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31/12/2019 | FRANCE | N°420232

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 31 décembre 2019, 420232


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner une expertise médicale en vue d'obtenir tous les éléments utiles sur les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la prise du Mediator et de condamner solidairement l'Etat et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à lui verser une provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.

Par un jugement avant-dire droit n° 1312345 du 3 juillet 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de la demande dirigée

s contre l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de sa...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner une expertise médicale en vue d'obtenir tous les éléments utiles sur les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la prise du Mediator et de condamner solidairement l'Etat et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à lui verser une provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.

Par un jugement avant-dire droit n° 1312345 du 3 juillet 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de la demande dirigées contre l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables éventuelles pour Mme A... de la prise du Mediator et a ordonné une expertise. Par un jugement n°1312345 du 23 octobre 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme A....

Par un arrêt n°s 14PA03879, 15PA04805 du 28 février 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme A... contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 23 octobre 2015 et prononcé un non-lieu à statuer sur l'appel formé par le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes contre le jugement avant-dire droit du 3 juillet 2014.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 avril et 30 juillet 2018 et le 3 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son exposition au benfluorex, principe actif du Mediator, par lequel elle a été traitée de 2001 à novembre 2009. Par un jugement avant-dire droit du 3 juillet 2014, le tribunal a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables éventuelles pour Mme A... de la prise du Mediator et ordonné à sa demande une expertise en vue d'établir l'existence d'un lien de causalité entre la pathologie dont elle souffre et son exposition à ce médicament et d'apprécier l'étendue des préjudices subis. A l'invitation du vice-président du tribunal, l'expert qu'il avait désigné le 6 octobre 2014 a déposé un rapport de carence au vu duquel le tribunal a rejeté la demande de Mme A... par un jugement du 23 octobre 2015. Par un arrêt du 28 février 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme A... contre le jugement du 23 octobre 2015 et prononcé un non-lieu à statuer sur l'appel formé par le ministre chargé de la santé contre le jugement du 3 juillet 2014. Par son pourvoi, Mme A... doit être regardée comme demandant l'annulation de cet arrêt en tant que, par son article 1er, il rejette son appel.

Sur le non-lieu :

2. Aux termes de l'article L. 1142-24-1 du code de la santé publique, issu de l'article 57 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 : " Sans préjudice des actions qui peuvent être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices imputables au benfluorex est assurée dans les conditions prévues par la présente section ". Aux termes de l'article L. 1142-24-2 du même code : " Toute personne s'estimant victime d'un déficit fonctionnel imputable au benfluorex ou, le cas échéant, son représentant légal ou ses ayants droit peut saisir l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en vue d'obtenir la réparation des préjudices en résultant (...) ". La demande est examinée par un collège d'experts placé auprès de l'office qui procède à toute investigation utile à son instruction et diligente, le cas échéant, une expertise. L'article L. 1142-24-6 du code de la santé publique prévoit que les personnes considérées comme responsables par le collège d'experts ou leurs assureurs adressent à la victime ou à ses ayants droit une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. Il précise que " sont applicables à cette offre les deuxième à huitième alinéas de l'article L. 1142-14 ". En vertu du sixième alinéa de cet article, l'acceptation de l'offre de l'assureur vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. Enfin, aux termes de l'article L. 1142-24-8 du code de la santé publique : " Les indemnisations accordées en application de la présente section ne peuvent se cumuler avec celles accordées, le cas échéant, en application des articles L. 1142-14, L. 1142-15, L. 1142-17, L. 1142-20 et L. 1142-21, ni avec les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef des mêmes préjudices ".

3. Il ne résulte pas de ces dispositions que l'acceptation d'une offre d'indemnisation présentée sur le fondement de l'article L. 1142-24-6 du code de la santé publique rende sans objet une action intentée devant le juge administratif pour rechercher la responsabilité de l'Etat à raison des mêmes préjudices.

4. Par suite, la circonstance que la requérante a accepté l'offre d'indemnisation que lui a adressée la société les Laboratoires Servier sur le fondement de l'article L. 1142-24-6 du code de la santé publique, qui est inférieure au montant des indemnités réclamées devant la cour administrative d'appel de Paris, ne prive pas d'objet le présent pourvoi.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

5. Il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, d'ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis.

6. Pour écarter l'existence d'un lien de causalité entre les pathologies dont souffre Mme A... et son exposition au Mediator et juger qu'elle ne disposait pas d'éléments suffisants pour apprécier les préjudices de l'intéressée, la cour s'est fondée sur la circonstance que le rapport de l'expert désigné par une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre du 29 septembre 2011, dont la requérante se prévalait, ne lui avait pas été communiqué dans son intégralité et que la version dont elle disposait ne se prononçait pas sur ces questions. En statuant ainsi, alors que, si elle s'estimait imparfaitement éclairée par les extraits du rapport d'expertise produits par Mme A..., il lui incombait d'exercer son pouvoir de direction de l'instruction en invitant l'intéressée à verser au dossier le rapport dans son intégralité, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'irrégularité.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêt qu'elle attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens de son pourvoi.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 février 2018 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris dans la mesure de la cassation prononcée.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 420232
Date de la décision : 31/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 déc. 2019, n° 420232
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arnaud Skzryerbak
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:420232.20191231
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