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21/10/2019 | FRANCE | N°428550

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 21 octobre 2019, 428550


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er mars et 24 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret en date du 26 décembre 2018 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités marocaines ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;
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- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fonda...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er mars et 24 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret en date du 26 décembre 2018 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités marocaines ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'extradition entre la République française et le Royaume du Maroc signée à Rabat le 18 avril 2008 ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Weil, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... conteste le décret du 26 décembre 2018 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités marocaines pour l'exécution d'un mandat d'arrêt décerné le 30 janvier 2017 par le procureur du roi près le tribunal de première instance de Tétouan pour des faits constitutifs de complicité de détention et de transport de drogues, complicité de tentative d'exportation de drogues, trafic de drogues et tentative d'exportation de drogues sans déclaration ni autorisation.

2. En premier lieu, le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et satisfait ainsi à l'exigence de motivation posée à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

3. En deuxième lieu, aux termes du point f) du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention franco-marocaine d'extradition du 18 avril 2008 qui a abrogé les dispositions du titre III de la convention d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur des jugements et d'extradition entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957 et qui régit la présente procédure d'extradition : " L'extradition n'est pas accordée : / (...) lorsque l'action publique ou la peine sont prescrites conformément à la législation de la Partie requise. Les actes effectués dans la Partie requérante qui ont pour effet d'interrompre ou de suspendre la prescription sont pris en compte par la Partie requise, dans la mesure où sa législation le permet ". Le délai de la prescription applicable en France aux infractions à la législation sur les stupéfiants est de six ans en application de la combinaison des articles 222-37 du code pénal et 8 du code de procédure pénale. Il ressort des pièces du dossier que les faits pour lesquels l'extradition est demandée auraient été commis le 11 juillet 2014. Par suite, l'action publique concernant les infractions objets de l'extradition n'était pas prescrite au regard du droit français à la date de la demande d'extradition, le 4 septembre 2018. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention du 18 avril 2008 doit, en conséquence, être écarté.

4. En troisième lieu, si M. B... soutient qu'en cas d'exécution du décret qu'il attaque, il risquerait d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants, en raison des conditions d'incarcération au Maroc, il n'apporte, au soutien de ce moyen, aucun élément permettant d'établir l'existence des risques qu'il courrait à titre personnel. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

5. En quatrième lieu, si une décision d'extradition est susceptible de porter atteinte, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au droit au respect de la vie privée et familiale, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition, qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes se trouvant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes ou des délits commis hors de France que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits. En l'espèce, la circonstance que l'intéressé soit père d'une enfant née en France en 2018, dont il s'occupe avec sa compagne, n'est pas de nature à faire obstacle, dans l'intérêt de l'ordre public, à l'exécution de son extradition. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 428550
Date de la décision : 21/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2019, n° 428550
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Weil
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:428550.20191021
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