Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Mandalay Prestige a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge ou la réduction des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2008 à 2010 ainsi que des majorations et intérêts de retard dont ces impositions ont été assorties. Par un jugement n° 1310102 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Par un arrêt n°16VE02518 du 18 mai 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la SAS Mandalay Prestige contre ce jugement.
Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juillet 2017 et 27 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cosfibel Premium, auparavant dénommée Mandalay Prestige, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-784 QPC du 24 mai 2019 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Cosfibel Premium ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société Cosfibel Premium ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, la société Mandalay Prestige, devenue Cosfibel Premium, qui exerce une activité de conception et de commercialisation d'emballages destinés au marché du luxe et dont la fabrication est confiée à des prestataires établis principalement en Asie, a été assujettie à la retenue à la source prévue par les dispositions du c du I de l'article 182 B du code général des impôts, au titre des exercices clos de 2008 à 2010. Par un jugement du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions. Par l'arrêt attaqué du 18 mai 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article 182 B du code général des impôts : " I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : / (...) c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France ".
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
3. Si la société Cosfibel Premium soutient que les dispositions citées au point 2 ci-dessus méconnaîtraient le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en tant qu'elles prévoient le prélèvement d'une retenue à la source sur le montant brut de rémunérations servies à une société étrangère alors même que cette société serait en situation déficitaire, le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2019-784 QPC du 24 mai 2019 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société requérante, a jugé les dispositions contestées conformes à la Constitution. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
Sur les autres moyens du pourvoi :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que sont soumises à retenue à la source les sommes payées par une société qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés qui n'y disposent pas d'une installation professionnelle permanente, en rémunération de prestations qui sont soit matériellement fournies en France, soit, bien que matériellement fournies à l'étranger, effectivement utilisées par le débiteur pour les besoins de son activité en France.
5. Il ressort des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué que les sommes soumises à retenues à la source en litige ont été versées à la société CWA, établie à Hong Kong, en rémunération de prestations de conseil, de suivi et de surveillance des opérations de production ainsi que de prestations de contrôle des fournisseurs chinois de la société Mandalay Prestige, de la conformité de la marchandise produite en Chine et de son conditionnement avant son expédition vers la France.
6. En premier lieu, en jugeant que, compte tenu de la nature des missions dont elle était chargée et alors même que la propriété des produits faisant l'objet de ses prestations n'avait pas encore été transférée à la société Mandalay Prestige, la société CWA était associée de façon étroite à la fabrication et à la distribution de ces produits qui avaient été conçus par la société établie en France et étaient destinés à être commercialisés dans ce pays, la cour a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
7. En second lieu, dès lors que les prestations effectuées par la société CWA ont été effectivement utilisées par la société Mandalay Prestige pour opérer en France des choix de gestion relatifs, d'une part, à la phase de mise en production des produits qu'elle avait conçus et, d'autre part, à la phase de commercialisation de ces biens produits en Chine conformément à ses prescriptions, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni insuffisamment motivé sa décision en jugeant que les prestations effectuées par la société CWA au profit de la société Mandalay Prestige devaient être regardées comme utilisées en France au sens des dispositions du c du I de l'article 182 B du code général des impôts et que, par suite, la totalité des rémunérations versées à la société CWA par la société Mandalay Prestige devait être soumise à la retenue à la source.
En ce qui concerne l'invocation d'une interprétation administrative :
8. En jugeant que les énonciations des paragraphes 20, 23 et 24 de l'instruction 5 B-7111 du 1er août 2001, reprises au paragraphe 230 de la documentation BOI-IR-DOMIC-10-10, aux termes desquelles " les commissions versées à des personnes non domiciliées en France, en rémunération de démarches et diligences diverses effectuées à l'étranger, ne sont pas considérées comme des prestations utilisées en France ", dont la société Mandalay Prestige se prévalait sur le fondement des dispositions du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales alors en vigueur, ne pouvaient, compte tenu de leur imprécision, être regardées comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il avait été fait application à la société, la cour a inexactement analysé cette instruction dont les termes étaient suffisamment précis et, par suite, commis une erreur de droit.
9. Toutefois, ainsi qu'indiqué au point 5, il ressort des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué que les sommes soumises à la retenue à la source prévue au c du I de l'article 182 B du code général des impôts, ne revêtent pas la nature de commissions versées en contrepartie de démarches ou de diligences, mais constituent la rémunération des prestations de conseil, de suivi et de contrôle rendues par la société CWA et effectivement utilisées en France pour les motifs exposés aux points 6 et 7 ci-dessus. Par suite, la société requérante n'entrait pas dans les prévisions de l'instruction invoquée et ne pouvait, dès lors, en revendiquer le bénéfice. Ce motif, qui ne suppose, en l'état des faits souverainement constatés par la cour administrative d'appel, l'appréciation d'aucune circonstance de fait supplémentaire, peut être substitué à celui retenu par la cour sur ce point dans l'arrêt attaqué, dont il justifie légalement le dispositif.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Cosfibel Premium n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Cosfibel Premium est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Cosfibel Premium et au ministre de l'action et des comptes publics.