charge, de l'allocation provisionnelle, dans le mois qui suit la notification de la décision mentionnée à l'article R. 621-12, peut donner lieu, à la demande de l'expert, à une mise en demeure signée du président de la juridiction. / Si le délai fixé par cette dernière n'est pas respecté, et si le rapport d'expertise n'a pas été déposé à cette date, l'expert est appelé par le président à déposer, avec sa note de frais et honoraires, un rapport se limitant au constat des diligences effectuées et de cette carence, dont la juridiction tire les conséquences, notamment pour l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 761-1 (...) ".

3. S'il revient à la juridiction, selon l'article R. 621-12-1, de tirer les conséquences du rapport de l'expert constatant les diligences accomplies et la carence résultant de l'absence de versement de l'allocation provisionnelle, il lui appartient néanmoins de statuer sur les conclusions dont elle demeure saisie au vu de l'ensemble des éléments recueillis dans le cadre de l'instruction menée devant elle, jusqu'à la clôture de cette instruction. Il ressort des pièces du dossier de la cour administrative d'appel de Versailles que, après que l'expert eut renoncé à poursuivre sa mission en l'absence de versement de l'allocation provisionnelle, le rapport qu'il a remis à la cour mentionnait, outre le constat de carence, au titre des diligences qu'il avait effectuées, la liste des pièces qu'il avait estimé nécessaires à l'exercice de sa mission et que M. et Mme D..., à la suite du dépôt de ce rapport, ont versé au dossier de la procédure devant la cour des documents correspondant aux pièces visées par l'expert. Dans ces conditions, les requérants sont, en l'espèce, fondés à soutenir que la cour a insuffisamment motivé sa décision en se bornant à relever qu'ils n'avaient pas permis, de leur fait, la réalisation de l'expertise pour en déduire qu'ils n'avaient pas mis la cour en mesure d'apprécier le bien-fondé de leurs prétentions.

4. Il en résulte que les requérants sont fondés à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant qu'il rejette leurs conclusions aux fins d'indemnisation des chefs de préjudice compris dans la mission d'expertise, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen présenté au soutien de ces conclusions.

Sur les chefs de préjudice non compris dans la mission d'expertise :

5. En estimant à 1 000 euros le préjudice moral subi par les époux D... du fait de la fermeture irrégulière par l'arrêté du 23 juillet 2014 de l'établissement qu'ils géraient, la cour a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine qui est exempte de dénaturation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent qu'en tant qu'il statue sur les chefs de préjudice compris dans la mission d'expertise.

Sur les frais de l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à verser à Me C... A..., mandataire liquidateur de l'AFGED. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit accordée au même titre à M. et Mme D....

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 10 juillet 2018 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il statue sur les chefs de préjudice compris dans la mission d'expertise.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à Me C... A..., mandataire liquidateur de l'AFGED, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Me C... A..., mandataire liquidateur de l'Association formation gestion et développement, à M. et Mme B... D... et à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 423960
Date de la décision : 26/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 fév. 2020, n° 423960
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:423960.20200226
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