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31/07/2019 | FRANCE | N°416729

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 31 juillet 2019, 416729


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé à la commission départementale d'aide sociale de Paris de réformer la décision du 29 juillet 2015 par laquelle la présidente du conseil de Paris a mis fin à son droit à la prestation de compensation du handicap à compter du 1er octobre 2015. Par une décision n° 2150556 du 17 juin 2016, la commission départementale d'aide sociale de Paris a annulé la décision du 29 juillet 2015.

Par une décision n° 160486 du 5 juillet 2017, la Commission centrale d'aide sociale, saisie par la présidente du conseil de Paris, après

avoir annulé la décision de la commission départementale d'aide sociale de Par...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé à la commission départementale d'aide sociale de Paris de réformer la décision du 29 juillet 2015 par laquelle la présidente du conseil de Paris a mis fin à son droit à la prestation de compensation du handicap à compter du 1er octobre 2015. Par une décision n° 2150556 du 17 juin 2016, la commission départementale d'aide sociale de Paris a annulé la décision du 29 juillet 2015.

Par une décision n° 160486 du 5 juillet 2017, la Commission centrale d'aide sociale, saisie par la présidente du conseil de Paris, après avoir annulé la décision de la commission départementale d'aide sociale de Paris, a annulé la décision du 29 juillet 2015 et rejeté les conclusions de M. A...tendant à la condamnation du département de Paris à lui verser des dommages et intérêts.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 2017 et 20 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de Paris demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de la décision de la Commission centrale d'aide sociale du 5 juillet 2017 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M.A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du département de Paris, et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., né le 25 avril 1987, bénéficiait de la prestation de compensation du handicap depuis le 1er mai 2007. Par une décision du 19 mai 2015, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de Paris lui a accordé le renouvellement de cette prestation sous ses formes aides humaines, aides techniques, frais spécifiques et surcoût de transport. Par une décision du 29 juillet 2015, la présidente du conseil de Paris a décidé de suspendre le versement de la prestation de compensation du handicap accordée à M. A...à compter du 30 septembre 2015, au motif qu'il ne justifiait pas de la nécessité de suivre des études universitaires à l'étranger plutôt qu'en France. M. A...a obtenu de la commission départementale d'aide sociale de Paris l'annulation de cette décision. Par son pourvoi en cassation, le département de Paris demande l'annulation de l'article 2 de la décision du 5 juillet 2017 par lequel la Commission centrale d'aide sociale, après avoir annulé la décision de la commission départementale d'aide sociale, a également annulé la décision de la présidente du conseil de Paris en date du 29 juillet 2015.

2. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d'une personne en matière d'aide ou d'action sociale, de logement ou au titre des dispositions en faveur des travailleurs privés d'emploi, et sous réserve du contentieux du droit au logement opposable, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d'examiner les droits de l'intéressé, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction. Au vu de ces éléments, il lui appartient d'annuler ou de réformer, s'il y a lieu, cette décision, en fixant alors lui-même tout ou partie des droits de l'intéressé et en le renvoyant, au besoin, devant l'administration afin qu'elle procède à cette fixation pour le surplus, sur la base des motifs de son jugement. Dans le cas d'un contentieux portant sur la prestation de compensation du handicap, c'est au regard des dispositions applicables et de la situation de fait existant au cours de la période en litige que le juge doit statuer.

3. Aux termes du I de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne handicapée résidant de façon stable et régulière en France métropolitaine, dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1 du code de la sécurité sociale ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, dont l'âge est inférieur à une limite fixée par décret et dont le handicap répond à des critères définis par décret prenant notamment en compte la nature et l'importance des besoins de compensation au regard de son projet de vie, a droit à une prestation de compensation qui a le caractère d'une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces (...) ". L'article R. 245-1 du même code dispose que : " Est réputée avoir une résidence stable en France métropolitaine, dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1 du code de la sécurité sociale ou à Saint-Pierre-et-Miquelon la personne handicapée qui y réside de façon permanente et régulière ou accomplit hors de ces territoires : / 1° Soit un ou plusieurs séjours provisoires dont la durée n'excède pas trois mois au cours de l'année civile ; en cas de séjour de plus de trois mois hors de ces territoires, soit de date à date, soit sur une année civile, la prestation de compensation n'est versée que pour les seuls mois civils complets de présence sur ces territoires. En cas de versements ponctuels de cette prestation, le montant total attribué est diminué à due proportion ; toutefois en cas de séjour de moins de six mois hors de ces territoires, cette réduction n'est pas appliquée pour la partie de la prestation concernant les aides techniques et les aménagements de logement ou du véhicule pris en compte en vertu des 2° et 3° de l'article L. 245-3 ; / 2° Soit un séjour de plus longue durée lorsqu'il est justifié que le séjour est nécessaire pour lui permettre soit de poursuivre ses études, soit d'apprendre une langue étrangère, soit de parfaire sa formation professionnelle (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que pour bénéficier de la prestation de compensation du handicap, une personne handicapée doit résider de façon stable et régulière en France métropolitaine ou dans l'une des collectivités qu'elles mentionnent. La personne handicapée a droit au versement sans interruption de cette allocation lorsqu'elle y réside de façon permanente et régulière, lorsqu'elle accomplit hors de ces territoires un ou plusieurs séjours dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile n'excède pas trois mois, ou lorsqu'elle accomplit hors de ces territoires un séjour de plus de trois mois, sous réserve de justifier que ce séjour est nécessaire pour lui permettre soit de poursuivre ses études, soit d'apprendre une langue étrangère, soit de parfaire sa formation professionnelle. Pour apprécier si cette dernière condition est remplie, il y a lieu de tenir compte de toutes les circonstances particulières relatives à la situation de la personne handicapée propres à établir la nécessité pour elle de séjourner à l'étranger compte tenu notamment des possibilités existant sur le territoire français et de la nature des études ou de la formation professionnelle poursuivies.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., dans le cadre d'une reconversion professionnelle, a décidé de suivre un cursus universitaire d'une durée de trente-huit mois en Israël à partir du 1er janvier 2015, afin d'obtenir une licence d'histoire et de cultures du Moyen-Orient. En annulant la décision du 29 juillet 2015 par laquelle la présidente du conseil de Paris a suspendu le versement de la prestation de compensation du handicap qu'il percevait, au motif que les dispositions du code de l'action sociale et des familles ne limitaient pas la durée des études susceptibles d'être poursuivies à l'étranger et que M. A...justifiait de sa volonté de revenir ensuite sur le territoire national, sans rechercher si ce séjour à l'étranger était nécessaire pour lui permettre de poursuivre ses études, la Commission centrale d'aide sociale a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que le département de Paris est fondé à demander l'annulation de l'article 2 de la décision de la Commission centrale d'aide sociale qu'il attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens de son pourvoi.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette mesure, en application de l'article L 821-2 du code de justice administrative.

8. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles L. 245-2 et L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles que si la prestation de compensation du handicap est accordée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, compétente pour apprécier si les besoins de l'adulte handicapé en justifient l'attribution, cette prestation est servie par le département où le demandeur a son domicile de secours ou, à défaut, où il réside. En vertu de l'article L. 241-8 du même code, les décisions du département chargé du paiement de la prestation de compensation sont prises conformément à la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, " sous réserve que soient remplies les conditions d'ouverture du droit aux prestations ". A ce titre, il incombe au département de vérifier que les conditions administratives d'octroi de la prestation, y compris la condition de résidence stable et régulière sur le territoire français posée par l'article L. 245-1 précité, sont réunies. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de Paris du 19 mai 2015, lui accordant le renouvellement de la prestation de compensation du handicap, faisait obstacle à ce que la présidente du conseil de Paris mette fin à son droit à cette prestation.

9. En second lieu, M.A..., qui a souhaité se reconvertir professionnellement à l'âge de 28 ans compte tenu de l'évolution de la maladie à l'origine de son handicap, pour se préparer au métier de journaliste ou de consultant indépendant, a déménagé en Israël en février 2015 afin d'y suivre un cursus de trente-huit mois lui permettant d'obtenir une licence d'histoire et de cultures du Moyen-Orient. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que ce séjour à l'étranger pour y accomplir l'intégralité du cursus envisagé, eu égard à la nature de celui-ci et aux possibilités existant en France, aurait été nécessaire à la poursuite de ses études ou à l'apprentissage d'une langue étrangère. Par suite, la condition de résidence stable qui conditionne le versement de la prestation de compensation du handicap en application de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles n'était pas remplie à la date du 29 juillet 2015. M. A...n'est ainsi pas fondé à demander l'annulation de la décision de la présidente du conseil de Paris suspendant son droit à la prestation de compensation du handicap à compter du 1er octobre 2015.

10. Il y a lieu, en revanche, de renvoyer M. A...devant la Ville de Paris pour que son droit à la prestation de compensation du handicap postérieurement au 1er octobre 2015 et jusqu'à la date de la présente décision soit apprécié au regard du lieu de sa résidence au cours de cette période.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département de Paris, qui n'est pas la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 2 de la décision de la Commission centrale d'aide sociale du 5 juillet 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant la commission départementale d'aide sociale de Paris est rejetée. M. A...est renvoyé devant la Ville de Paris conformément au point 10 de la présente décision.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 par la SCP Gatineau, Fattaccini sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Ville de Paris et à M. B...A....

Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 416729
Date de la décision : 31/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 jui. 2019, n° 416729
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:416729.20190731
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