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30/09/2019 | FRANCE | N°429423

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 30 septembre 2019, 429423


Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 19/00943 du 5 mars 2019, enregistré le 27 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal de grande instance de Marseille a sursis à statuer et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité, au regard du principe d'égalité, de l'arrêté du 17 décembre 1954 fixant le tarif à utiliser pour déterminer la valeur de rachat et de conversion de certaines rentes d'accident du travail, en tant qu'il prévoit un coefficient uniforme pour les assurés sociaux, qu'ils soient de sexe masculin ou de sexe fémini

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notam...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 19/00943 du 5 mars 2019, enregistré le 27 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal de grande instance de Marseille a sursis à statuer et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité, au regard du principe d'égalité, de l'arrêté du 17 décembre 1954 fixant le tarif à utiliser pour déterminer la valeur de rachat et de conversion de certaines rentes d'accident du travail, en tant qu'il prévoit un coefficient uniforme pour les assurés sociaux, qu'ils soient de sexe masculin ou de sexe féminin.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la directive 79/7 CEE du Conseil du 19 décembre 1978 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 4° de l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les prestations accordées au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles comportent, pour les victimes atteintes d'une incapacité permanente de travail, une indemnité en capital lorsque le taux de l'incapacité est inférieur à un taux que l'article R. 431-1 du même code fixe à 10 % ou une rente au-delà de ce taux et, en cas de décès, des rentes dues à leurs ayants droit. L'article L. 434-3 du même code régit les conditions dans lesquelles la rente peut être remplacée en partie par un capital ou le capital converti en rente viagère. Son premier alinéa dispose ainsi, pour la conversion de la rente en capital, qu'en dehors des cas prévus à l'article L. 434-9 du même code s'agissant des ayants droit de la victime décédée et à son article L. 434-20 s'agissant des droits ouverts aux travailleurs étrangers : " la pension allouée à la victime de l'accident peut être remplacée en partie par un capital mais seulement dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et suivant un tarif fixé par arrêté ministériel ".

2. Par un jugement du 5 mars 2019, le tribunal de grande instance de Marseille, saisi d'un litige opposant M. B... à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, a sursis à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé à titre préjudiciel sur la question de savoir si les dispositions figurant à l'annexe de l'arrêté du 6 août 1947 relatif à la valeur de rachat ou de conversion de certaines rentes d'accidents du travail, modifiée par l'arrêté du 17 décembre 1954 fixant le tarif à utiliser pour déterminer la valeur de rachat et de conversion de certaines rentes d'accidents du travail, respectent le principe d'égalité de traitement en tant qu'elles prévoient un coefficient uniforme, que les assurés sociaux soient de sexe masculin ou de sexe féminin.

3. D'une part, le principe d'égalité n'oblige pas à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes.

4. D'autre part, aux termes de l'article 4, paragraphe 1 de la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, applicable notamment aux régimes légaux qui assurent une protection contre les risques d'accident du travail et de maladie professionnelle : " le principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement (...) en particulier en ce qui concerne : (...) le calcul des prestations, y compris (...) les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations ". La Cour de justice de l'Union européenne a, par un arrêt C-318/13 du 3 septembre 2014, dit pour droit que ce paragraphe devait " être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale prévoyant, pour le calcul d'une prestation sociale légale versée en raison d'un accident du travail, l'application, comme facteur actuariel, de la différence d'espérance de vie entre les hommes et les femmes, lorsque l'application de ce facteur conduit à ce que la réparation versée en une fois au titre de ladite prestation est inférieure, lorsqu'elle est allouée à un homme, à celle que percevrait une femme du même âge qui se trouve dans une situation similaire ". Par suite, la différence d'espérance de vie entre les hommes et les femmes ne serait pas de nature à justifier une différence de traitement dans le calcul de la conversion en capital de la prestation servie aux victimes d'accident du travail pour l'application du principe de l'égalité de traitement garanti par le droit de l'Union européenne.

5. Il résulte de ce tout qui précède qu'alors même que l'espérance de vie des hommes et celle des femmes ne sont, selon les données résultant des tables de mortalité établies par l'Institut national de la statistique et des études économiques, pas identiques, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions litigieuses seraient contraires au principe d'égalité en tant qu'elles prévoient un coefficient uniforme pour les assurés sociaux, qu'ils soient de sexe masculin ou de sexe féminin, pour fixer le tarif à utiliser afin de déterminer la valeur de rachat et de conversion de certaines rentes d'accidents du travail.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est déclaré que l'exception d'illégalité de l'arrêté du 17 décembre 1954 fixant le tarif à utiliser pour déterminer la valeur de rachat et de conversion de certaines rentes d'accidents du travail, qui modifie l'annexe de l'arrêté du 6 août 1947 relatif à la valeur de rachat ou de conversion de certaines rentes d'accidents du travail, en tant qu'il prévoit un coefficient uniforme pour les assurés sociaux, qu'ils soient de sexe masculin ou de sexe féminin, n'est pas fondée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée à la ministre du travail et au président du tribunal de grande instance de Marseille.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 429423
Date de la décision : 30/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 30 sep. 2019, n° 429423
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP BOUTET-HOURDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:429423.20190930
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