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04/10/2019 | FRANCE | N°417714

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 04 octobre 2019, 417714


Vu la procédure suivante :

M. E... A... C... a porté plainte contre Mme B... D...-F... devant la chambre disciplinaire de première instance de La Réunion - Mayotte de l'ordre des médecins. Par une décision du 22 octobre 2015, cette chambre a rejeté sa plainte.

Par une décision du 27 octobre 2017, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a, sur appel de M. A... C..., annulé cette décision et infligé à Mme D...-F... la sanction du blâme.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 27 avril 2018 au sec

rétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D...-F... demande au Conseil d'Etat...

Vu la procédure suivante :

M. E... A... C... a porté plainte contre Mme B... D...-F... devant la chambre disciplinaire de première instance de La Réunion - Mayotte de l'ordre des médecins. Par une décision du 22 octobre 2015, cette chambre a rejeté sa plainte.

Par une décision du 27 octobre 2017, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a, sur appel de M. A... C..., annulé cette décision et infligé à Mme D...-F... la sanction du blâme.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 27 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D...-F... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge de M. A... C... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Fuchs, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de Mme B... D...-F... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme D...-F..., pédiatre à la Réunion, a reçu en consultation, le 22 juillet 2013, deux jeunes filles, alors âgées de 12 et 13 ans, accompagnées de leur mère, et préconisé leur vaccination, notamment contre le papillomavirus humain. Elle leur a administré ce vaccin, en présence de leur mère, le 23 novembre 2013. M. A... C..., père des deux jeunes filles, a porté plainte contre Mme D...-F... devant la chambre disciplinaire de première instance de la Réunion-Mayotte. Par une décision du 5 novembre 2015, cette chambre a rejeté sa plainte. Mme D...-F... se pourvoit en cassation contre la décision du 27 octobre 2017 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, saisie en appel par M. A... C..., a annulé la décision de la chambre disciplinaire de première instance et lui a infligé la sanction du blâme.

2. Il résulte des articles L. 1111-4 et L. 1111-5 du code de la santé publique que lorsque qu'un médecin accomplit un acte médical à l'égard d'un mineur, il lui appartient, en dehors des exceptions prévues par l'article L. 1111-5 du code de la santé publique, de rechercher le consentement du ou des titulaires de l'autorité parentale ainsi que du mineur dès lors qu'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision.

3. Aux termes de l'article R. 4127-42 du code de la santé publique : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-5, un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s'efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d'obtenir leur consentement. / En cas d'urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires. / Si l'avis de l'intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible ".

4. Aux termes de l'article 372-2 du code civil : " A l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, sauf en cas d'urgence, lorsqu'un acte médical ne constitue pas un acte usuel de l'autorité parentale, il ne peut être accompli à l'égard d'un mineur qu'après que le praticien s'est efforcé de contacter les titulaires de l'autorité parentale et d'obtenir leur consentement. A ce titre, le médecin appelé à accomplir, à la demande d'un des parents exerçant en commun l'autorité parentale avec l'autre parent, un acte médical à l'égard d'un enfant, doit apprécier si, eu égard à la nature de cet acte, aux caractéristiques du patient, en particulier de son âge, et compte tenu de l'ensemble des circonstances dont il a connaissance, cet acte peut être regardé comme un acte usuel de l'autorité parentale.

6. Pour retenir la méconnaissance par Mme D...-F... des dispositions de l'article R. 4127-42 du code de la santé publique, la chambre disciplinaire nationale s'est fondée sur la seule circonstance que la vaccination en cause n'était pas obligatoire, pour en déduire qu'elle ne pouvait être qualifiée d'acte usuel de l'autorité parentale quelle que soit l'appréciation portée sur l'absence ou non de risque pouvant en résulter. En ne relevant aucun autre élément se rapportant à la nature de la vaccination en cause, aux caractéristiques des patientes concernées ou à l'ensemble des circonstances dont Mme D...-F... avait connaissance, pour juger que celle-ci ne pouvait considérer de bonne foi que la mère des deux jeunes filles était réputée agir avec l'accord de l'autre titulaire de l'autorité parentale, la chambre disciplinaire nationale a commis une erreur de droit. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, sa décision doit être annulée.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... C... la somme demandée par Mme D...-F... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 27 octobre 2017 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme D...-F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... D...-F..., à M. E... A... C... et au Conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 417714
Date de la décision : 04/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 oct. 2019, n° 417714
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Fuchs
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP RICHARD ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:417714.20191004
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