Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé à la commission départementale d'aide sociale des Yvelines :
- d'annuler la décision du 6 février 2013 par laquelle le président du conseil général des Yvelines a modifié le tarif des heures d'aide qui lui sont attribuées au titre de l'élément lié à un besoin d'aides humaines de la prestation de compensation du handicap et la décision, portée à sa connaissance par un courrier du 11 avril 2013, par laquelle la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des Yvelines a modifié le montant mensuel qui lui est attribué au titre de cet élément, en tant qu'elle fixe le tarif des heures d'aide ;
- de condamner le département des Yvelines à lui verser les sommes qui lui sont dues au titre de la prestation de compensation du handicap et à l'indemniser des préjudices résultant de ces décisions.
Par une décision du 3 mars 2015, la commission départementale d'aide sociale des Yvelines a annulé la décision du 6 février 2013 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Par une décision n° 150423 du 8 novembre 2017, la Commission centrale d'aide sociale a rejeté l'appel formé par Mme A... contre la décision de la commission départementale en tant qu'elle rejetait le surplus de ses conclusions.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 juillet et 26 octobre 2018 et le 21 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision de la Commission centrale d'aide sociale ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du département des Yvelines la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme A..., et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du département des Yvelines ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles que les personnes handicapées remplissant certaines conditions tenant à leur âge et à leur handicap ont " droit à une prestation de compensation qui a le caractère d'une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces ". Selon l'article L. 245-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, la prestation de compensation est accordée par la commission départementale des droits et de l'autonomie des personnes handicapées et servie par le département et " Les décisions relatives à l'attribution de la prestation par la commission (...) peuvent faire l'objet d'un recours devant la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale. Les décisions du président du conseil général relatives au versement de la prestation peuvent faire l'objet d'un recours devant les commissions départementales " d'aide sociale. La prestation de compensation du handicap peut notamment être affectée, en vertu de l'article L. 245-3 du même code, à des charges " 1° Liées à un besoin d'aides humaines " et elle est accordée, en vertu de l'article L. 245-6, " sur la base de tarifs et de montants fixés par nature de dépense, dans la limite de taux de prise en charge qui peuvent varier selon les ressources du bénéficiaire. Les montants maximums, les tarifs et les taux de prise en charge sont fixés par arrêtés du ministre chargé des personnes handicapées. Les modalités et la durée d'attribution de cette prestation sont définies par décret ". Selon l'article D. 245-31 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (...) indiquent pour chacun des éléments de la prestation de compensation attribués : / 1° La nature des dépenses pour lesquelles chaque élément est affecté, en précisant, pour l'élément lié à un besoin d'aides humaines, la répartition des heures selon le statut de l'aidant ; (...) / 4° Le montant mensuel attribué (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 245-41 : " Le montant mensuel attribué au titre de l'élément lié à un besoin d'aides humaines est égal au temps d'aide annuel multiplié par le tarif applicable et variable en fonction du statut de l'aidant et divisé par 12, dans la limite du montant mensuel maximum fixé à l'article R. 245-39 ". Enfin, l'arrêté du 28 décembre 2005 fixant les tarifs de l'élément de la prestation de compensation mentionné au 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles dispose que les tarifs applicables en cas de recours à une aide à domicile employée directement " sont majorés de 10 % en cas de recours à un service mandataire ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... bénéficiait, depuis le 1er janvier 2007, de la prestation de compensation du handicap prévue à l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles. Le bénéfice de cette prestation lui avait été renouvelé en dernier lieu, pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2014, par une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des Yvelines du 17 septembre 2009, qui lui attribuait un montant mensuel au titre de l'élément lié à un besoin d'aides humaines correspondant à 730 heures d'aide, auxquelles étaient appliquées pour partie le tarif de l'emploi direct de l'aide à domicile et pour partie le tarif majoré pour recours à un service mandataire. A la suite de la demande de révision du nombre d'heures formée par Mme A... ainsi que d'un contrôle des dépenses exposées par elle au titre de la prestation, le président du conseil général des Yvelines a, par une décision du 6 février 2013, confirmé le nombre d'heures pour la période du 1er février 2013 au 31 décembre 2014 mais modifié le montant mensuel attribué à l'intéressée en appliquant le tarif de l'emploi direct de l'aide à domicile à la totalité des 730 heures. La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des Yvelines a ensuite statué sur la demande de révision de Mme A... par une décision du 14 mars 2013, contre laquelle l'intéressée a formé un recours gracieux. Par un courrier du 11 avril 2013, le président du conseil général des Yvelines et le président de la commission départementale des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ont fait savoir à Mme A... que la commission, statuant sur ce recours le même jour, avait décidé de porter à 821,25 le nombre d'heures d'aides humaines dont elle bénéficiait, au tarif de l'emploi direct de l'aide à domicile. Mme A... a demandé à la commission départementale d'aide sociale des Yvelines d'annuler la décision du 6 février 2013 ainsi que la décision du 11 avril 2013 en tant qu'elle fixe le tarif des heures d'aide qui lui sont attribuées et de condamner le département des Yvelines à l'indemniser des préjudices qui en sont résultés pour elle. Par une décision du 3 mars 2015, la commission départementale d'aide sociale des Yvelines a annulé la décision du 6 février 2013 et a rejeté le surplus de ses conclusions. Par une décision du 8 novembre 2017, la Commission centrale d'aide sociale a rejeté l'appel formé par Mme A... contre cette décision en tant qu'elle lui faisait grief, en jugeant que ses conclusions relatives à la décision du 11 avril 2013 n'étaient pas fondées et que ses conclusions indemnitaires ne relevaient pas de sa compétence. Eu égard aux moyens soulevés, le pourvoi de Mme A... doit être regardé comme dirigé contre la décision de la Commission centrale en tant qu'elle rejette ses conclusions relatives à la décision du 11 avril 2013 et ses conclusions relatives aux frais de l'instance.
Sur la décision attaquée, en tant qu'elle statue sur les conclusions relatives à la décision du 11 avril 2013 :
3. Il résulte des dispositions précitées des articles D. 245-31 et R. 245-41 du code de l'action sociale et des familles qu'il incombe à la commission départementale des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, lorsqu'elle accorde la prestation de compensation du handicap, de fixer les montants attribués au titre des divers éléments de cette prestation, en déterminant en particulier le nombre d'heures d'aides humaines et le tarif qui leur est applicable. En application des dispositions de l'article L. 245-2 du même code, il appartient à la juridiction compétente pour connaître du contentieux technique de la sécurité sociale de connaître d'un recours dirigé contre une décision relative à l'attribution de la prestation de compensation par cette commission.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si le courrier du 11 avril 2013 est signé tant par le président de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées que par le président du conseil général, il notifie à Mme A... une décision de la commission du même jour, seule à faire grief, qui lui accorde l'élément de la prestation de compensation lié à un besoin d'aides humaines au tarif de l'emploi direct de l'aide à domicile. Par suite, les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de cette décision en tant qu'elle retient ce tarif étaient dirigées contre une décision relative à l'attribution de la prestation de compensation par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées et relevaient, dès lors, de la compétence du juge judiciaire. Il en résulte qu'en rejetant ces conclusions de Mme A... sans relever d'office l'incompétence de la juridiction administrative, la Commission centrale d'aide sociale a entaché sa décision d'une erreur de droit. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de son pourvoi, Mme A... est fondée à en demander l'annulation dans cette mesure.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans la mesure de la cassation prononcée, l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Pour les motifs exposés aux points 3 et 4, c'est à tort que la commission départementale d'aide sociale des Yvelines s'est reconnue compétente pour statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation partielle de la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 11 avril 2013. Il y a lieu d'annuler sa décision du 3 mars 2015 en tant qu'elle statue sur ces conclusions et, statuant par la voie de l'évocation, de les rejeter comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur la décision attaquée, en tant qu'elle statue sur les conclusions relatives aux frais de l'instance d'appel :
7. Aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, applicable à toutes les juridictions administratives : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Il résulte de ces dispositions que la Commission centrale d'aide sociale ne pouvait rejeter les conclusions de Mme A... présentées au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens au motif que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui reprennent ces dispositions, ne sont pas applicables aux juridictions de l'aide sociale. Toutefois, dès lors qu'elle rejetait son appel, les dispositions du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 faisaient obstacle à ce qu'une somme soit mise, sur ce fondement, à la charge du département des Yvelines, qui n'était pas la partie perdante. Ce motif, qui n'implique aucune appréciation de fait, doit être substitué à celui qu'a retenu la Commission centrale dans la décision attaquée, dont il justifie légalement le dispositif sur ce point. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à demander dans cette mesure l'annulation de cette décision, qui n'est pas irrégulière du fait des conditions d'apposition de la date de sa lecture.
Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance de cassation :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du pourvoi présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Commission centrale d'aide sociale du 8 novembre 2017 et la décision de la commission départementale d'aide sociale des Yvelines du 3 mars 2015 sont annulées en tant qu'elles statuent sur les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des Yvelines du 11 avril 2013.
Article 2 : Ces conclusions sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A..., au département des Yvelines et à la maison départementale des personnes handicapées des Yvelines.