La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2019 | FRANCE | N°422271

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 18 décembre 2019, 422271


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 juillet et 16 octobre 2018 et le 21 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Vermilion REP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 2 février 2018 lui accordant la concession de mines d'hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux dite " concession de la Conquillie " (Seine-et-Marne) en tant qu'il fixe une durée de concession de 15 ans, ainsi que la décision implicite rejetan

t le recours gracieux qu'elle a formé contre ce décret ;

2°) de mettre à ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 juillet et 16 octobre 2018 et le 21 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Vermilion REP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 2 février 2018 lui accordant la concession de mines d'hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux dite " concession de la Conquillie " (Seine-et-Marne) en tant qu'il fixe une durée de concession de 15 ans, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux qu'elle a formé contre ce décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code minier ;

- le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Vermilion REP ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Vermilion REP a sollicité l'octroi pour une durée de vingt-cinq ans de la concession de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux dite " concession de la Conquillie " sur une superficie d'environ 36,39 km2, portant sur le territoire des communes de Bannost-Villegagnon, Bezalles, Boisdon, Chenoise, Jouy-le-Châtel et Saint-Hilliers (Seine-et-Marne). Le décret du 2 février 2018 l'a autorisée à exploiter cette concession pour une durée de quinze ans. Elle demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret en tant qu'il a limité à quinze ans la durée de la concession, ainsi que de la décision implicite rejetant le recours gracieux qu'elle a formé dans cette mesure contre le décret.

2. Aux termes de l'article L. 132-6 du code minier : " (...) pendant la durée de validité d'un permis exclusif de recherches, son titulaire peut seul obtenir une concession portant, à l'intérieur du périmètre de ce permis, sur des substances mentionnées par celui-ci. Le titulaire d'un permis exclusif de recherches a droit, s'il en fait la demande avant l'expiration de ce permis, à l'octroi de concessions sur les gisements exploitables découverts à l'intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 132-11 du même code : " La durée de la concession est fixée par l'acte de concession. La durée initiale ne peut excéder cinquante ans ". Aux termes de l'article L. 132-1 du même code : " Nul ne peut obtenir une concession de mines s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux d'exploitation et assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 161-1, L. 161-2 et L. 163-1 à L. 163-9. Un décret en Conseil d'Etat définit les critères d'appréciation de ces capacités, les conditions d'attribution des titres ainsi que la procédure d'instruction des demandes ". En vertu de l'article L. 161-1 de ce code, les travaux de recherches ou d'exploitation minière doivent respecter " les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, (...) à la conservation (...) de la mine et des autres mines, des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, et plus généralement à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles (...), à la conservation des intérêts de l'archéologie (...) ainsi que des intérêts agricoles des sites et des lieux affectés par les travaux et les installations afférents à l'exploitation " et doivent, en outre, " assurer la bonne utilisation du gisement et la conservation de la mine ". L'article L. 161-2 de ce code prévoit, pour sa part, que tout exploitant de mines " est tenu d'appliquer à l'exploitation des gisements les méthodes confirmées les plus propres à porter au maximum compatible avec les conditions économiques le rendement final de ces gisements, sous réserve de la préservation des intérêts énumérés à l'article L. 161-1 ". Enfin, aux termes de l'article 6 du décret du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain : " les critères d'attribution d'un titre sont, outre les capacités techniques et financières : / - la qualité des études préalables réalisées pour la définition du programme de travaux ; / - la qualité technique des programmes de travaux présentés ; / - le niveau des engagements financiers relatifs à des travaux d'exploration de mines ou de recherche de cavités ou de formations mentionnées à l'article 3-1 du code minier ; / - l'efficacité et la compétence dont les demandeurs ont fait preuve à l'occasion d'éventuelles autres autorisations, particulièrement en ce qui concerne la protection de l'environnement ; / - l'éventuelle proximité d'une zone déjà explorée ou exploitée par les demandeurs ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'administration, avant de délivrer une autorisation d'exploiter une concession de mines doit s'assurer que, en fonction de la durée d'exploitation accordée, l'exploitant de la concession disposera des moyens économiques et financiers pour exploiter le site et le remettre en état à l'issue de cette exploitation, afin de préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 du code minier. Il lui appartient de fixer la durée de la concession, sans être liée par la demande qui lui est faite à cet égard, en se fondant sur les capacités techniques et financières du demandeur, sur la qualité des études préalables réalisées et la qualité technique des programmes de travaux présentés, lesquels s'apprécient notamment en fonction de la durée nécessaire à l'exploitation complète du gisement, compte-tenu de ses caractéristiques géologiques et des méthodes les plus appropriées pour en obtenir le meilleur rendement possible dans des conditions économiques rentables tout en veillant à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 161-1. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la société, l'autorité administrative n'était pas en situation de compétence liée pour fixer la durée de la concession conformément à sa demande et pouvait légalement se fonder, pour limiter à quinze ans la durée de la " concession de la Conquillie ", sur les caractéristiques géologiques du gisement et sur l'appréciation des programmes de développement proposés pour l'exploiter, en prenant en compte le niveau d'investissement requis et les aléas identifiés.

4. Si la société requérante soutient que la durée retenue pour la concession serait trop courte et ne correspondrait pas à la durée nécessaire à l'exploitation complète du gisement compte tenu des réserves prouvées et probables de celui-ci et de sa faible productivité et si elle fait valoir que son programme d'investissement fondé sur le forage de trois puits supplémentaires est nécessaire, compte tenu des caractéristiques de ce gisement, pour porter son rendement final au maximum compatible avec les conditions économiques, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité administrative, en accordant une autorisation de concession d'une durée de quinze ans, en raison de la mauvaise qualité du réservoir et en estimant trop optimiste le programme d'investissements de la société alors qu'un audit des réserves du site envisageait une possibilité d'exploitation à investissement constant sur une durée moins longue que celle demandée par la société, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ou méconnu les dispositions de l'article L. 161-2 du code minier.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Vermilion REP n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué en tant qu'il a fixé à quinze ans la durée de la concession qui lui a été accordée.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Vermilion REP est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Vermilion REP, à la ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de l'économie et des finances et au Premier ministre.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

40-01-02-01-01 MINES ET CARRIÈRES. MINES. EXPLOITATION DES MINES. RÉGIME JURIDIQUE. CONCESSION DE MINE. - DURÉE D'EXPLOITATION - MODALITÉS D'APPRÉCIATION PAR L'ADMINISTRATION.

40-01-02-01-01 Il résulte des articles L. 132-1, L. 132-6, L. 132-11, L. 161-1 et L. 161-2 du code minier et de l'article 6 du décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 que l'administration, avant de délivrer une autorisation d'exploiter une concession de mines doit s'assurer que, en fonction de la durée d'exploitation accordée, l'exploitant de la concession disposera des moyens économiques et financiers pour exploiter le site et le remettre en état à l'issue de cette exploitation, afin de préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1. Il lui appartient de fixer la durée de la concession, sans être liée par la demande qui lui est faite à cet égard, en se fondant sur les capacités techniques et financières du demandeur, sur la qualité des études préalables réalisées et la qualité technique des programmes de travaux présentés, lesquels s'apprécient notamment en fonction de la durée nécessaire à l'exploitation complète du gisement, compte tenu de ses caractéristiques géologiques et des méthodes les plus appropriées pour en obtenir le meilleur rendement possible dans des conditions économiques rentables tout en veillant à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 161-1.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 18 déc. 2019, n° 422271
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Franceschini
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Date de la décision : 18/12/2019
Date de l'import : 24/12/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 422271
Numéro NOR : CETATEXT000039640713 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2019-12-18;422271 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award