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20/12/2019 | FRANCE | N°412626

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 20 décembre 2019, 412626


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 14 juin 2014 par laquelle le directeur de la Caisse des dépôts et consignations, agissant en qualité de gestionnaire de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, a refusé de lui accorder le bénéfice d'une retraite anticipée avec jouissance immédiate de sa pension en sa qualité de mère de trois enfants, ainsi que la décision du 6 août 2014 rejetant son recours gracieux contre cette décision. Par un jugement n° 1408828 du 18 avril 201

7, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 14 juin 2014 par laquelle le directeur de la Caisse des dépôts et consignations, agissant en qualité de gestionnaire de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, a refusé de lui accorder le bénéfice d'une retraite anticipée avec jouissance immédiate de sa pension en sa qualité de mère de trois enfants, ainsi que la décision du 6 août 2014 rejetant son recours gracieux contre cette décision. Par un jugement n° 1408828 du 18 avril 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 17PA02047 du 11 juillet 2017, enregistrée le 19 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 16 juin 2017 au greffe de cette cour, présenté par Mme A....

Par ce pourvoi et un nouveau mémoire, enregistré le 19 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- le décret n° 2007-173 du 7 février 2007 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Fuchs, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de Mme A... et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme A... est mère de trois enfants, dont deux sont nés avant le 1er janvier 2012, et a recueilli à son foyer deux enfants à compter du 1er juillet 2004. Par un arrêté du maire de Saint-Mandé en date du 21 mai 2014, Mme A..., qui était alors adjoint administratif de 2ème classe, a été admise à faire valoir ses droits à la retraite et radiée des cadres à compter du 1er juillet 2014. Par une décision du 14 juin 2014, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, agissant en qualité de gestionnaire de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et répondant à la demande formée par Mme A... le 17 avril 2014, a toutefois refusé de liquider par anticipation sa pension au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions permettant un départ anticipé à la retraite et, en particulier, qu'elle ne pouvait être considérée, à la date du 1er janvier 2012, comme étant mère de trois enfants élevés pendant une durée minimale de neuf années. Le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations a rejeté le 6 août 2014 le recours gracieux formé contre cette décision. Mme A... se pourvoit en cassation contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux fonctionnaires mentionnés à l'article 2 du décret n° 2007-173 du 7 février 2007 relatif à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et à leurs ayants cause ". L'article 2 du décret du 7 février 2007 relatif à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales dispose que : " Sont obligatoirement affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales les fonctionnaires soumis aux dispositions de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 (...) ". Aux termes de l'article 65-2 du décret du 26 décembre 2003 : " I. Les fonctionnaires ayant accompli quinze années de services civils et militaires effectifs avant le 1er janvier 2012 et parents à cette date de trois enfants vivants ou décédés par faits de guerre conservent la possibilité de liquider leur pension par anticipation à condition d'avoir, pour chaque enfant, interrompu ou réduit leur activité (...) / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article 24 du présent décret ". Au nombre des enfants pris en compte au titre de la liquidation anticipée de la pension figurent, au 5° du II de cet article 24, " Les enfants recueillis à son foyer par le titulaire de la pension ou son conjoint, qui justifie en avoir assumé la charge effective et permanente par la production de tout document administratif établissant qu'ils ont été retenus pour l'octroi des prestations familiales ou du supplément familial de traitement ou pour le calcul de l'impôt sur le revenu ". Le III de l'article 24 de ce même décret précise que " à l'exception des enfants décédés par faits de guerre, les enfants devront avoir été élevés pendant au moins neuf ans, soit avant leur seizième anniversaire, soit avant l'âge où ils ont cessé d'être à charge au sens des articles L. 512-3 et R. 512-2 du code de la sécurité sociale ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'au 17 avril 2014, date à laquelle Mme A... a demandé à bénéficier d'une liquidation anticipée de sa pension, la requérante était fonctionnaire territoriale, soumise aux dispositions de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Par suite, les dispositions applicables à Mme A... à ce titre sont celles du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, en particulier celles de l'article 65-2 et de l'article 24 de ce décret. Il en résulte qu'en jugeant que la situation de Mme A... entrait dans le champ d'application de l'article L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le tribunal administratif de Melun a entaché son jugement d'une erreur de droit.

4. Toutefois, d'une part, aux termes du II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le régime de retraite des personnels des collectivités territoriales et de leurs établissements publics affiliés à la Caisse nationale de retraite comporte des avantages comparables à ceux consentis par les régimes généraux de retraite des personnels de l'Etat et ne peut prévoir d'avantages supérieurs ". En vertu du premier alinéa du III de l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, un fonctionnaire de l'Etat ayant accompli quinze années de service civil avant le 1er janvier 2012 et parent à cette date de trois enfants a, à condition d'avoir pour chaque enfant interrompu ou réduit son activité, la possibilité de liquider sa pension par anticipation. Le troisième alinéa du III de cet article rend applicable le III de l'article L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraite, lequel précise qu'afin de pouvoir bénéficier de la liquidation anticipée de la pension, les enfants devront, à l'exception des enfants décédés par faits de guerre, avoir été élevés pendant au moins neuf ans.

5. D'autre part, en vertu des dispositions de l'article 65-2 du décret du 26 décembre 2003 citées au point 2, les fonctionnaires territoriaux soumis aux dispositions de la loi du 26 janvier 1984 ayant accompli quinze années de services civils et militaires effectifs avant le 1er janvier 2012 et parents à cette date de trois enfants vivants ou décédés par faits de guerre conservent la possibilité de liquider leur pension par anticipation à condition d'avoir, pour chaque enfant, interrompu ou réduit leur activité. Si le II de l'article 24 du décret du 26 décembre 2003, auquel renvoie cet article 65-2, définit les catégories d'enfants pris en compte au titre de la liquidation anticipée de la pension, au nombre desquels figurent, au 5° du II de cet article, les enfants recueillis à son foyer par le titulaire de la pension ou son conjoint, qui justifie en avoir assumé la charge effective et permanente, le III de ce même article, auquel ne renvoie pas expressément l'article 65-2, précise qu' " à l'exception des enfants décédés par faits de guerre, les enfants devront avoir été élevés pendant au moins neuf ans, soit avant leur seizième anniversaire, soit avant l'âge où ils ont cessé d'être à charge au sens des articles L. 512-3 et R. 512-2 du code de la sécurité sociale ".

6. Il résulte de ce qui précède que, le régime de retraite des personnels des collectivités territoriales ne pouvant prévoir d'avantages supérieurs à ceux consentis par les régimes généraux de retraite des personnels de l'Etat, les enfants ouvrant droit, pour les fonctionnaires soumis aux dispositions de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, à la liquidation anticipée de leur pension en application de l'article 65-2 du décret du 26 décembre 2003 sont les enfants mentionnés au II de l'article 24 de ce décret et qui nécessairement ont été élevés dans les conditions prévues au III de ce même article, c'est-à-dire pendant une durée minimum de neuf années. Ce motif, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné en droit retenu par le jugement attaqué, dont il justifie le dispositif. Par suite, le pourvoi de Mme A... doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la Caisse des dépôts et consignations.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 412626
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

PENSIONS - PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE - QUESTIONS COMMUNES - LÉGISLATION APPLICABLE - APPLICABILITÉ DU CPCMR AUX FONCTIONNAIRES TERRITORIAUX - ABSENCE [RJ1].

48-02-01-01 Commet une erreur de droit le tribunal administratif qui juge que la situation de la requérante entrait dans le champ d'application du l'article L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR), alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle elle a demandé à bénéficier d'une liquidation anticipée de sa pension, la requérante était fonctionnaire territoriale, soumise aux dispositions de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984.

PENSIONS - PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE - QUESTIONS COMMUNES - AVANTAGES FAMILIAUX - LIQUIDATION ANTICIPÉE POUR LES FONCTIONNAIRES TERRITORIAUX AYANT INTERROMPU OU RÉDUIT LEUR ACTIVITÉ POUR ÉLEVER DES ENFANTS - 1) APPLICABILITÉ DE L'ARTICLE 18 DU CPCMR - ABSENCE - CE CODE ÉTANT INAPPLICABLE AUX FONCTIONNAIRES TERRITORIAUX [RJ1] - 2) CONDITION - ENFANTS - INCLUANT CEUX RECUEILLIS À SON FOYER PAR LE TITULAIRE DE LA PENSION OU SON CONJOINT (II DE L'ART - 24 DU DÉCRET DU 26 DÉCEMBRE 2003) - ÉLEVÉS CHACUN PENDANT UNE DURÉE MINIMUM DE NEUF ANNÉES (III DU MÊME ARTICLE).

48-02-01-05 1) Commet une erreur de droit le tribunal administratif qui juge que la situation de la requérante entrait dans le champ d'application du l'article L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR), alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle elle a demandé à bénéficier d'une liquidation anticipée de sa pension, la requérante était fonctionnaire territoriale, soumise à la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et au décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003.......2) Il résulte de la combinaison du II de l'article 119 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, du III de l'article 44 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 et des articles 65-2 et 24 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 que, le régime de retraite des personnels des collectivités territoriales ne pouvant prévoir d'avantages supérieurs à ceux consentis par les régimes généraux de retraite des personnels de l'Etat, les enfants ouvrant droit, pour les fonctionnaires soumis aux dispositions de la loi du 26 janvier 1984, à la liquidation anticipée de leur pension en application de l'article 65-2 du décret du 26 décembre 2003 sont les enfants mentionnés au II de l'article 24 de ce décret et qui nécessairement ont été élevés dans les conditions prévues au III de ce même article, c'est-à-dire pendant une durée minimum de neuf années.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 6 octobre 2000, District de l'agglomération nantaise, n° 202698, T. p. 1121.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2019, n° 412626
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Fuchs
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP RICHARD ; SCP L. POULET-ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:412626.20191220
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