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06/11/2019 | FRANCE | N°433682

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 06 novembre 2019, 433682


Vu la procédure suivante :

La société de diffusion et de conditionnement (Sodico), à l'appui de la demande qu'elle a formée devant le tribunal administratif de La Réunion tendant à la restitution de son crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche pour les années 2011 et 2012, a présenté un mémoire, enregistré le 17 juillet 2019 au greffe de ce tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1900199 du 12 août 2019, enr

egistrée le 13 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ma...

Vu la procédure suivante :

La société de diffusion et de conditionnement (Sodico), à l'appui de la demande qu'elle a formée devant le tribunal administratif de La Réunion tendant à la restitution de son crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche pour les années 2011 et 2012, a présenté un mémoire, enregistré le 17 juillet 2019 au greffe de ce tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1900199 du 12 août 2019, enregistrée le 13 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 199 ter B du code général des impôts et des articles L. 169 et L. 190 du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire, enregistré le 6 septembre 2019, la société Sodico soutient que ces dispositions, applicables au litige et qui n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire, enregistré le 6 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que la question soulevée ne présente pas un caractère sérieux.

- Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Humbert, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Sodico ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 octobre 2019, présentée par la société Sodico ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. En posant une question prioritaire de constitutionnalité sur une disposition législative, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition.

3. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt (...) ". Aux termes du I de l'article 199 ter B de ce code : " Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période. (...) ". Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes de l'article L. 172 G de ce livre : " Pour le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle du dépôt de la déclaration spéciale prévue pour le calcul de ce crédit d'impôt (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 190 du même livre : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées au point 3 ci-dessus que la demande de remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche présentée sur le fondement des dispositions de l'article 199 ter B du code général des impôts constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et que la décision par laquelle l'administration fiscale rejette tout ou partie d'une telle réclamation n'a pas le caractère d'une procédure de reprise ou de redressement. Par suite, ni les dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales relatives au délai général de reprise s'imposant à l'administration pour procéder à des rectifications, ni celles de l'article L. 172 G du même livre fixant un délai spécial de reprise pour les créances de crédit d'impôt recherche, ne sont applicables lorsque l'administration statue sur une demande de remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche.

5. Il en résulte que l'administration fiscale ne peut remettre en cause le montant du crédit d'impôt recherche imputé sur l'impôt dû par un contribuable que dans les limites temporelles fixées par l'article L. 172 G du livre des procédures fiscales. En revanche, lorsque le contribuable qui dispose d'une créance qu'il n'a pu imputer, partiellement ou en totalité, sur l'impôt dû, en demande la restitution à l'administration fiscale au terme de la période prévue par l'article 199 ter B du code général des impôts, l'administration peut remettre en cause le montant de cette créance dès lors que ni l'article L. 169 ni l'article L. 172 G du livre des procédures fiscales ne sont alors applicables.

6. La société Sodico soutient que les dispositions des articles 199 ter B du code général des impôts et celles des articles L. 190 et L. 169 du livre des procédures fiscales méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, en tant qu'elles ne prévoient pas, en raison de l'inapplicabilité des dispositions de l'article L. 169 et de l'article L. 172 G du livre des procédures fiscales, de règle de prescription lorsque l'administration instruit une réclamation tendant à obtenir la restitution d'une créance de crédit d'impôt recherche.

7. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Aux termes de l'article 13 de cette Déclaration : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

8. Un contribuable qui fait l'objet d'une procédure de reprise décidée par l'administration ne se trouve pas dans la même situation qu'un autre contribuable qui demande la restitution d'une créance fiscale. En raison de cette différence de situation, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les règles qui lui sont applicables quant à l'exercice par l'administration de ses pouvoirs de contrôle, en particulier l'absence de règle de prescription du droit de celle-ci de remettre en cause le montant de la créance dont elle demande le remboursement, seraient contraires au principe d'égalité. Par suite, le moyen selon lequel la différence de traitement résultant des dispositions mentionnées au point 6 ci-dessus constituerait une rupture d'égalité devant la loi et devant les charges publiques ne peut être regardé comme soulevant une question sérieuse.

9. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par société Sodico.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Sodico et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 433682
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2019, n° 433682
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Humbert
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:433682.20191106
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