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31/12/2019 | FRANCE | N°421916

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 31 décembre 2019, 421916


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 juillet et 3 septembre 2018 et le 3 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des établissements hospitaliers, et d'aide à la personne, privés à but non lucratif demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'action et des comptes publics du 23 avril 2018 fixant pour l'année 2018 les dotations régionales mentionné

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Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 juillet et 3 septembre 2018 et le 3 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des établissements hospitaliers, et d'aide à la personne, privés à but non lucratif demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'action et des comptes publics du 23 avril 2018 fixant pour l'année 2018 les dotations régionales mentionnées à l'article L. 174-1-1 du code de la sécurité sociale, les dotations régionales de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation prévues aux articles L. 162-22-13 et L. 162-23-8 du code de la sécurité sociale ainsi que le montant des transferts prévus à l'article L. 174-1-2 du même code ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire n° DGOS/R1/2018/114 du 4 mai 2018 de la ministre des solidarités et de la santé relative à la campagne tarifaire et budgétaire 2018 des établissements de santé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 ;

- la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 ;

- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la Fédération des établissements hospitaliers, et d'aide à la personne, privés à but non lucratif et de l'association Groupe SOS santé ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions du 2° de l'article L. 162-22 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, et des articles R. 162-29-1 et R. 162-29-2 du même code, alors applicables, que les activités de soins de suite et de réadaptation étaient, avant l'intervention de cette loi, financées selon deux modalités différentes. Dans les établissements publics de santé et les établissements de santé privés à but non lucratif mentionnés aux b et c de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, la part des frais d'hospitalisation, au titre des soins dispensés dans le cadre de ces activités, prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie était financée par une dotation annuelle de financement, fixée dans les conditions prévues aux articles L. 174-1 et L. 174-1-1 du même code. Dans les établissements de santé privés mentionnés aux d et e de l'article L. 162-22-6, les prestations d'hospitalisation prises en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale l'étaient sur la base de tarifs journaliers, fixés pour chaque établissement par le directeur général de l'agence régionale de santé, en vertu des articles L. 162 22-1 et R. 162-29-1 du même code. La loi du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 a substitué à ces modalités un financement reposant principalement, en application du 1° de l'article L. 162-23-2 du code de la sécurité sociale et dans les conditions prévues par l'article L. 162-23-3 du même code, d'une part, sur une dotation calculée chaque année sur la base de l'activité antérieure et, d'autre part, pour chaque séjour, sur une fraction des tarifs nationaux des prestations d'hospitalisation mentionnés par l'article L. 162-23-4 du même code. A titre transitoire, le 2° du E du III de l'article 78 de la loi du 21 décembre 2015 a prévu que, du 1er mars 2017 au 31 décembre 2019, les prestations d'hospitalisation relevant des activités de soins de suite et de réadaptation sont financées par le cumul de deux montants correspondant, pour chaque établissement, à une fraction des recettes issues de l'application des modalités de financement antérieures à la loi et à une fraction des recettes issues de l'application des nouvelles modalités de financement prévues au 1° de l'article L. 162-23-2 du code de la sécurité sociale.

2. Aux termes du second alinéa de l'article L. 174-1 du code de la sécurité sociale, demeuré applicable aux activités de soins de suite et de réadaptation dans les conditions mentionnées ci-dessus : " Le montant de la dotation annuelle de financement de chaque établissement est arrêté par l'Etat dans le respect des dispositions de l'article L. 174-1-1 (...) ". En vertu de cet article, chaque année est défini un objectif des dépenses d'assurance maladie des activités financées par des dotations annuelles de financement, qui distingue la part afférente aux activités de soins de suite et de réadaptation. Le montant de cet objectif est constitué en dotations régionales.

3. Pour l'application du dispositif transitoire de financement prévu par le 2° du E du III de l'article 78 de la loi du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, la ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'action et des comptes publics ont, sur le fondement des dispositions de l'article L. 174-1-1 du code de la sécurité sociale, fixé par un arrêté du 23 avril 2018 les dotations régionales destinées au financement des activités de soins de suite et de réadaptation pour l'année 2018. La Fédération des établissements hospitaliers, et d'aide à la personne, privés à but non lucratif doit être regardée comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté en tant qu'il fixe ces dotations ainsi que de la circulaire du 4 mai 2018 de la ministre des solidarités et de la santé relative à la campagne tarifaire et budgétaire 2018 des établissements de santé, en tant qu'elle concerne ces mêmes dotations.

Sur l'intervention de l'association Groupe SOS santé :

4. L'association Groupe SOS santé justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêté et de la circulaire attaqués. Ainsi, son intervention est recevable.

Sur l'annulation par voie de conséquence :

5. Par une décision de ce jour, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a rejeté la requête de la Fédération des établissements hospitaliers, et d'aide à la personne, privés à but non lucratif tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 17 avril 2018 fixant pour l'année 2018 l'objectif de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités de soins de suite et de réadaptation. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté et la circulaire attaqués devraient être annulés par voie de conséquence de l'annulation de cet arrêté doit être écarté.

Sur les moyens dirigés contre l'arrêté :

6. En premier lieu, en vertu du II de l'article L. 162-23 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, les tarifs nationaux applicables aux activités de soins de suite et de réadaptation " peuvent être déterminés, en tout ou partie, à partir des données afférentes au coût relatif des prestations, issues notamment de l'étude nationale de coûts définie à l'article L. 6113 11 du code de la santé publique ". Aux termes de cet article : " Afin de disposer de données sur les coûts de prise en charge au sein des établissements de santé, des études nationales de coûts sont réalisées chaque année auprès d'établissements de santé relevant des catégories mentionnées aux a à d de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale (...) ". Toutefois, ces dispositions ne subordonnent pas l'adoption de l'arrêté fixant les dotations régionales destinées à financer les activités de soins de suite et de réadaptation à la réalisation préalable de l'étude nationale de coûts qu'elles mentionnent. Le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut, par suite, qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, si l'arrêté attaqué prend en considération, dans la fixation des dotations régionales destinées au financement des activités de soins de suite et de réadaptation, une partie de l'incidence du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires, prévu par l'article 231 A du code général des impôts issu de l'article 88 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, sur le montant des charges des établissements de santé privés à but non lucratif, il n'en résulte pas pour autant qu'il modifierait les règles relatives à ce dispositif. Par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté méconnaîtrait les dispositions législatives instituant l'allégement en cause doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 174-1-1 du code de la sécurité sociale : " (...) Le montant des dotations régionales, qui présente un caractère limitatif, est fixé par l'Etat en tenant compte de l'activité des établissements, des orientations des schémas régionaux ou interrégionaux de santé et des priorités nationales ou locales en matière de politique sanitaire ". Il résulte en outre de l'article R. 6145-26 du code de la santé publique, qui demeure applicable à titre transitoire aux activités de soins de suite et de réadaptation en vertu du 2° du E du III de l'article 78 de la loi du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, que le directeur général de l'agence régionale de santé arrête le montant de la dotation annuelle de financement de chaque établissement, dans le respect du montant de la dotation régionale, en tenant compte notamment des coûts de l'établissement au regard des coûts des autres établissements de la région et de la France par activités de soins, appréciés en tenant compte d'éventuels facteurs spécifiques de coûts qui modifient de manière manifeste, permanente et substantielle le coût de revient de certaines prestations. Il résulte de ces dispositions que les ministres peuvent légalement tenir compte, pour fixer les dotations régionales mentionnées à l'article L. 174-1-1 du code de la sécurité sociale, du niveau respectif des charges réellement exposées par les établissements des différentes catégories mentionnées à l'article L. 162-22-6 du même code ainsi que des produits susceptibles de venir en atténuation des charges que ces dotations ont vocation à financer. A ce titre, ils peuvent prendre en considération des charges de nature fiscale, ainsi que des atténuations de charge participant du régime fiscal auquel les établissements sont soumis. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que les ministres auraient commis une erreur de droit dans l'application de l'article L. 174-1-1 du code de la sécurité sociale en fixant les dotations régionales destinées au financement des activités de soins de suite et de réadaptation en tenant compte d'une partie de l'incidence positive du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires, prévu par l'article 231 A du code général des impôts, sur le niveau des charges des établissements privés de santé à but non lucratif mentionnés aux b) et c) de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale.

9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'incidence du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires a été calculée à partir de la masse salariale des établissements privés de santé à but non lucratif résultant des dernières déclarations annuelles des données sociales. En se fondant sur ces données pour évaluer les charges que les établissements devaient exposer au cours de l'exercice budgétaire 2018, les ministres n'ont pas commis d'erreur de droit.

10. En cinquième lieu, si la fédération requérante soutient que l'incidence positive du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires prévu par l'article 231 A du code général des impôts a été absorbée par les hausses de salaires que les établissements privés de santé à but non lucratif ont consenties par un avenant signé le 15 mars 2017 à la convention collective du 31 octobre 1951 et agréé par un arrêté de la ministre des solidarités et de la santé du 4 juin 2017, la reprise du crédit d'impôt n'a été opérée qu'à hauteur de 30 % du bénéfice que les établissements en ont retiré. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en procédant à cette reprise pour fixer les dotations régionales destinées au financement des activités de soins de suite et de réadaptation aux niveaux prévus par l'arrêté attaqué, les ministres auraient commis une erreur manifeste d'appréciation.

11. En dernier lieu, l'arrêté attaqué se borne à fixer le montant des dotations régionales destinées au financement des activités de soins de suite et de réadaptation et n'opère aucune différence de traitement entre les différentes catégories d'établissements de santé. En outre, la dotation annuelle de financement de chaque établissement est fixée par le directeur général de l'agence régionale de santé en tenant notamment compte de ses coûts relatifs, ainsi qu'il a été dit au point 8. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité faute d'avoir suffisamment pris en compte le coût plus élevé du travail dans les établissements privés à but non lucratif, en comparaison des établissements publics, ne peut qu'être écarté.

Sur les moyens dirigés contre la circulaire :

12. En premier lieu, la présente décision rejette les moyens dirigés contre l'arrêté du 23 avril 2018. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que la circulaire du 4 mai 2018 relative à la campagne tarifaire et budgétaire 2018 des établissements de santé est illégale au motif qu'elle réitère les règles résultant de l'arrêté du 23 avril 2018.

13. En second lieu, si la requérante soutient que la circulaire a ajouté à la réglementation en indiquant qu'une reprise de 12,4 millions d'euros est opérée pour les établissements privés non lucratifs financés par une dotation annuelle de financement alors qu'il résulte de l'arrêté que la reprise au titre des activités de soins de suite et de réadaptation est de 8,7 millions d'euros, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'annexe IB de la circulaire, que le montant de 12,4 millions correspond à la somme de cette reprise de 8,7 millions d'euros et de la reprise de 3,7 millions d'euros opérée au titre des activités de psychiatrie.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre, que les conclusions de la fédération requérante dirigées contre l'arrêté du 23 avril 2018 et la circulaire du 4 mai 2018 doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention de l'association Groupe SOS santé est admise.

Article 2 : La requête de la Fédération des établissements hospitaliers, et d'aide à la personne, privés à but non lucratif est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des établissements hospitaliers, et d'aide à la personne, privés à but non lucratif, à l'association Groupe SOS santé, à la ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 421916
Date de la décision : 31/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 déc. 2019, n° 421916
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arnaud Skzryerbak
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:421916.20191231
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