La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2020 | FRANCE | N°423776

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 13 février 2020, 423776


Vu la procédure suivante :

La société Automobiles Gilbert Salvi a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1401426 du 21 juillet 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16NC02113 du 2 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société Automobiles Gilbert

Salvi contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, ...

Vu la procédure suivante :

La société Automobiles Gilbert Salvi a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1401426 du 21 juillet 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16NC02113 du 2 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société Automobiles Gilbert Salvi contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre et 30 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Automobiles Gilbert Salvi demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société Automobiles Gilbert Salvi ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Automobiles Gilbert Salvi a appliqué le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lors de la revente de cinquante-et-un véhicules d'occasion en provenance d'Allemagne, acquis auprès de fournisseurs français qui lui avaient délivré des factures mentionnant l'application du régime de taxation sur la marge, et qui les avaient eux-mêmes acquis, soit directement auprès de sociétés allemandes, soit auprès de sociétés espagnoles. A la suite d'une vérification de comptabilité, la société Automobiles Gilbert Salvi a été assujettie, pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle ne pouvait appliquer le régime de taxation sur la marge dès lors que les fournisseurs initiaux des véhicules situés en Allemagne n'avaient pas la qualité d'assujettis revendeurs et qu'elle ne pouvait l'ignorer. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 juillet 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 juillet 2016 rejetant sa demande de décharge de ces rappels et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En écartant le moyen soulevé devant elle, tiré de ce que la société requérante n'avait pas été informée de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus de tiers et utilisés pour fonder les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, notamment ceux obtenus auprès des autorités fiscales allemandes, au motif qu'il résultait de l'instruction, et en particulier des mentions de la proposition de rectification notifiée à la société, que l'intégralité des informations ayant permis de procéder à ces rappels avaient été recueillies à l'occasion d'une visite domiciliaire effectuée dans les locaux de la société et des vérifications de comptabilité de ses fournisseurs ainsi que dans le cadre d'une demande d'assistance administrative internationale adressée aux autorités fiscales espagnoles, la cour n'a entaché sa décision ni d'insuffisance de motivation ni de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit.

Sur le bien-fondé des rappels en litige :

3. Aux termes du 2° bis du I de l'article 256 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : "Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006 / 112 / CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. (...) ". Aux termes de son article 297 E : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E de ce code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Il en est de même lorsque le bien est acquis auprès d'un fournisseur situé en France et dont le fournisseur est situé quant à lui dans un autre Etat-membre. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

5. En premier lieu, après avoir estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que l'administration fiscale avait établi que les cinquante-et-un véhicules en litige provenaient d'Allemagne et qu'ils avaient appartenu à des sociétés ayant bénéficié du droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée, la cour a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit, que l'administration devait être regardée comme établissant que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge n'était pas applicable à ces véhicules. En statuant ainsi, la cour qui a implicitement mais nécessairement écarté la contestation de la société portant sur quatre de ces véhicules, dès lors que l'administration avait fait valoir, sans être contredite, que ces véhicules, bien qu'immatriculés au nom de particuliers, avaient été vendus, à l'instar des quarante-sept autres, par des sociétés établies en Allemagne, n'a pas entaché sa décision d'insuffisance de motivation.

6. En second lieu, en jugeant que la société ne pouvait légitimement ignorer que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de vente, au motif que la société qui exerçait son activité de négoce de véhicules automobiles depuis 1995 et bénéficiait d'une expérience dans le domaine de la fiscalité applicable à la vente de véhicules d'occasion, savait que les véhicules en litige avaient appartenu à des sociétés allemandes et disposait d'indices concordants laissant à penser que les cessions de ces véhicules relevaient du régime des acquisitions intracommunautaires, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ni commis d'erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Automobiles Gilbert Salvi n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Automobiles Gilbert Salvi est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Automobiles Gilbert Salvi et au ministre de l'action et des comptes publics.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 13 fév. 2020, n° 423776
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Séverine Larere
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Formation : 9ème chambre
Date de la décision : 13/02/2020
Date de l'import : 18/02/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 423776
Numéro NOR : CETATEXT000041575532 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-02-13;423776 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award