Vu la procédure suivante :
La société Crédit Mutuel Pierre 1 a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie, au titre de l'année 2015, pour un montant de 45 514 euros et, au titre de l'année 2016, pour un montant de 65 340 euros, dans les rôles de la métropole de Lyon pour un ensemble de biens situés sur le territoire de la commune de Lyon. Par une ordonnance n° 1703027 du 25 juin 2018 modifiée par une ordonnance n° 1703027 du 27 juin 2018 du président du tribunal administratif de Lyon, le premier vice-président du tribunal administratif de Lyon a donné acte du désistement de cette demande en application des dispositions du second alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 8 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Crédit Mutuel Pierre 1 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Crédit Mutuel Pierre 1 ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : / 1° Donner acte des désistements (...) ". Aux termes de l'article R. 611-8-1 du même code dans sa version applicable au litige : " Le président de la formation de jugement (...) peut demander à l'une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l'instance en cours, en l'informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d'appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu'elle entend maintenir. / Le président de la formation de jugement (...) peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l'issue duquel, à défaut d'avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l'alinéa précédent, la partie est réputée s'être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d'un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Lyon que la société Crédit Mutuel Pierre 1 l'a saisi, le 11 avril 2017, d'une demande tendant à la décharge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 à raison d'immeubles dont elle est propriétaire à Lyon. La société se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 25 juin 2018 par laquelle le premier vice-président du tribunal administratif de Lyon a, par application du second alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, donné acte de son désistement.
3. A l'occasion de la contestation de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé pour produire un mémoire récapitulatif, il incombe au juge de cassation, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions précitées de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai, enfin que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile. Si les motifs pour lesquels le signataire de l'ordonnance, auquel il incombe de veiller à une bonne administration de la justice, estime qu'il y a lieu de demander à l'une des parties de produire un mémoire récapitulatif ne peuvent être en principe discutés devant le juge de cassation, il appartient néanmoins à ce dernier de censurer l'ordonnance qui lui est déférée dans le cas où il juge, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, qu'il a été fait un usage abusif de la faculté ouverte par l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier du juge du fond que l'administration fiscale a présenté au greffe du tribunal, le 29 novembre 2017, un mémoire en défense dans lequel elle annonçait qu'afin d'obtenir des éléments chiffrés incontestables, elle avait interrogé les services de la métropole de Lyon et qu'un mémoire complémentaire serait prochainement produit. Par un courrier du 2 janvier 2018, notifié par la voie de l'application informatique Télérecours et dont le conseil de la société a accusé réception le lendemain, le premier vice-président du tribunal administratif de Lyon a demandé à la société requérante, sur le fondement du second alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, de produire, dans un délai d'un mois, un mémoire récapitulatif, en précisant, d'une part, que les conclusions et les moyens qui ne seraient pas repris dans ce mémoire seraient réputés abandonnés et, d'autre part, qu'à défaut de production de ce mémoire dans le délai imparti, elle serait réputée s'être désistée de sa requête. Par un courrier du 5 janvier 2018, la société a indiqué au tribunal qu'elle entendait maintenir ses conclusions, et qu'elle produirait son mémoire récapitulatif après la production du mémoire complémentaire annoncé par l'administration fiscale dans son mémoire en défense. Ce mémoire récapitulatif a été enregistré au greffe du tribunal le 9 février 2018, jour de clôture de l'instruction fixé par une ordonnance du 2 janvier 2018 du premier vice-président du tribunal, alors que le mémoire en défense de la métropole de Lyon avait été enregistré le 7 février 2018 et que le second mémoire en défense de l'administration fiscale avait été produit le jour même, à savoir le 9 février 2018.
5. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pu, sans faire un usage abusif de la faculté ouverte par le second alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, donner acte à la société de son désistement par une ordonnance du 25 juin 2018, faute pour cette dernière d'avoir produit le mémoire récapitulatif demandé dans un délai d'un mois. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, l'ordonnance donnant acte de son désistement doit être annulée.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Crédit Mutuel Pierre 1 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 25 juin 2018 du premier vice-président du tribunal administratif de Lyon modifiée par l'ordonnance du 27 juin 2018 du président du tribunal administratif de Lyon est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lyon.
Article 3 : L'Etat versera à la société Crédit Mutuel Pierre 1 une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Crédit Mutuel Pierre 1 et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la métropole de Lyon.