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11/12/2019 | FRANCE | N°434741

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 11 décembre 2019, 434741


Vu la procédure suivante :

La société Orange a demandé au tribunal administratif de Rennes la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le maire de Locronan a retiré l'arrêté du 13 février 2019 de non-opposition à la déclaration préalable de travaux délivrée à la société Orange portant sur l'implantation d'une installation de téléphonie mobile sur un terrain situé 760 route de Leustec à Locronan et fait opposition à cette déclaration de travaux.

La commune d

e Locronan, à l'appui de sa défense, a produit deux mémoires, enregistrés les 11 et ...

Vu la procédure suivante :

La société Orange a demandé au tribunal administratif de Rennes la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le maire de Locronan a retiré l'arrêté du 13 février 2019 de non-opposition à la déclaration préalable de travaux délivrée à la société Orange portant sur l'implantation d'une installation de téléphonie mobile sur un terrain situé 760 route de Leustec à Locronan et fait opposition à cette déclaration de travaux.

La commune de Locronan, à l'appui de sa défense, a produit deux mémoires, enregistrés les 11 et 13 septembre 2019 au greffe du tribunal administratif de Rennes, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lesquels elle a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1904344 du 19 septembre 2019 enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 222 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

Par des observations et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 octobre et 21 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Locronan demande au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel cette question prioritaire de constitutionnalité.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune de Locronan, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Orange SA ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 novembre 2019, présentée par la commune de Locronan ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " A titre expérimental, par dérogation à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme et jusqu'au 31 décembre 2022, les décisions d'urbanisme autorisant ou ne s'opposant pas à l'implantation d'antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d'accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées. Cette disposition est applicable aux décisions d'urbanisme prises à compter du trentième jour suivant la publication de la présente loi. Au plus tard le 30 juin 2022, le Gouvernement établit un bilan de cette expérimentation ".

3. Par un arrêté du 29 avril 2019, le maire de Locronan a retiré l'arrêté du 13 février 2019 de non-opposition à la déclaration préalable de travaux délivrée à la société Orange portant sur l'implantation d'une installation de téléphonie mobile. La commune de Locronan soutient que les dispositions précitées de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018 qui interdisent un tel retrait, méconnaissent plusieurs droits ou libertés que la Constitution garantit.

4. En premier lieu, la commune de Locronan soutient que ces dispositions portent atteinte au principe d'égalité devant la loi, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. Les dispositions de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018 dérogent, à titre expérimental et jusqu'au 31 décembre 2022, pour les décisions concernant l'implantation d'antennes de radiotéléphonie mobile, aux dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme qui permettent de retirer une décision de non-opposition à une déclaration préalable à la condition qu'elle soit illégale et que le retrait intervienne dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. S'il résulte des dispositions de l'article 37-1 de la Constitution que, sous certaines conditions, le législateur peut instituer, à titre expérimental, des règles dérogatoires au droit commun, c'est sous réserve que le principe d'égalité n'y fasse pas obstacle dans l'hypothèse où la dérogation expérimentée procède d'une situation propre à la catégorie objet de l'expérimentation sans vocation à être généralisée au-delà de son champ d'application. Le principe d'égalité ne s'oppose toutefois ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu tenir compte de l'intérêt général qui s'attache à la couverture rapide de l'ensemble du territoire par les réseaux de téléphonie mobile à haut débit et à très haut débit. La différence de traitement, résultant des dispositions critiquées, entre les installateurs d'antennes de radiotéléphonie mobile et ceux d'autres équipements tels que les parcs photovoltaïques et les éoliennes, est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit et n'est, ainsi, pas contraire au principe d'égalité.

5. En deuxième lieu, si les dispositions de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018 interdisent à l'autorité administrative de revenir sur une décision illégale dont elle serait l'auteur, la seule invocation par la commune de Locronan du " principe de légalité des actes administratifs " ne permet pas de caractériser une atteinte à un droit ou une liberté au sens de l'article 61-1 de la Constitution. Par ailleurs, ces dispositions, qui ne font pas obstacle au droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel contre les décisions relatives à l'implantation des antennes de radiotéléphonie mobile, ni à la possibilité pour le représentant de l'Etat d'exercer sur elles son contrôle de légalité, ne méconnaissent pas le droit au recours. Le grief tiré de l'atteinte à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 doit par suite être écarté.

6. En troisième lieu, l'article 37-1 de la Constitution, dont la méconnaissance est également invoquée, n'est pas au nombre des dispositions comportant des droits ou libertés garantis par la Constitution.

7. Il résulte de ce qui précède que la question de la conformité des dispositions contestées aux droits et libertés garantis par la Constitution, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a pas lieu, par suite, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le juge des référés du tribunal administratif de Rennes.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Locronan, à la société Orange et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 434741
Date de la décision : 11/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

54-10-01-02 PROCÉDURE. - 1) PRINCIPE DE LÉGALITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - EXCLUSION - 2) ARTICLE 37-1 DE LA CONSTITUTION - EXCLUSION.

54-10-01-02 Question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre l'article 222 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 prévoyant, à titre expérimental, que les décisions d'urbanisme autorisant ou ne s'opposant pas à l'implantation d'antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d'accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées.,,,1) Si ces dispositions interdisent à l'autorité administrative de revenir sur une décision illégale dont elle serait l'auteur, la seule invocation par la commune de Locronan du principe de légalité des actes administratifs ne permet pas de caractériser une atteinte à un droit ou une liberté au sens de l'article 61-1 de la Constitution.... ,,2) L'article 37-1 de la Constitution, dont la méconnaissance est également invoquée, n'est pas au nombre des droits et libertés garantis par la Constitution.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 déc. 2019, n° 434741
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:434741.20191211
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