Vu la procédure suivante :
Mme D... F..., agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentante de son fils Jessy Sailly, et M. C... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme de 306 754,96 euros en réparation des préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C et du décès, le 29 avril 2004, de Mme E.... La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Sarthe, appelée en cause, a demandé que soit mise à la charge de l'Etablissement français du sang (EFS) la somme de 132 082,43 euros en remboursement des débours qu'elle a exposés pour Mme E.... Par un jugement n° 1207970 du 5 février 2016, le tribunal administratif a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 16NT01146 du 23 février 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appels de M. et Mme F... et de la CPAM de la Sarthe, annulé ce jugement, condamné l'ONIAM à verser à M. et Mme F... la somme de 59 291,60 euros et condamné l'EFS à verser à la CPAM de la Sarthe la somme de 66 041 euros, assortie des intérêts à compter du 6 janvier 2015, ainsi que la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 18 avril et 18 juillet 2018 et le 6 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'EFS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels de M. et Mme F... ainsi que de la CPAM de la Sarthe ;
3°) de mettre à la charge de la CPAM de la Sarthe la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme B... A..., auditrice,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Etablissement français du sang et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme E... est décédée en 2004 des suites d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, contractée lors de transfusions sanguines au centre hospitalier du Mans en 1978 et 1981. M. et Mme F..., son époux et sa fille, ont demandé au tribunal administratif de Nantes de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) une somme de 306 754,96 euros en réparation des préjudices de Mme E... et de leurs préjudices propres. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Sarthe a demandé au même tribunal de mettre à la charge de l'Établissement français du sang (EFS) la somme de 85 239,08 euros correspondant aux débours exposés pour la prise en charge de son assurée. Par un jugement du 5 février 2016, le tribunal a rejeté leurs demandes. Sur appels de M. et Mme F... et de la CPAM de la Sarthe, la cour administrative d'appel de Nantes a, par un arrêt du 23 février 2018, annulé ce jugement, condamné l'ONIAM à verser à M. et Mme F... une somme de 59 291,60 euros et condamné l'EFS à verser à la CPAM de la Sarthe la somme de 66 041 euros. L'EFS se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il le condamne à payer cette somme à la CPAM de la Sarthe.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, applicable tant à l'action des victimes qu'à celle des caisses de sécurité sociale subrogées dans leurs droits en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins et les demandes d'indemnisation formées devant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en application du II de l'article L. 1142-1 et des articles L. 1221-14, L. 3111-9, L. 3122-1 et L. 3131-4 se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage (...) ".
3. D'autre part, l'article L. 1221-14 du code de la santé publique dispose que les victimes de préjudices résultant d'une contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang sont indemnisées par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale. Ce même article prévoit que les tiers payeurs, notamment les caisses de sécurité sociale subrogées dans les droits des victimes en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, peuvent exercer une action subrogatoire contre l'EFS en sa qualité de fournisseur des produits sanguins à l'origine du dommage ou d'héritier des obligations du fournisseur de ces produits, dès lors que l'établissement de transfusion sanguine à l'origine du dommage est assuré, que sa couverture d'assurance n'est pas épuisée et que le délai de validité de cette couverture n'est pas expiré.
4. Ces dispositions de l'article L.1221-14 du code de la santé publique ont ainsi substitué à l'action des victimes contre l'EFS une action en indemnisation par l'ONIAM, laquelle se prescrit, ainsi que le prévoit l'article L. 1142-28 du même code, cité au point 2, par dix ans à compter de la consolidation du dommage. Elles ont également ouvert aux tiers payeurs une action subrogatoire contre l'EFS qui doit être regardée comme obéissant aux mêmes règles de prescription que l'action des victimes contre l'ONIAM.
5. Par suite, en retenant que l'action subrogatoire exercée contre l'EFS par la CPAM de la Sarthe, venue aux droits de M. et Mme F..., se prescrivait dans le même délai de dix ans à compter de la consolidation du dommage que celui qui est applicable à l'action de ces derniers contre l'ONIAM, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
6. Il suit de là que l'EFS n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être également rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EFS le versement d'une somme de 3 000 euros à la CPAM de la Sarthe au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'Etablissement français du sang est rejeté.
Article 2 : L'Etablissement français du sang versera à la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Etablissement français du sang, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.