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23/10/2019 | FRANCE | N°417703

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 23 octobre 2019, 417703


Vu la procédure suivante :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 avril 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier de L'Aigle a décidé le remboursement partiel, à hauteur de 4 000 euros, de la prime spécifique de sujétions qui lui avait été versée et, d'autre part, de condamner le centre hospitalier de L'Aigle à lui verser la somme de 17 530 euros au titre de l'indemnité compensatrice de logement pour la période du septembre 2010 au 30 novembre 2011. Par un jugement n° 1401291 du 1

6 février 2016, le tribunal administratif a rejeté ses demandes.

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Vu la procédure suivante :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 avril 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier de L'Aigle a décidé le remboursement partiel, à hauteur de 4 000 euros, de la prime spécifique de sujétions qui lui avait été versée et, d'autre part, de condamner le centre hospitalier de L'Aigle à lui verser la somme de 17 530 euros au titre de l'indemnité compensatrice de logement pour la période du septembre 2010 au 30 novembre 2011. Par un jugement n° 1401291 du 16 février 2016, le tribunal administratif a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 16NT00989 du 24 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. D... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 30 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de l'Aigle la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2005-932 du 2 août 2005 ;

- le décret n° 2005-921 du 2 août 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme C... B..., auditrice,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. D... et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du centre hospitalier de l'Aigle.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D... a été nommé à compter du 1er septembre 2010 directeur d'hôpital hors classe stagiaire et affecté au poste de directeur adjoint au centre hospitalier intercommunal d'Alençon-Mamers et L'Aigle (Orne), pour exercer les fonctions de directeur délégué du centre hospitalier de l'Aigle. Une prime spécifique de sujétions de 10 000 euros lui a été attribuée par un arrêté du 16 mars 2011 en contrepartie de l'engagement d'exercer ses fonctions pendant cinq années. Après la dénonciation de leur convention de direction commune par les centres hospitaliers de L'Aigle et d'Alençon-Mamers, M. D... a été réaffecté au poste de directeur adjoint au centre hospitalier de L'Aigle le 15 février 2013, avant d'être, à sa demande, détaché dans le corps des magistrats des chambres régionales des comptes pour une période de trois ans à compter du 1er septembre 2013. Par une décision du 22 avril 2014, le directeur du centre hospitalier de L'Aigle a demandé à M. D... de restituer à l'établissement une somme de 4 000 euros correspondant au montant de la prime spécifique rapporté à la période courant de son détachement à la fin de son engagement quinquennal. Par ailleurs, M. D... a demandé au centre hospitalier, le 13 octobre 2011, que lui soit versée une indemnité compensatrice mensuelle de logement, laquelle ne lui a été octroyée, le 5 décembre 2011, qu'à compter du 1er décembre 2011.

2. Par un jugement du 16 février 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. D... tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 22 avril 2014 relative à la restitution partielle de la prime spécifique de sujétions et, d'autre part, à l'annulation du refus partiel de versement de l'indemnité compensatrice de logement et à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de l'Aigle de lui verser la somme de 17 530 euros. M. D... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 24 novembre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur la décision relative à la prime spécifique de sujétions :

3. Aux termes de l'article 5 du décret du 2 août 2005 relatif au régime indemnitaire des personnels de direction des établissements mentionnés à l'article 2 (1° et 7°) de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, dans sa version applicable à la date d'octroi de la prime litigieuse : " Les personnels de direction nommés dans les établissements dont la situation est jugée particulièrement difficile (...) peuvent percevoir la prime spécifique de sujétions instituée à l'article 1er du présent décret./ Cette prime forfaitaire est attribuée (...) après décision du directeur général du centre national de gestion (...)/ Les personnels de direction s'engagent à exercer leurs fonctions dans l'établissement concerné pendant cinq années. En cas de départ anticipé de leur fait, ils doivent rembourser la prime perçue à due proportion de la durée restant à accomplir... ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 1er du décret du 2 août 2005 portant statut particulier des grades et emplois des personnels de direction des établissements mentionnés à l'article 2 (1° et 2°) de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, les personnels de ce statut sont chargés, dans l'établissement où ils sont affectés, " 1° De la direction de l'établissement ;/ 2° D'une direction commune à plusieurs établissements mentionnés au deuxième alinéa ou aux 2° à 6° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée ;/ 3° Ou, sous l'autorité du chef d'établissement, de préparer et de mettre en oeuvre les délibérations des conseils d'administration ou conseil de surveillance et les décisions prises par le chef d'établissement, dans le cadre de délégations que ces derniers leur ont accordées ". Enfin, aux termes de l'article 30 du même décret, en cas de dénonciation de la convention instituant la direction commune d'établissements, " le directeur adjoint qui était préalablement affecté dans l'un des établissements qui était géré par la direction commune est réaffecté, sur proposition du directeur, dans l'établissement où il exerçait précédemment ou, le cas échéant, sur proposition du directeur concerné, dans l'un des établissements qui composait la direction commune... ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le changement d'affectation, consécutif à la dénonciation d'une convention instituant la direction commune d'établissements, pour exercer des fonctions relevant de son statut au sein du même établissement ou ensemble d'établissements, d'un agent ayant bénéficié de la prime spécifique de sujétions n'est pas de nature à faire cesser l'engagement de cinq ans conclu lors du versement de cette indemnité.

4. En jugeant que la réaffectation de M. D... à la suite de la dénonciation de la convention instituant la direction commune d'établissements n'avait pas mis fin à l'engagement de l'intéressé d'exercer pendant cinq ans les fonctions lui ouvrant droit à la prime spécifique de sujétions et que son départ, à sa demande, dans le corps des magistrats des chambres régionales des comptes à compter du 1er septembre 2013 constituait un départ anticipé à sa demande, au sens de l'article 5 du décret du 2 août 2005 cité au point 2, la cour n'a pas commis d'erreur de droit. Elle pouvait, par suite, en déduire que le directeur du centre hospitalier de L'Aigle avait pu légalement lui demander la restitution partielle de cette prime.

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur la décision relative à l'indemnité compensatrice de logement :

5. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ". L'irrecevabilité d'un recours contre une décision individuelle dont son destinataire a eu connaissance, fondée sur le fait que, étant exercé au-delà d'un délai raisonnable, il méconnaît le principe de sécurité juridique, ne peut être régulièrement soulevée d'office qu'après qu'ont été respectées les dispositions de cet article, alors même qu'aurait été soulevée une fin de non-recevoir fondée sur la tardiveté de ce même recours, à raison de ce qu'il aurait été introduit après l'expiration du délai de recours contentieux.

6. Pour rejeter comme tardive la demande de M. D... tendant au paiement de l'indemnité compensatrice de logement, la cour administrative d'appel de Nantes s'est fondée sur ce qu'elle avait été présentée plus de deux ans après qu'il eut eu connaissance du refus de son employeur de la lui verser. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en relevant d'office un tel moyen sans en informer les parties, la cour a entaché son arrêt d'irrégularité.

7. Au surplus, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande formulée le 13 octobre 2011 par M. D... sollicitait le bénéfice de l'indemnité compensatrice de logement à compter du 1er septembre 2011, date à laquelle il avait été titularisé dans le corps des directeurs d'hôpital. Par suite, en estimant que, par la décision du 5 décembre 2011, l'administration avait refusé à l'intéressé de lui verser l'indemnité litigieuse à compter du 1er septembre 2010, la cour a dénaturé les pièces du dossier dont elle était saisie.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque qu'en tant qu'il statue sur la décision relative au versement de l'indemnité compensatrice de logement.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de L'Aigle la somme de 3 000 euros que demande M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a en revanche pas lieu de mettre à la charge de M. D... la somme que demande, au même titre, le centre hospitalier de l'Aigle.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 24 novembre 2017 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de M. D... tendant à l'annulation de la décision du 5 décembre 2011 en tant qu'elle lui refuse le versement de l'indemnité compensatrice de logement pour la période du 1er septembre 2010 au 30 novembre 2011 et au versement des sommes correspondantes.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes dans la limite de la cassation prononcée.

Article 3 : Le centre hospitalier de L'Aigle versera au une somme de 3 000 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de L'Aigle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... D... et au centre hospitalier de L'Aigle.


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 417703
Date de la décision : 23/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2019, n° 417703
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Louise Cadin
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:417703.20191023
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