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20/12/2019 | FRANCE | N°423592

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 20 décembre 2019, 423592


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 mars 2013 de la garde de sceaux, ministre de la justice, la mettant d'office à la retraite à compter du 1er juillet 2013, en tant qu'il ne prenait pas en compte les services effectués entre le 6 décembre 2011 et le 1er juillet 2013 pour la liquidation de ses droits à retraite, et, d'autre part, d'enjoindre aux services de l'Etat de prendre en compte les services accomplis entre le 6 décembre 2011 et le 1er juillet 2013 pour la liquidation de ses droits à

retraite. Par un jugement n° 1306538 du 8 octobre 2015, le trib...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 mars 2013 de la garde de sceaux, ministre de la justice, la mettant d'office à la retraite à compter du 1er juillet 2013, en tant qu'il ne prenait pas en compte les services effectués entre le 6 décembre 2011 et le 1er juillet 2013 pour la liquidation de ses droits à retraite, et, d'autre part, d'enjoindre aux services de l'Etat de prendre en compte les services accomplis entre le 6 décembre 2011 et le 1er juillet 2013 pour la liquidation de ses droits à retraite. Par un jugement n° 1306538 du 8 octobre 2015, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande. Par une décision n° 395129 du 10 mars 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi de Mme B..., a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif de Melun.

Par un jugement n° 1702090 du 26 juin 2018, ce tribunal a rejeté à nouveau la demande de Mme B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août et 28 novembre 2018, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;

- le décret n° 92-344 du 27 mars 1992 ;

- le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., éducatrice de la protection judiciaire de la jeunesse, a atteint, le 5 décembre 2011, la limite d'âge de son corps, fixée à soixante ans, et a sollicité, sur le fondement de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, son maintien en activité au-delà de cette limite d'âge. Après avoir été placée en congé de longue durée du 20 novembre 2010 au 19 février 2012, elle a été autorisée à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique à compter du 20 février 2012, avant de reprendre un service à temps plein à partir du 20 février 2013. Par l'article 1er d'un arrêté du 26 mars 2013, la garde des sceaux, ministre de la justice, l'a admise à la retraite à compter du 1er juillet 2013 tandis que, par l'article 2 de cet arrêté, elle a décidé que les services effectués postérieurement du 5 décembre 2011 ne seront pas pris en compte pour la liquidation de sa pension de retraite, dès lors que l'intéressée ne remplissait pas la condition d'aptitude physique à la date de ses soixante ans. Par un premier jugement du 8 octobre 2015, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 26 mars 2016, en tant qu'il ne prenait pas en compte les services effectués entre le 6 décembre 2011 et le 1er juillet 2013 pour la liquidation de ses droits à pension. Par une décision du 10 mars 2017, le Conseil d'Etat a annulé ce jugement au motif que le tribunal administratif de Melun avait commis une erreur de droit en jugeant que la prolongation d'activité dont a bénéficié Mme B... du 6 décembre 2011 au 1er juillet 2013 était fondée sur les dispositions de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984 et non sur celles de son article 1-1. Mme B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 26 juin 2018 par lequel le même tribunal a de nouveau rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public : " (...) les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité. / (...) Cette prolongation d'activité est prise en compte au titre de la constitution et de la liquidation du droit à pension ".

3. Aux termes de l'article 41 du décret du 14 mars 1986 relatif aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ou de longue durée ne peut reprendre ses fonctions à l'expiration ou au cours dudit congé que s'il est reconnu apte, après examen par un spécialiste agréé et avis favorable du comité médical compétent. / Cet examen peut être demandé soit par le fonctionnaire, soit par l'administration dont il relève ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'un agent placé en congé de longue durée au moment où il atteint la limite d'âge de son corps ne peut être regardé comme remplissant la condition d'aptitude physique requise pour bénéficier d'une prolongation d'activité.

5. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que Mme B..., lorsqu'elle a atteint, le 5 décembre 2011, la limite d'âge applicable au corps de fonctionnaires auquel elle appartenait, n'avait pas été reconnue apte à reprendre son service en application des dispositions de l'article 41 du décret du 14 mars 1986 citées au point 3 et, d'autre part, que l'intéressée avait été placée en congé de longue durée pour une nouvelle période expirant le 19 février 2012. En estimant que l'intéressée ne remplissait pas, à la date à laquelle elle avait atteint la limite d'âge, la condition d'aptitude physique requise par l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 cité au point 2, le tribunal administratif de Melun n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit.

6. En second lieu, le principe de sécurité juridique ne fait pas obstacle, par lui-même, à ce qu'une autorité administrative retire ou abroge une décision individuelle créatrice de droits entachée d'illégalité dès son adoption. Par suite, en jugeant que la circonstance que la requérante, autorisée à tort par l'administration, ainsi qu'il a été dit au point 5, à poursuivre son activité au-delà de l'âge limite de son corps sur le fondement de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984, aurait inutilement acquitté des cotisations au titre de la période durant laquelle elle a été maintenue en activité ne saurait lui ouvrir des droits à pension au cours de cette période et est seule de nature à lui permettre, le cas échéant, d'engager la responsabilité de l'Etat, le tribunal administratif de Melun n'a en tout état de cause pas méconnu le principe de sécurité juridique dont se prévaut Mme B.... Dès lors, le moyen d'erreur de droit qu'elle invoque doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 423592
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2019, n° 423592
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yohann Bouquerel
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:423592.20191220
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