Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 22 septembre 2016 par laquelle le président du conseil départemental de la Drôme a confirmé la récupération d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 1 261,77 euros au titre de la période de mai à juillet 2014 et rejeté sa demande de remise gracieuse. Par un jugement n° 1606224 du 20 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mai et 13 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge du département de la Drôme la somme de 3 500 euros à verser à son avocat, la SCP Didier, Pinet, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thibaut Félix, auditeur,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme A... et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du département de la Drome ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme A... a bénéficié du revenu de solidarité active du 1er mai au 31 juillet 2014. Au vu d'une demande d'aide au logement formée le 25 novembre 2015, mentionnant une vie de couple depuis mars 2014, la caisse d'allocations familiales de la Drôme a décidé, le 13 mai 2016, de récupérer à son encontre un indu s'élevant initialement à 1 392,09 euros, correspondant aux sommes qu'elle avait perçues au titre du revenu de solidarité active. Son recours administratif préalable et sa demande de remise gracieuse ayant été rejetés par une décision du président du conseil départemental de la Drôme du 22 septembre 2016, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Grenoble. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 20 avril 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur la décision de récupération d'indu :
2. Les articles R. 772-5 à R. 772-10 du code de justice administrative comportent des dispositions particulières applicables à la présentation, à l'instruction et au jugement des requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi. En vertu des articles R. 772-6 et R. 772-7, une requête de première instance, sauf si elle a été introduite par un avocat ou présentée sur un formulaire mis à la disposition des requérants par la juridiction administrative et contenant l'ensemble des informations requises, " ne peut être rejetée pour défaut ou pour insuffisance de motivation , notamment en application du 7° de l'article R. 222-1, qu'après que le requérant a été informé du rôle du juge administratif et de la nécessité de lui soumettre une argumentation propre à établir que la décision attaquée méconnaît ses droits et de lui transmettre, à cet effet, toutes les pièces justificatives utiles. / S'il y a lieu, le requérant est ainsi invité à régulariser sa requête dans le délai qui lui est imparti et dont le terme peut être fixé au-delà de l'expiration du délai de recours. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 772-8 : " Lorsque la requête lui est notifiée, le défendeur est tenu de communiquer au tribunal administratif l'ensemble du dossier constitué pour l'instruction de la demande tendant à l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou à la reconnaissance du droit, objet de la requête ". Enfin, aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 772-9 : " La procédure contradictoire peut être poursuivie à l'audience sur les éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête. / L'instruction est close soit après que les parties ou leurs mandataires ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience. Toutefois, afin de permettre aux parties de verser des pièces complémentaires, le juge peut décider de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il les avise par tous moyens ".
3. Il résulte de ces dispositions, tout d'abord, que le juge ne peut rejeter une requête entrant dans leur champ d'application au motif qu'elle ne comporte l'exposé d'aucun moyen ou qu'elle ne comporte que des moyens qui ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé - ce qui ne nécessite ni instruction contradictoire ni audience publique - sans avoir informé le requérant, sauf s'il est représenté par un avocat ou a utilisé le formulaire comportant ces informations, du rôle du juge administratif et de la nécessité de lui soumettre une argumentation propre à établir que la décision attaquée méconnaît ses droits et de lui transmettre, à cet effet, toutes les pièces justificatives utiles. Ensuite, il appartient au défendeur, si nécessaire à l'invitation du tribunal, de communiquer à celui-ci l'ensemble du dossier constitué pour l'instruction de la demande ou pour le calcul de l'indu et le juge ne peut régulièrement rejeter les conclusions dont il est saisi, pour un motif sur lequel son contenu peut avoir une incidence, s'il ne dispose pas des éléments pertinents de ce dossier, sauf à avoir invité le requérant à produire les pièces précises, également en sa possession, qui sont nécessaires à l'examen de ses droits. Enfin, la procédure contradictoire peut être poursuivie au cours de l'audience sur les éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête, et le juge peut décider de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure à l'audience pour permettre aux parties de verser des pièces complémentaires. En revanche, ni ces dispositions, ni le droit à un procès équitable, garanti notamment par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne font obligation au juge, lorsque le défendeur a communiqué au tribunal l'ensemble des éléments pertinents du dossier constitué pour l'instruction de la demande ou pour le calcul de l'indu et que ces éléments ont été soumis au débat contradictoire, de diligenter une mesure supplémentaire d'instruction ou d'inviter le demandeur à produire les pièces qui seraient nécessaires pour établir le bien-fondé d'allégations insuffisamment étayées.
4. D'une part, le tribunal n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant que Mme A..., qui produisait une attestation sur l'honneur de son compagnon et un courrier de la maison départementale des personnes handicapées adressé en novembre 2014, à son intention, au domicile de son frère où elle soutenait avoir été hébergée, n'apportait pas d'élément probant à l'appui de l'affirmation selon laquelle elle avait commis une simple erreur en déclarant une date de début de vie maritale en mars 2014 dans sa demande d'aide au logement.
5. D'autre part, il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal que le département avait produit les éléments pertinents, au regard des points en débat, du dossier constitué pour la récupération de l'indu, notamment la demande de revenu de solidarité active formée par Mme A... le 26 mars 2014, dans laquelle elle se déclarait isolée, et sa déclaration de situation pour les prestations familiales et les aides au logement, faite le 25 novembre 2015, dans laquelle elle indiquait vivre en couple depuis mars 2014 et résider à l'adresse de son compagnon depuis la même date. Par suite, le tribunal, dont le jugement est suffisamment motivé, n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant de ce qui précède que l'existence d'une vie de couple devait être regardée comme établie depuis mars 2014 et en rejetant les conclusions de Mme A... dirigées contre la décision de récupération en litige sans mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes pour exiger des administrations compétentes la production de documents susceptibles de corroborer les allégations de la requérante selon lesquelles elle avait mentionné par erreur une vie de couple depuis mars 2014 alors qu'elle résidait entre mai et septembre 2014 chez son frère, à la caserne de gendarmerie de Valence, ni l'inviter à produire les pièces nécessaires pour établir leur bien-fondé.
Sur le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur la décision de refus de remise gracieuse :
6. En vertu de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, la créance du département à l'égard d'un bénéficiaire du revenu de solidarité active, résultant du paiement indu de ce revenu, " peut être remise ou réduite par le président du conseil départemental, en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d'une manoeuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration ". Il résulte de ces dispositions qu'un allocataire du revenu de solidarité active ne peut bénéficier d'une remise gracieuse de la dette résultant d'un paiement indu d'allocation que si, tout à la fois, d'une part, il est de bonne foi, l'indu ne devant pas trouver sa cause dans une manoeuvre frauduleuse ou une fausse déclaration procédant d'une volonté de dissimulation de sa part, et, d'autre part, la précarité de sa situation, appréciée par le département à la date de sa décision, justifie l'octroi d'un remise. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision refusant ou ne faisant que partiellement droit à une demande de remise gracieuse, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d'examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est susceptible d'être accordée, en se prononçant lui-même sur la demande au regard des dispositions applicables et des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre parties à la date de sa propre décision.
7. Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Mme A... dirigée contre la décision rejetant sa demande de remise gracieuse au motif qu'elle ne produisait aucune pièce permettant d'apprécier dans son ensemble sa situation financière.
8. D'une part, eu égard au motif de rejet ainsi retenu par le tribunal, Mme A... ne peut utilement soutenir en cassation que celui-ci, en relevant la circonstance que l'indu résultait d'une omission déclarative, aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier.
9. D'autre part, si Mme A..., titulaire d'un contrat à durée déterminée à l'hôpital de Valence, faisait valoir dans ses écritures devant le tribunal administratif, outre les événements douloureux qu'elle avait traversés, la situation financière difficile dans laquelle elle se trouvait compte tenu de la modestie de ses revenus et de ceux de son compagnon et de l'obligation de rembourser une somme importante du fait de la liquidation judiciaire de son ex-conjoint, elle ne produisait aucun justificatif permettant d'apprécier la situation de son foyer, qui avait évolué par rapport à celle dont le département avait pu avoir connaissance. Dans ces conditions, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant les conclusions de Mme A... sans l'inviter préalablement à produire les pièces nécessaires pour établir la précarité de sa situation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal de Grenoble qu'elle attaque.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département de la Drôme, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département de la Drôme présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au département de la Drôme.
Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.