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16/12/2019 | FRANCE | N°421582

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 16 décembre 2019, 421582


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin et 30 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association pour le développement d'une recherche clinique protectrice et attractive demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la ministre des solidarités et de la santé du 12 avril 2018 fixant la liste des recherches mentionnées au 3° de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au

titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin et 30 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association pour le développement d'une recherche clinique protectrice et attractive demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la ministre des solidarités et de la santé du 12 avril 2018 fixant la liste des recherches mentionnées au 3° de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n°2016-1537 du 16 novembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de l'Association pour le développement d'une recherche clinique protectrice et attractive ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 16 juin 2016 relative aux recherches impliquant la personne humaine : " Les recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales sont autorisées dans les conditions prévues au présent livre et sont désignées ci-après par les termes "recherche impliquant la personne humaine". / Il existe trois catégories de recherches impliquant la personne humaine : / 1° Les recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle ; / 2° Les recherches interventionnelles qui ne comportent que des risques et des contraintes minimes, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ; / 3° Les recherches non interventionnelles qui ne comportent aucun risque ni contrainte dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle. / (...) / Les dispositions du présent titre, à l'exception de celles mentionnées au chapitre IV, ne sont pas applicables aux essais cliniques de médicaments régis par les dispositions du règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 ". L'article R. 1121-2 du même code définit les recherches non interventionnelles portant sur des produits à finalité sanitaire ou cosmétique destinés à l'homme " comme toute recherche dans le cadre de laquelle le ou les produits sont prescrits ou utilisés de manière habituelle et qui se conforment : / 1° Pour les recherches portant sur les médicaments, à l'autorisation de mise sur le marché mentionnée à l'article L. 5121-8 ; / 2° Pour les recherches portant sur les dispositifs médicaux et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, à l'utilisation prévue dans le cadre du marquage CE (...) / ; 3° Pour les recherches portant sur les produits sanguins labiles, à la décision mentionnée au 1° de l'article L. 1221-8 ; / 4° Pour les recherches portant sur les tissus issus du corps humain et sur les préparations de thérapie cellulaire, à l'autorisation mentionnée à l'article L. 1243-2 ; / La décision de prescription ou d'utilisation des produits mentionnés ci-dessus est indépendante de celle d'inclure dans le champ de la recherche la personne qui se prête à celle-ci. / Les autres catégories de recherches non interventionnelles font l'objet, en tant que de besoin, d'une définition prise par arrêté du ministre chargé de la santé ".

2. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique que les recherches interventionnelles mentionnées au 2° de cet article ne comportent que " des risques et des contraintes minimes " et que les recherches non interventionnelles, mentionnées au 3°, ne comportent " aucun risque ni contrainte ". Il résulte, par ailleurs, des dispositions des articles L. 1121-4 et suivants du code de la santé publique que si ces deux catégories de recherches sont subordonnées à l'avis favorable du comité de protection des personnes et à l'information de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, seules les premières font l'objet de restrictions particulières applicables aux personnes vulnérables, d'une obligation de souscription préalable d'une assurance de responsabilité civile et d'une attention portée aux risques de participation à plusieurs recherches simultanées ou successives. En outre, en vertu de l'article L. 1122-1-1 du même code, aucune recherche mentionnée au 2° de l'article L. 1121-1 ne peut être pratiquée sur une personne " sans son consentement libre, éclairé et exprès " alors que les recherches mentionnées au 3° ne peuvent être pratiquées sur une personne " lorsqu'elle s'y est opposée ".

3. Par un arrêté du 12 avril 2018, la ministre des solidarités et de la santé a fixé la liste des interventions pouvant être réalisées dans le cadre d'une recherche mentionnée au 2° de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique. Par l'arrêté attaqué, pris le même jour, elle a précisé, en outre, la liste des actes et procédures pouvant être réalisés, conformément à la pratique courante, dans le cadre d'une recherche impliquant la personne humaine qui, sous réserve de l'absence de risque, apprécié au regard notamment des caractéristiques de chacune des personnes se prêtant à la recherche, ne font pas perdre à celle-ci son caractère de recherche non interventionnelle au sens du 3° de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique.

4. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique qu'il donne expressément compétence au ministre chargé de la santé pour établir la liste des recherches interventionnelles, ne comportant que des risques et des contraintes minimes, qui relèvent du 2° de cet article. Il en résulte nécessairement que le ministre est également compétent pour énumérer celles des recherches qui ne relèvent pas du 2° de cet article mais entrent dans le champ du 3° du même article, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que les dispositions de l'article R. 1121-2 du même code ont en outre explicitement prévu, dans le champ régi par ce dernier article, que le ministre peut définir les catégories de recherches non interventionnelles autres que celles mentionnées par cet article. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté qu'elle attaque aurait été pris par une autorité incompétente.

5. En deuxième lieu, il résulte du dernier alinéa de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique que les dispositions de ce code régissant les recherches non interventionnelles mentionnées au 3° de cet article ne s'appliquent pas aux essais cliniques régis par le règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/20/CE. La circonstance qu'en vertu du 2 de l'article 2 de ce règlement toute étude clinique dans laquelle " outre la pratique clinique normale, des procédures de diagnostic ou de surveillance s'appliquent aux participants " doive être regardée comme un " essai clinique " auquel s'applique le règlement, ne faisait pas obstacle à ce que puisse être regardée comme une recherche non interventionnelle une recherche dans laquelle une procédure supplémentaire de surveillance est appliquée aux patients.

6. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient l'association requérante, ni le " recueil supplémentaire et minime d'éléments ou de produits du corps humain effectué, à l'occasion d'un prélèvement de ces éléments et produits réalisé dans le cadre du soin ", dans une limite garantissant sa totale innocuité, ni le recueil, hors du cadre du soin, d'éléments de produits du corps humain tels que salive, glaire, urine, selles ou sperme, au demeurant soumis aux règles de consentement propres au prélèvement d'éléments du corps humain, sous réserve des dispositions de l'article L. 1211-8 du code de la santé publique, ni l'écouvillonnage superficiel de la peau, du nez, du conduit auditif, de la cavité buccale incluant l'oropharynx, de l'orifice anal et des stomies, ni la prise de " mesures anthropométriques sans intervention invasive ", ne peuvent être regardés comme comportant une contrainte, même minime, au sens du 3° de l'article L. 1121-1. Par suite, en prenant l'arrêté attaqué, la ministre des solidarités et de la santé n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique.

7. Il résulte de ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font alors obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'Association pour le développement d'une recherche clinique protectrice et attractive est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association pour le développement d'une recherche clinique protectrice et attractive et à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 421582
Date de la décision : 16/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2019, n° 421582
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:421582.20191216
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