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10/02/2020 | FRANCE | N°431416

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 10 février 2020, 431416


Vu la procédure suivante :

M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens de prescrire une expertise, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, en présence de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), du centre hospitalier de Beauvais et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, en vue d'évaluer les préjudices résultant de la contamination de Mme B... par le virus de l'hépatite C. Par u

ne ordonnance n° 1802394 du 24 septembre 2018, le juge des référé...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens de prescrire une expertise, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, en présence de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), du centre hospitalier de Beauvais et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, en vue d'évaluer les préjudices résultant de la contamination de Mme B... par le virus de l'hépatite C. Par une ordonnance n° 1802394 du 24 septembre 2018, le juge des référés a ordonné l'expertise demandée.

Par une ordonnance n° 18DA02100 du 22 mai 2019, le président de la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de l'ONIAM, annulé cette ordonnance et rejeté la demande d'expertise.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 et 19 juin 2019 et le 10 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter l'appel de l'ONIAM ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme B... et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai, statuant sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, que, postérieurement à une intervention chirurgicale pratiquée en 1996 à l'occasion de laquelle elle a été transfusée, Mme B... a été diagnostiquée en 2010 comme porteuse du virus de l'hépatite C. A la suite de cette contamination, M. et Mme B... ont saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une demande de condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à les indemniser au titre de la solidarité nationale. Ils ont également demandé au juge des référés du même tribunal administratif d'ordonner une expertise afin d'actualiser le montant des préjudices subis par Mme B.... Ils se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 22 mai 2019 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de l'ONIAM, annulé l'ordonnance du 24 septembre 2018 du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens qui avait fait droit à leur demande d'expertise.

3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce titre, lorsqu'il est saisi d'une demande d'expertise visant à évaluer un préjudice en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, le juge ne peut se fonder, pour rejeter cette demande, sur l'absence de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée qu'en cas d'absence manifeste d'un tel lien de causalité.

4. Il résulte des termes de l'ordonnance attaquée que, pour juger que la demande d'expertise présentée par M. et Mme B... ne présentait pas le caractère d'utilité exigé par l'article R. 532-1 du code de justice administrative, le juge des référés de la cour administrative d'appel s'est fondé sur la contestation, par l'ONIAM, de l'existence d'une contamination transfusionnelle en 1996. En statuant ainsi, sans rechercher si l'absence de lien de causalité ainsi invoquée par l'ONIAM entre la transfusion subie par Mme B... et sa contamination par le virus de l'hépatite C revêtait un caractère manifeste, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit. Les requérants sont, par suite, fondés à en demander l'annulation.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, et de statuer sur la requête d'appel de l'ONIAM dirigée contre l'ordonnance du 24 septembre 2018 du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens.

6. Il résulte de l'instruction que, si le caractère transfusionnel de la contamination de Mme B... fait l'objet d'une contestation sérieuse qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher, la mesure d'expertise sollicitée, portant seulement sur l'actualisation des préjudices subis par Mme B..., est toutefois insusceptible d'éclairer le juge du principal sur les conditions de cette contamination. Ainsi, l'ONIAM est fondé à soutenir que l'expertise demandée par M. et Mme B... ne présente pas de caractère utile au sens de l'article R. 532-1 du code de justice administrative et, par voie de conséquence, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque et le rejet de la demande d'expertise.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent, à ce titre, M. et Mme B.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme B... la somme que demande l'ONIAM à ce même titre.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Douai du 22 mai 2019 et l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens du 24 septembre 2018 sont annulées.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'ONIAM et de M. et Mme B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C... B..., première requérante dénommée, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier de Beauvais et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.

Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 431416
Date de la décision : 10/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 fév. 2020, n° 431416
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Seban
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:431416.20200210
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