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21/10/2019 | FRANCE | N°420724

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 21 octobre 2019, 420724


Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 mai et 17 août 2018 et 4 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat viticole de Loupiac demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet opposée à sa demande d'abrogation du décret n° 2014-681 du 24 juin 2014 modifiant le décret du 26 octobre 2011 homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Loupiac " ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger ce décret dans un délai de deux mois,

sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de communiquer au secrétari...

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 mai et 17 août 2018 et 4 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat viticole de Loupiac demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet opposée à sa demande d'abrogation du décret n° 2014-681 du 24 juin 2014 modifiant le décret du 26 octobre 2011 homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Loupiac " ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger ce décret dans un délai de deux mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de communiquer au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter l'arrêt rendu ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2011-1398 du 26 octobre 2011 ;

- le décret n° 2014-61 du 24 juin 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Berne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du syndicat Viticole de Loupiac et à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat viticole de Loupiac demande l'annulation de la décision implicite de rejet opposée à sa demande d'abrogation du décret du 24 juin 2014 qui a modifié le décret du 26 octobre 2011, homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Loupiac ", en tant qu'il a abaissé à 15 % la limite à laquelle peut être porté le titre alcoométrique volumique total du vin après enrichissement par sucrage à sec ou par moût concentré rectifié.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 641-7 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction en vigueur à la date du décret dont l'abrogation était demandée : " la reconnaissance d'une appellation d'origine contrôlée est prononcée par un décret qui homologue un cahier des charges où figurent notamment la délimitation de l'aire géographique de production de cette appellation ainsi que ses conditions de production ". Aux termes de l'article L. 642-5 du même code, l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) " propose la reconnaissance des produits susceptibles de bénéficier des signes d'identification de la qualité et de l'origine et la révision de leurs cahiers des charges ". Il résulte de ces dispositions que l'INAO propose la révision du cahier des charges et que celui-ci, ainsi modifié, est homologué par décret. En l'espèce, les modifications apportées au cahier des charges de l'AOC " Loupiac " ont été approuvées par la commission permanente du comité national des appellations d'origine relatives aux vins et boissons alcoolisés et des eaux de vie de l'INAO lors de sa séance du 25 mars 2014. Le décret du 24 juin 2014, s'il rappelle en son article 1er les modifications adoptées, s'est borné à homologuer le cahier des charges ainsi modifié conformément à la proposition de l'INAO. Par suite, le moyen tiré de ce que le Premier ministre aurait directement modifié ce cahier des charges, outrepassant ainsi les compétences qu'il tenait de l'article L. 641-7 du code rural et de la pêche maritime, doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 641-20-1 du code rural et de la pêche maritime : " I.- La demande de modification d'un cahier des charges d'une appellation d'origine, d'une indication géographique ou d'une spécialité traditionnelle garantie est soumise pour approbation au comité national compétent de l'Institut national de l'origine et de la qualité. Lorsque ce dernier estime qu'elle comporte des modifications majeures, la demande est soumise à une procédure nationale d'opposition dans les conditions prévues à l'article R. 641-13 / II.- Toutefois, lorsqu'une modification du cahier des charges doit intervenir au cours de la procédure européenne d'instruction des demandes d'enregistrement en appellation d'origine, en indication géographique ou en spécialité traditionnelle garantie ou de modification des cahiers des charges enregistrés de ces mêmes signes, la demande est soumise à une procédure nationale d'opposition d'une durée de quinze jours organisée par le directeur de l'Institut national de l'origine et de la qualité après avis du comité national compétent. / L'annonce de l'ouverture de cette procédure, de son objet et de son terme est publiée au Journal officiel de la République française. Elle indique également l'adresse de l'Institut national de l'origine et de la qualité ainsi que celle du site internet de cet établissement où le projet de cahier des charges et, le cas échéant, le projet de document unique mentionné à l'article R. 641-12 peuvent être consultés. / Les oppositions motivées sont adressées par écrit à l'Institut national de l'origine et de la qualité dans un délai de quinze jours. (...) / L'INAO examine les oppositions dans le cadre de l'instruction de la demande et notifie aux opposants les suites qui y sont données. " Il résulte de ces dispositions que si une nouvelle procédure nationale d'opposition, permettant à toute personne intéressée de faire part de ses objections, doit être mise en oeuvre dans les conditions prévues à l'article R. 641-13 en cas de modifications majeures au cahier des charges d'une appellation d'origine déjà homologuée, une procédure spécifique, décrite au II de l'article R. 641-20-I, est prévue lorsque la modification du cahier des charges intervient au cours de la procédure européenne d'instruction des demandes d'enregistrement en appellation d'origine. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les modifications apportées au cahier des charges avaient été demandées par la commission européenne dans le cadre de cette procédure, et qu'elles ont fait l'objet de la procédure spécifique prévue par le II de l'article R. 641-20-I précité. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure nationale d'opposition mise en oeuvre préalablement à l'adoption de ce décret doit, en tout état de cause, être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes du 2 de l'article 78 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles : " Les définitions, dénominations ou dénominations de vente prévues à l'annexe VII ne peuvent être utilisées dans l'Union que pour la commercialisation d'un produit conforme aux exigences correspondantes définies à ladite annexe ". Aux termes de l'article 82 du même règlement : " (...) tout vin élaboré à partir des variétés à raisins de cuve figurant dans les classements établis en application de l'article 81, paragraphe 2, premier alinéa, mais n'entrant dans aucune des catégories établies à l'annexe VII, partie II, n'est utilisé que pour la consommation familiale du viticulteur, la production de vinaigre de vin ou la distillation ". Aux termes du paragraphe 1 de la partie II de l'annexe VII de ce règlement : " On entend par " vin " le produit obtenu exclusivement par la fermentation alcoolique, totale ou partielle, de raisins frais, foulés ou non, ou de moûts de raisins. / Le vin (...) a un titre alcoométrique total non supérieur à 15 % vol. / Toutefois, par dérogation : / - la limite maximale du titre alcoométrique total peut atteindre jusqu'à 20 % vol. pour les vins obtenus sans aucun enrichissement dans certaines zones viticoles de l'Union, à déterminer par la Commission au moyen d'actes délégués en application de l'article 75, paragraphe 2 ; / - pour les vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée et obtenus sans aucun enrichissement, la limite maximale du titre alcoométrique total peut dépasser 15 % vol ; (...) ". Enfin, l'annexe VIII de ce règlement, à laquelle renvoie l'article 80 pour définir " (...) les pratiques oenologiques autorisées (...) pour la production et la conservation dans l'Union de produits énumérés à l'annexe VII partie II ", dispose d'une part, au point 6 du B de la partie I, que les opérations d'enrichissement du vin " ne peuvent porter le titre alcoométrique total des raisins frais, du moût de raisins, du moût de raisins partiellement fermenté, du vin nouveau encore en fermentation ou du vin à plus de (...) 12,5 % vol dans la zone viticole C1 " et, d'autre part, au point 7, que " par dérogation au point 6, les Etats membres peuvent (...) b / porter le titre alcoométrique volumique total des produits visés au point 6 pour la production de vins bénéficiant d'une appellation d'origine à un niveau qu'ils doivent déterminer ".

5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si les Etats-membres peuvent, pour les vins bénéficiant d'une appellation d'origine, porter le titre alcoométrique total maximal après enrichissement à un niveau supérieur à celui prévu au point 6 du B de la partie I de l'annexe VIII, la mise en oeuvre de cette dérogation, qui constitue en tout état de cause une simple possibilité, ne peut se faire que dans le respect du plafond de titre alcoométrique total prévu, pour les produits qualifiés de " vin ", à l'annexe VII, qui fixe ce plafond à 15 % vol et ne prévoit d'exception à ce plafond que pour des vins obtenus sans aucun enrichissement. Dès lors, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du décret contesté qui fixent à 15 % la limite maximale à laquelle peut être porté le titre alcoométrique volumique total après enrichissement par sucrage à sec ou par moût concentré rectifié pour les vins de l'AOC " Loupiac " méconnaissent le règlement (UE) n°1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat viticole de Loupiac n'est pas fondé à demander l'annulation de décision implicite de rejet opposée à sa demande d'abrogation des dispositions contestées du décret du 24 juin 2014. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du syndicat viticole de Loupiac est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat viticole de Loupiac, au Premier ministre, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, au ministre de l'économie et des finances et à l'Institut national de l'origine et de la qualité.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 420724
Date de la décision : 21/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2019, n° 420724
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Berne
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:420724.20191021
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