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31/12/2019 | FRANCE | N°419311

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 31 décembre 2019, 419311


Vu la procédure suivante :

La société Euro Protection Surveillance a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le titre de recette du 24 juin 2013 d'un montant de 300 euros, le titre du 3 décembre 2013 d'un montant de 300 euros, les deux titres du 29 octobre 2014 d'un montant de 300 euros chacun, le titre du 5 novembre 2014 d'un montant de 450 euros et les deux titres du 3 juillet 2015 d'un montant de 300 euros chacun émis à son encontre par le directeur régional des finances publiques d'Alsace et du Bas-Rhin pour le recouvrement des sanctions pécuniaires qui lui on

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Vu la procédure suivante :

La société Euro Protection Surveillance a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le titre de recette du 24 juin 2013 d'un montant de 300 euros, le titre du 3 décembre 2013 d'un montant de 300 euros, les deux titres du 29 octobre 2014 d'un montant de 300 euros chacun, le titre du 5 novembre 2014 d'un montant de 450 euros et les deux titres du 3 juillet 2015 d'un montant de 300 euros chacun émis à son encontre par le directeur régional des finances publiques d'Alsace et du Bas-Rhin pour le recouvrement des sanctions pécuniaires qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure, ainsi que les décisions par lesquelles le préfet de zone de défense et de sécurité Ouest a rejeté ses recours gracieux contre ces sanctions. Par sept jugements n° 1303981, 1401416, 1501808, 1501810, 1501812, 1505081 et 1505090 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 16NT04068, 16NT04069, 16NT04070, 16NT04071, 16NT04072, 16NT04073, 16NT04074 du 26 janvier 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la société Euro Protection Surveillance, annulé les jugements n° 1505081 et 1505090, annulé les deux titres de recette du 3 juillet 2015, déchargé la société Euro Protection Surveillance de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par ces titres et rejeté le surplus de son appel.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mars et 28 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Euro Protection Surveillance demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette le surplus des conclusions d'appel ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ces conclusions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la société Euro Protection Surveillance ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 16-1 de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, lequel est relatif à la surveillance des biens meubles et immeubles, désormais codifié à l'article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure : " Est injustifié tout appel des services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale par les personnes physiques ou morales exerçant des activités de surveillance à distance des biens meubles ou immeubles qui entraîne l'intervention indue de ces services, faute d'avoir été précédé d'une levée de doute consistant en un ensemble de vérifications, par ces personnes physiques ou morales, de la matérialité et de la concordance des indices laissant présumer la commission d'un crime ou délit flagrant concernant les biens meubles ou immeubles. / L'autorité administrative peut prononcer à l'encontre des personnes physiques ou morales mentionnées à l'alinéa précédent qui appellent sans justification les services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale une sanction pécuniaire d'un montant qui ne peut excéder 450 euros par appel injustifié. / La personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est envisagée la sanction pécuniaire prévue au précédent alinéa est mise en mesure de présenter ses observations avant le prononcé de la sanction et d'établir la réalité des vérifications qu'elle a effectuées, mentionnées au premier alinéa. / Cette sanction pécuniaire est recouvrée comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. Elle est susceptible d'un recours de pleine juridiction. "

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'appels adressés aux forces de l'ordre par la société Euro Protection Surveillance en raison d'alertes sur des locaux dont cette société assurait la surveillance, le préfet de la zone de défense et de sécurité Ouest a infligé à la société sept sanctions pécuniaires sur le fondement des dispositions précitées. Par sept jugements du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les demandes d'annulation des titres de recette correspondants. La société Euro Protection Surveillance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 janvier 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes, en tant que cet arrêt, après avoir annulé deux des sept titres de recette et déchargé la société de l'obligation de verser les sommes correspondantes, a rejeté le surplus de ses conclusions relatives aux cinq autres titres de recette.

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur le titre de recette du 24 juin 2013 émis à raison d'un appel du 13 octobre 2012 :

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour rejeter les conclusions d'appel relatives à la sanction ayant donné lieu à ce titre de recette, la cour a relevé qu'après réception d'une alerte portant sur un local situé à Tourlaville (Manche) le 13 octobre 2012 à 19h47, la société Euro Protection Surveillance, si elle avait procédé à plusieurs appels téléphoniques infructueux aux numéros fournis par le propriétaire de ce local, n'avait toutefois pas attendu le rapport de l'agent qu'elle avait dépêché sur place à 19h55 avant d'alerter, dès 20h05, les forces de l'ordre. En estimant que, dans ces circonstances, la société requérante n'avait pas procédé à l'ensemble de vérifications permettant de regarder comme remplie l'obligation qui pesait sur elle, en application des dispositions citées ci-dessus, de lever le doute avant de solliciter les forces de l'ordre, la cour administrative d'appel, qui a pu sans erreur de droit juger que, même lorsque l'alerte résultait de l'émission d'un code d'alerte par l'abonné lui-même, le recours à des " contre-appels " aux numéros de téléphone fournis par ce dernier n'assurait pas nécessairement, par lui-même, une telle levée de doute, s'est livrée à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, des pièces du dossier qui lui était soumis. Ce faisant, contrairement à ce que soutient la société requérante, elle n'a pas davantage commis l'erreur de droit qui aurait consisté à juger que la levée de doute requise par l'article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure devait établir avec certitude l'existence d'un crime ou délit flagrant. Elle a, par ailleurs, suffisamment motivé son arrêt sur ce point.

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur le titre de recette du 3 décembre 2013 émis à raison d'un appel du 25 février 2012 :

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour rejeter les conclusions d'appel de la société requérante relatives à la sanction ayant donné lieu à ce titre de recette, la cour a relevé qu'après réception d'une alerte portant sur un local situé au Mans (Sarthe) le 25 février 2012 à 18h57, la société Euro Protection Surveillance, si elle avait procédé à deux appels téléphoniques infructueux aux numéros fournis par le propriétaire de ce local, n'avait toutefois pas attendu le rapport de l'agent qu'elle avait dépêché sur place à 19h05 avant d'alerter, dès 19h06, les forces de l'ordre. En estimant que, dans ces circonstances, la société requérante n'avait pas procédé à l'ensemble de vérifications permettant de regarder comme remplie l'obligation qui pesait sur elle, en application des dispositions citées ci-dessus, de lever le doute avant de solliciter les forces de l'ordre, la cour administrative d'appel n'a pas commis les erreurs de droit mentionnées au point 3 et s'est livrée à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, des pièces du dossier qui lui était soumis. Elle a, par ailleurs, suffisamment motivé son arrêt sur ce point.

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur le titre de recette du 29 octobre 2014 émis à raison d'un appel du 25 avril 2013 :

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour rejeter les conclusions d'appel de la société requérante relatives à la sanction ayant donné lieu à ce titre de recette, la cour a relevé qu'après réception d'une alerte portant sur un local situé à Orléans (Loiret) le 25 avril 2013 à 12h54, la société Euro Protection Surveillance, si elle avait procédé à plusieurs appels téléphoniques infructueux aux numéros fournis par le propriétaire de ce local, n'avait pas attendu le rapport de l'agent qu'elle avait dépêché sur place à 13h06, avant d'alerter, dès 13h07, les forces de l'ordre. En estimant que, dans ces circonstances, la société requérante n'avait pas procédé à l'ensemble de vérifications permettant de regarder comme remplie l'obligation qui pesait sur elle, en application des dispositions citées ci-dessus, de lever le doute avant de solliciter les forces de l'ordre, la cour administrative d'appel n'a pas commis les erreurs de droit mentionnées au point 3 et s'est livrée à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, des pièces du dossier qui lui était soumis. Elle a, par ailleurs, suffisamment motivé son arrêt sur ce point.

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur le titre de recettes du 29 octobre 2013 émis à raison d'un appel du 12 juin 2013 :

6. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour rejeter les conclusions d'appel de la société requérante relatives à la sanction ayant donné lieu à ce titre de recette, la cour a relevé qu'après réception d'une alerte portant sur un local situé à Châlette-sur-Loing (Loiret) le 12 juin 2013 à 12h09, la société Euro Protection Surveillance, si elle avait procédé à six appels téléphoniques infructueux aux numéros fournis par l'abonné, n'avait pas attendu le rapport de l'agent qu'elle avait dépêché sur place à 12h19 avant d'alerter, dès 12h21, les forces de l'ordre. En estimant que, dans ces circonstances, la société requérante n'avait pas procédé à l'ensemble de vérifications permettant de regarder comme remplie l'obligation qui pesait sur elle, en application des dispositions citées ci-dessus, de lever le doute avant de solliciter les forces de l'ordre, la cour administrative d'appel n'a pas commis les erreurs de droit mentionnées au point 3 et s'est livrée à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, des pièces du dossier qui lui était soumis. Elle a, par ailleurs, suffisamment motivé son arrêt sur ce point.

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur le titre de recette du 5 novembre 2014 émis à raison d'un appel du 11 août 2013 :

7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour rejeter les conclusions d'appel relatives à la sanction ayant donné lieu à ce titre de recette, la cour a relevé qu'après réception d'une alerte portant sur un local situé à Orléans (Loiret) le 11 août 2013 à 9h37, la société Euro Protection Surveillance, si elle avait procédé à plusieurs appels téléphoniques infructueux aux numéros fournis par l'abonné, n'avait pas attendu le rapport de l'agent qu'elle avait dépêché sur place à 9h44, avant d'alerter, dès 9h45, les forces de l'ordre. En estimant que, dans ces circonstances, la société requérante n'avait pas procédé à l'ensemble de vérifications permettant de regarder comme remplie l'obligation qui pesait sur elle, en application des dispositions citées ci-dessus, de lever le doute avant de solliciter les forces de l'ordre, la cour administrative d'appel n'a pas commis les erreurs de droit mentionnées au point 3 et s'est livrée à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, des pièces du dossier qui lui était soumis. Elle a, par ailleurs, suffisamment motivé son arrêt sur ce point.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Euro Protection Surveillance doit être rejeté, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Euro Protection Surveillance est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Euro Protection Surveillance et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 419311
Date de la décision : 31/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - BIEN-FONDÉ - DÉNATURATION - RESPECT - PAR UNE SOCIÉTÉ EXERÇANT DES ACTIVITÉS DE SURVEILLANCE À DISTANCE DES BIENS - DE L'OBLIGATION DE LEVER LE DOUTE AVANT DE SOLLICITER LES FORCES DE L'ORDRE (ART - L - 613-6 DU CSI).

54-08-02-02-01-04 Les juges du fond apprécient souverainement, sauf dénaturation, le respect, par une société exerçant des activités de surveillance à distance des biens, de son obligation, prévue à l'article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure (CSI), de lever le doute avant de solliciter les forces de l'ordre.

RÉPRESSION - DOMAINE DE LA RÉPRESSION ADMINISTRATIVE RÉGIME DE LA SANCTION ADMINISTRATIVE - PERSONNES EXERÇANT DES ACTIVITÉS DE SURVEILLANCE À DISTANCE DES BIENS - SANCTION PÉCUNIAIRE POUR LEURS APPELS INJUSTIFIÉS ENTRAÎNANT - FAUTE DE LEVÉE DE DOUTE PRÉALABLE - L'INTERVENTION INDUE DES FORCES DE L'ORDRE (ART - L - 613-6 DU CSI) - 1) ALERTE RÉSULTANT DE L'ÉMISSION D'UN CODE D'ALERTE PAR L'ABONNÉ LUI-MÊME - RECOURS À DES CONTRE-APPELS AUX NUMÉROS DE TÉLÉPHONE FOURNIS PAR L'ABONNÉ - PROCÉDÉ ASSURANT NÉCESSAIREMENT LA LEVÉE DE DOUTE - ABSENCE - 2) APPRÉCIATION DU RESPECT DE L'OBLIGATION DE LEVÉE DE DOUTE - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - CONTRÔLE DE DÉNATURATION.

59-02-02 Cour relevant qu'après réception d'une alerte portant sur un local le 13 octobre 2012 à 19h47, la société de surveillance, si elle avait procédé à plusieurs appels téléphoniques infructueux aux numéros fournis par le propriétaire de ce local, n'avait toutefois pas attendu le rapport de l'agent qu'elle avait dépêché sur place à 19h55 avant d'alerter, dès 20h05, les forces de l'ordre.... ... ...En estimant que, dans ces circonstances, la société de surveillance n'avait pas procédé à l'ensemble de vérifications permettant de regarder comme remplie l'obligation qui pesait sur elle, en application des dispositions de l'article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure (CSI), de lever le doute avant de solliciter les forces de l'ordre, la cour administrative d'appel, 1) qui a pu sans erreur de droit juger que, même lorsque l'alerte résultait de l'émission d'un code d'alerte par l'abonné lui-même, le recours à des contre-appels aux numéros de téléphone fournis par ce dernier n'assurait pas nécessairement, par lui-même, une telle levée de doute, 2) s'est livrée à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, des pièces du dossier qui lui était soumis.


Références :

[RJ1]

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Publications
Proposition de citation : CE, 31 déc. 2019, n° 419311
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:419311.20191231
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