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22/01/2020 | FRANCE | N°421012

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 22 janvier 2020, 421012


Vu la procédure suivante :

La société CS Aviation a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos entre 2008 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1617188 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17PA02734 du 28 mars 2018, la cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à

l'appel de la société CS Aviation contre ce jugement, l'a déchargée des cotisa...

Vu la procédure suivante :

La société CS Aviation a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos entre 2008 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1617188 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17PA02734 du 28 mars 2018, la cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à l'appel de la société CS Aviation contre ce jugement, l'a déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés relatives aux exercices clos en 2008, 2009 et 2010, a réformé en conséquence le jugement du tribunal administratif et a rejeté le surplus de la requête d'appel.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 mai et 8 août 2018 et le 2 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société CS Aviation demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 4 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire entièrement droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société CS Aviation ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société CS Aviation a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. L'administration fiscale a exercé le droit de communication prévu aux articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir communication des informations recueillies dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte contre cette société. A la suite de ces opérations de contrôle, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, assorties de pénalités, ont été mises à la charge de la société au titre des exercices clos au cours des années 2008 à 2012. Par un jugement du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société CS Aviation tendant à la décharge de ces impositions et pénalités. La société CS Aviation se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 mars 2018 de la cour administrative d'appel de Paris, en tant que cet arrêt, après l'avoir déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés relatives aux exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et réformé en conséquence le jugement du tribunal administratif, a rejeté le surplus de son appel.

2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction, applicable en l'espèce, antérieure à la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificatives pour 2015 : " L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu ".

3. Aux termes, d'autre part, de l'article 49 du code de procédure pénale : " Le juge d'instruction est chargé de procéder aux informations (...) ". Aux termes de l'article 75 du même code : " Les officiers de police judiciaire et, sous le contrôle de ceux-ci, les agents de police judiciaire (...) procèdent à des enquêtes préliminaires soit sur les instructions du procureur de la République, soit d'office. / Ces opérations relèvent de la surveillance du procureur général. (...) ".

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, précédemment citées, dans leur rédaction antérieure à la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificatives pour 2015, que les renseignements recueillis dans le cadre d'une procédure judiciaire ne pouvaient être transmis à l'administration fiscale que dans le cadre d'une instance civile ou commerciale ou lorsqu'une information judiciaire avait été ouverte par un juge d'instruction. Par suite, en jugeant que l'autorité judiciaire avait pu, en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur, communiquer à l'administration fiscale des renseignements obtenus dans le cadre d'une enquête préliminaire ayant fait l'objet d'un classement sans suite par le procureur de la République, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que la société CS Aviation est fondée à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 4 de l'arrêt du 28 mars 2018 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la société CS Aviation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société CS Aviation et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 421012
Date de la décision : 22/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. CONTRÔLE FISCAL. DROIT DE COMMUNICATION. - COMMUNICATION PAR L'AUTORITÉ JUDICIAIRE (ART. L. 101 DU LPF, DANS SA RÉDACTION ANTÉRIEURE À LA LOI DU 29 DÉCEMBRE 2015) - FACULTÉ DE TRANSMETTRE LES RENSEIGNEMENTS OBTENUS DANS LE CADRE D'UNE ENQUÊTE PRÉLIMINAIRE AYANT FAIT L'OBJET D'UN CLASSEMENT SANS SUITE PAR LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE - ABSENCE [RJ1] [RJ2].

19-01-03-01-01 Il résulte de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales (LPF), dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, que les renseignements recueillis dans le cadre d'une procédure judiciaire ne peuvent être transmis à l'administration fiscale que dans le cadre d'une instance civile ou commerciale ou lorsqu'une information judiciaire a été ouverte par un juge d'instruction.,,,Par suite, l'autorité judiciaire ne peut pas, en application de ces dispositions, communiquer à l'administration fiscale des renseignements obtenus dans le cadre d'une enquête préliminaire ayant fait l'objet d'un classement sans suite par le procureur de la République.


Références :

[RJ1]

Rappr., en ce qui concerne l'application du délai spécial de reprise en cas d'omissions ou d'insuffisances révélées par une instance devant les tribunaux, CE, 30 décembre 2014, M.,, n° 371652, T. p. 604.,,

[RJ2]

Solution abandonnée par CE, 16 juillet 2021, Min. c/ M. et Mme,, n° 448500, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 jan. 2020, n° 421012
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Céline Guibé
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:421012.20200122
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