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24/07/2019 | FRANCE | N°428548

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 24 juillet 2019, 428548


Vu la procédure suivante :

Mme C...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte de suspendre la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de Mayotte a rejeté sa demande du 24 septembre 2018 tendant à sa réintégration, à la reconstitution de sa carrière et au paiement de ses traitements et accessoires de traitement à compter du 1er avril 2018 accompagné des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2018, à la suspension de la procédure d'admission à la retraite engagée par le département de Mayotte à son

encontre, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au président du conseil départ...

Vu la procédure suivante :

Mme C...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte de suspendre la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de Mayotte a rejeté sa demande du 24 septembre 2018 tendant à sa réintégration, à la reconstitution de sa carrière et au paiement de ses traitements et accessoires de traitement à compter du 1er avril 2018 accompagné des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2018, à la suspension de la procédure d'admission à la retraite engagée par le département de Mayotte à son encontre, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au président du conseil départemental de la rétablir dans ses fonctions et de régulariser sa situation administrative et financière. Par une ordonnance n° 1900124 du 31 janvier 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire enregistrés les 1er mars et 1er avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ;

3°) de mettre à la charge du département de Mayotte une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 ;

- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;

- l'ordonnance n° 2012-790 du 31 mai 2012 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- le décret n° 2012-1256 du 13 novembre 2012 ;

- l'arrêté préfectoral n° 77-50/RG du 16 mars 1977 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme A...B...;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er juillet 2019, présentée par Mme A...B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme A... B..., née le 2 octobre 1957, a été intégrée à compter du 1er septembre 2009 dans le cadre d'emploi des agents territoriaux du département de Mayotte au grade d'agent territorial et affiliée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Par un arrêté du 28 novembre 2017, le président du conseil départemental de Mayotte a admis Mme A...B...à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er avril 2018, cette dernière ayant atteint la limite d'âge fixée à soixante ans par l'arrêté préfectoral du 16 mars 1977 portant création et organisation de la caisse de retraite des fonctionnaires et agents des collectivités publiques de Mayotte. Par un courrier du 6 février 2018, Mme A...B...a contesté cette décision et demandé à être admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2021, à l'âge de soixante-trois ans. En l'absence de réponse de la part du conseil départemental de Mayotte, Mme A...B...a réitéré sa demande par un courrier du 24 septembre 2018 et a également demandé sa réintégration au sein des services de la collectivité, ainsi que le paiement rétroactif de ses traitements et accessoires de rémunération à compter du 1er avril 2018. Mme A...B...se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 31 janvier 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision implicite de rejet du président du conseil départemental de Mayotte de ses demandes du 24 septembre 2018, en particulier en tant qu'elle lui refuse une réintégration et maintient la procédure de mise à la retraite d'office engagée à son encontre.

3. D'une part, aux termes de l'article 21 de l'arrêté préfectoral du 16 mars 1977 portant création de la caisse de retraite des fonctionnaires et agents des collectivités publiques de Mayotte : " Les bénéficiaires du présent arrêté ne peuvent prétendre à pension qu'après avoir été préalablement admis à faire valoir leurs droits à la retraite soit d'office soit sur leur demande (...) ". Aux termes de l'article 22 du même arrêté : " I.- Le droit à pension pour ancienneté de service est acquis lorsque se trouve remplie, à la cessation de l'activité, la double condition de cinquante cinq ans d'âge et de trente ans de services effectifs (...) ". Enfin, le 3 de l'article 32 du même arrêté dispose que : " Les agents peuvent bénéficier à leur demande d'une prolongation d'activité de deux ans renouvelable dans la limite de cinq ans ayant pour effet de reculer de 55 à 60 ans la limite d'âge. La demande doit être formulée au moins 3 mois avant la limite d'âge normal de 55 ans (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 64-1 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte : " I. - Sont applicables aux agents de la collectivité départementale, des communes et des établissements publics administratifs de Mayotte, selon les modalités définies ci-après, les dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ainsi que celles : / (...) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale pour les agents exerçant des fonctions ressortissant à la compétence des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de ladite loi. Pour son application, la collectivité départementale de Mayotte est considérée comme étant mentionnée audit article ; (...) ". Aux termes du VII du même article dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 31 mai 2012 le modifiant, les agents de la collectivité de Mayotte intégrés dans la fonction publique territoriale " (...) conservent, à titre personnel, le bénéfice de l'âge auquel ils peuvent liquider leur pension et de la limite d'âge applicables antérieurement à leur affiliation au régime spécial précité sauf s'ils optent pour l'âge d'ouverture des droits et la limite d'âge de leur corps d'intégration ". Aux termes de l'article 14 du décret du 13 novembre 2012 relatif au règlement des droits à pension de retraite des agents publics de Mayotte intégrés ou titularisés dans des corps ou cadres d'emplois des fonctions publiques : " Les agents (...) qui choisissent de ne pas conserver, à titre personnel, le bénéfice de l'âge d'ouverture de leurs droits à pension et la limite d'âge prévus au septième alinéa du VII de l'article 64-1 de la loi du 11 juillet 2001 susvisé doivent faire connaître leur choix au ministre ou à la collectivité dont ils relèvent au moins six mois avant la date à laquelle ils auraient atteint l'âge d'ouverture du droit. / L'option ainsi exercée est irrévocable. Elle doit être formulée par lettre ou par courriel dont il est accusé réception et qui devra figurer au dossier de la proposition de pension ".

5. En premier lieu, après avoir visé les mémoires produits, analysé les moyens invoqués devant lui et cité les dispositions en application desquelles il a statué, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a suffisamment motivé le rejet de la demande de Mme A...B..., présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, en se bornant à énoncer qu'en l'état de l'instruction, aucun des moyens soulevés n'était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

6. En deuxième lieu, il résulte des dispositions citées au point 4 que demeure applicable aux agents de la collectivité de Mayotte intégrés dans la fonction publique territoriale la limite d'âge fixée par l'arrêté du 16 mars 1977 sauf s'ils ont opté, dans les conditions fixées par le décret du 13 novembre 2012, pour l'âge d'ouverture des droits et la limite d'âge de leur corps d'intégration. En jugeant, en l'état de l'instruction, que les moyens invoqués devant lui, tirés de ce que Mme A...B...aurait exercé l'option prévue au VII de l'article 64-1 de la loi du 11 juillet 2001 modifiée et de ce qu'elle ne pouvait dès lors être admise à la retraite avant d'avoir atteint la limite d'âge de son corps d'intégration, n'étaient pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte n'a pas commis d'erreur de droit et s'est livré à une appréciation souveraine des faits de l'espèce. Si Mme A...B...produit, pour la première fois devant le juge de cassation, aux fins d'établir qu'elle aurait exercé l'option en cause, un formulaire qui se présente comme ayant été signé à la date du 15 novembre 2012, cette pièce nouvelle ne peut, en tout état de cause, être utilement invoquée devant le Conseil d'Etat.

7. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que les motifs par lesquels le juge des référés du tribunal administratif a jugé que les moyens invoqués devant lui n'étaient pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée justifient nécessairement, à eux seuls, le rejet de la demande de référé présentée par Mme A...B...sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Si le juge des référés a également fondé sa décision sur des motifs énonçant que la condition d'urgence, également exigée par les dispositions de l'article L. 521-1, n'était pas remplie, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'un tel motif ne peut qu'être regardé comme surabondant. Par suite, les moyens tirés de ce que les motifs écartant la condition d'urgence seraient entachés d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit ne sauraient dès lors, quel qu'en soit le bien-fondé, entraîner l'annulation de l'ordonnance attaquée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme A...B...ne peut qu'être rejeté. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font dès lors obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département de Mayotte, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A...B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme C...B...et au département de Mayotte.

Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics et à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 428548
Date de la décision : 24/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2019, n° 428548
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Aurélien Caron
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:428548.20190724
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