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31/07/2019 | FRANCE | N°429095

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 31 juillet 2019, 429095


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 24 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D...A...B...demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi dirigé contre l'arrêt n° 18PA01397 du 20 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Paris, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étranger

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Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 24 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D...A...B...demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi dirigé contre l'arrêt n° 18PA01397 du 20 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Paris, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, telles qu'interprétées par la jurisprudence du Conseil d'Etat.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 313-11 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Louise Bréhier, auditrice,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de MmeB...,

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Sur le fondement de ces dispositions, Mme B...demande, à l'appui du pourvoi en cassation qu'elle a formé contre l'arrêt du 20 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Paris, que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, telles qu'interprétées par la jurisprudence du Conseil d'Etat.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ". Ces dispositions sont interprétées, en vertu d'une jurisprudence constante, en ce sens que si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. La requérante soutient que ces dispositions, telles qu'interprétées par la jurisprudence du Conseil d'Etat, sont contraires à la liberté individuelle, à la liberté d'aller et venir, au droit de tout Français de résider sur le territoire national, au droit de mener une vie familiale normale et au principe de séparation des pouvoirs garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Toutefois, il est toujours loisible à l'administration, même en l'absence de texte l'y autorisant expressément, de rejeter une demande entachée de fraude à la loi et aucun des principes invoqués ne fait obstacle à ce que l'autorité administrative compétente refuse de délivrer un titre de séjour au parent d'un enfant français lorsqu'il est établi que le lien de filiation revendiqué ou la nationalité française de l'enfant ont été obtenus par fraude. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par MmeTejiona Nguimjio.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 429095
Date de la décision : 31/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 jui. 2019, n° 429095
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Louise Bréhier
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:429095.20190731
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