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19/12/2019 | FRANCE | N°420227

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 19 décembre 2019, 420227


Vu la procédure suivante :

La société MJ Développement a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 avril 2015 par laquelle le maire de Villemomble a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur les propriétés situées 95 et 97, avenue de Rosny, 32, rue du Docteur Calmette et allée du Cimetière, à Villemomble. Par un jugement n° 1505066 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 16VE00649 du 1er mars 2018, la cour administrative d'appel de V

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Vu la procédure suivante :

La société MJ Développement a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 avril 2015 par laquelle le maire de Villemomble a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur les propriétés situées 95 et 97, avenue de Rosny, 32, rue du Docteur Calmette et allée du Cimetière, à Villemomble. Par un jugement n° 1505066 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 16VE00649 du 1er mars 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la commune de Villemomble contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 30 avril 2018, 13 juin 2018 et 24 janvier 2019, la commune de Villemomble demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société MJ Développement la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Villemomble, et à Me Occhipinti, avocat de la société MJ Développement ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 16 avril 2015, le maire de Villemomble a exercé le droit de préemption urbain sur un bien situé 95 et 97, avenue de Rosny, 32, rue du Docteur Calmette et allée du cimetière, sur les parcelles cadastrées section AE n°s 100 et 147. Saisi par la société MJ Développement, acquéreur évincé, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision, par un jugement du 21 janvier 2016. La commune de Villemomble se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 1er mars 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 300-1 de ce code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ". Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par sa décision du 16 avril 2015, le maire de Villemomble a exercé le droit de préemption de la commune en vue de la réalisation, par l'office public de l'habitat de Villemomble, d'un ensemble immobilier d'environ quarante logements sociaux. D'une part, un tel projet, eu égard à son ampleur et à sa consistance, présente par lui-même le caractère d'une action ou d'une opération d'aménagement et a, par nature, pour objet la mise en oeuvre d'une politique locale de l'habitat, laquelle entre dans les objets énumérés par les dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme citées ci-dessus, et peut ainsi justifier l'exercice du droit de préemption. D'autre part, la commune pouvait valablement se prévaloir du projet poursuivi par l'office public de l'habitat qui lui était rattaché, dont la réalisation était en en outre de nature à contribuer au respect, qu'il lui incombait, des objectifs fixés par les dispositions de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation en termes de taux de logements locatifs sociaux parmi les résidences principales. En exigeant dans ces conditions de la commune qu'elle ait par ailleurs défini, préalablement au projet en vue duquel elle exerçait le droit de préemption, une politique de l'habitat ou un projet d'aménagement propre au secteur considéré et en jugeant qu'à défaut, elle ne justifiait pas, à la date de la décision de préemption, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, la cour a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la commune de Villemomble est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société MJ Développement une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Villemomble au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Villemomble, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 1er mars 2018 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : La société MJ Développement versera à la commune de Villemomble une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société MJ Développement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Villemomble et à la société MJ Développement.

Copie en sera adressée à Mme A... B....


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 420227
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2019, n° 420227
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; OCCHIPINTI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:420227.20191219
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