Vu la procédure suivante :
La SCI Ainevil a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge et, subsidiairement, la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016 à raison des locaux dont elle est propriétaire dans la commune de Villers-Cotterêts (Aisne). Par un jugement n° 1700605 du 3 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juin et 30 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Ainevil demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Ainevil ;
Considérant ce qui suit :
1 Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la SCI Ainevil a demandé à l'administration fiscale, d'une part, l'exonération de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties qui lui a été réclamée au titre de l'année 2016 à raison de l'immeuble à usage commercial dont elle est propriétaire à Villers-Cotterêts (Aisne) et, d'autre part, la réduction du montant du surplus du même impôt. Par un jugement du 3 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. La société Ainevil se pourvoit en cassation contre ce jugement. Eu égard aux moyens invoqués, le pourvoi doit être regardé comme tendant à l'annulation du jugement en tant seulement qu'il a statué sur les conclusions tendant à la réduction de la taxe foncière.
2. Aux termes de l'article 1498 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ".
3. Il résulte de ces dispositions que, dans l'hypothèse où la valeur locative d'un local est déterminée par comparaison, les termes de comparaison retenus doivent être constitués par des immeubles précisément identifiés, situés par priorité sur le territoire de la commune, et dont la valeur locative a été déterminée au moyen de l'une des deux méthodes qu'elles prévoient.
4. En jugeant que l'administration fiscale pouvait légalement retenir comme terme de comparaison, pour apprécier la valeur locative du local à usage commercial de la société requérante situé sur le territoire de la commune de Villers-Cotterêts, un immeuble situé sur le territoire de la commune de Laon, sans rechercher au préalable s'il existait un terme de comparaison pertinent sur le territoire de la commune d'implantation du local à évaluer, le tribunal, qui était saisi d'un tel moyen, a méconnu les dispositions du a du 2° de l'article 1498 citées au point 2 ci-dessus.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Ainevil est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a statué sur sa demande de réduction de la taxe foncière.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 3 avril 2018 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il a statué sur la demande de réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre de l'année 2016 présentée par la société Ainevil.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée à l'article 1er, au tribunal administratif d'Amiens.
Article 3 : L'Etat versera à la société Ainevil la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SCI Ainevil et au ministre de l'action et des comptes publics.