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24/07/2019 | FRANCE | N°419598

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 24 juillet 2019, 419598


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 4 novembre 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier des Vosges a rejeté leur contestation relative au compte 580 concernant l'attribution de la parcelle A n° 16, située sur la commune de Deyvillers. Par jugement n° 1501175 du 28 février 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17NC00799 du 8 février 2018, la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir annulé le jugement du 28 février 2

017 sur la requête des épouxB..., a rejeté leur demande de première instance...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 4 novembre 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier des Vosges a rejeté leur contestation relative au compte 580 concernant l'attribution de la parcelle A n° 16, située sur la commune de Deyvillers. Par jugement n° 1501175 du 28 février 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17NC00799 du 8 février 2018, la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir annulé le jugement du 28 février 2017 sur la requête des épouxB..., a rejeté leur demande de première instance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 6 avril 2018, 6 juillet 2018, 10 avril 2019 et 24 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les époux B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge du département des Vosges la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure civile ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. et Mme B...et à Me Balat, avocat du département des Vosges.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'occasion d'une opération d'aménagement foncier sur le territoire de la commune de Longchamp, M. et Mme B...ont, d'une part, saisi le tribunal de grande instance d'Epinal pour se voir reconnaître propriétaires de la parcelle cadastrée A16, d'autre part, saisi la commission départementale d'aménagement foncier des Vosges d'une réclamation fondée, notamment, sur la circonstance que cette parcelle aurait dû être prise en compte dans leurs apports au titre du compte de propriété n° 580. La commission départementale d'aménagement foncier a rejeté leur demande par une décision du 4 novembre 2014. Par un jugement du 28 février 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. et Mme B...tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit sursis à statuer au fond sur leur réclamation dans l'attente de l'intervention du juge judiciaire. M. et Mme B...demandent l'annulation de l'arrêt du 8 février 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement et rejeté au fond la demande de première instance en se fondant sur un jugement du 9 novembre 2017 du tribunal de grande instance d'Epinal déniant à Mme B...la qualité de propriétaire de la parcelle A16.

2. Aux termes de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative : " Postérieurement à la clôture de l'instruction ordonnée en application de l'article précédent, le président de la formation de jugement peut inviter une partie à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l'instruction. Cette demande, de même que la communication éventuelle aux autres parties des éléments et pièces produits, n'a pour effet de rouvrir l'instruction qu'en ce qui concerne ces éléments ou pièces ".

3. Il ressort des pièces du dossier transmis par la cour administrative d'appel de Nancy que, par une ordonnance du 16 octobre 2017, le président de la 1ère chambre de cette cour a initialement fixé la clôture de l'instruction au 2 novembre 2017. Puis, par un courrier du 12 décembre 2017, il a invité les parties, dans les conditions prévues par l'article R. 613-1-1 précité du code de justice administrative, à produire le jugement du 9 novembre 2017 par lequel le tribunal de grande instance d'Epinal s'était prononcé sur le litige relatif à la propriété de la parcelle litigieuse. Cette invitation ayant eu pour effet de rouvrir l'instruction en ce concernait le jugement, il était loisible aux parties d'en discuter la portée. Faisant usage de cette faculté, M. et Mme B... ont produit le 10 janvier 2018, avant la nouvelle clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience du 18 janvier en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, un mémoire par lequel ils justifiaient avoir formé le même jour un appel contre le jugement du 9 novembre 2017 et déclaraient maintenir leurs conclusions tendant à ce que la cour sursoie à statuer dans l'attente d'une décision définitive du juge judiciaire sur la question de propriété. L'arrêt attaqué, qui vise ce mémoire sans l'analyser bien que l'instruction ait été rouverte sur ce point, annule le jugement du tribunal administratif de Nancy, retient que l'intervention du jugement du 9 novembre 2017 du tribunal de grande instance d'Epinal prive d'objet les conclusions aux fins de sursis à statuer de M. et Mme B...et se fonde sur ce jugement pour rejeter la demande d'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier. En se prononçant ainsi, alors, d'une part, qu'elle ne pouvait se fonder sur le jugement civil par lequel le juge judiciaire avait déterminé la propriété de la parcelle en cause sans vérifier que celui-ci n'avait pas fait l'objet d'un appel suspensif et qu'il avait acquis un caractère définitif, d'autre part, qu'il lui appartenait de prendre parti sur les justificatifs relatifs à l'exercice d'un appel contre ce jugement qui avaient été valablement produits par les intéressés, la cour a commis une erreur de droit et insuffisamment motivé son arrêt. Celui-ci doit, par suite, être annulé.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour mettre à la charge du département des Vosges la somme de 2 000 euros à verser à M. et MmeB....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 8 février 2018 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : Le département des Vosges versera la somme de 2 000 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à Mme C...B...et au département des Vosges.


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 419598
Date de la décision : 24/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - INSTRUCTION - POUVOIRS GÉNÉRAUX D'INSTRUCTION DU JUGE - CLÔTURE DE L'INSTRUCTION - JUGE INVITANT UNE PARTIE À PRODUIRE DES ÉLÉMENTS OU PIÈCES EN VUE DE COMPLÉTER L'INSTRUCTION - POSTÉRIEUREMENT À LA CLÔTURE DE CELLE-CI (ART - L - 613-1-1 CJA) - CONSÉQUENCE - RÉOUVERTURE DE L'INSTRUCTION SUR CE POINT - 1) POSSIBILITÉ - POUR LES PARTIES - DE DISCUTER LA PORTÉE DE CES ÉLÉMENTS OU PIÈCES - 2) OBLIGATION - POUR LE JUGE - DE RÉPONDRE AUX MOYENS AINSI SOULEVÉS.

54-04-01-05 1) La mesure par laquelle le président de la formation de jugement invite, sur le fondement de l'article L. 613-1-1 du code de justice administrative (CJA), l'une des parties à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l'instruction postérieurement à la clôture de celle-ci a pour effet de rouvrir l'instruction en ce qui concerne ces éléments. Il est alors loisible aux parties d'en discuter la portée avant la nouvelle clôture de l'instruction sur ce point.... ,,2) Par suite, il appartient au juge d'analyser un mémoire ainsi produit pour discuter la portée de ces éléments et de se prononcer, à peine d'irrégularité de sa décision, sur les moyens valablement soulevés par les parties.

PROCÉDURE - INSTRUCTION - CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA PROCÉDURE - JUGE INVITANT UNE PARTIE À PRODUIRE DES ÉLÉMENTS OU PIÈCES EN VUE DE COMPLÉTER L'INSTRUCTION POSTÉRIEUREMENT À LA CLÔTURE DE CELLE-CI (ART - L - 613-1-1 CJA) - CONSÉQUENCE - RÉOUVERTURE DE L'INSTRUCTION SUR CE POINT - 1) POSSIBILITÉ - POUR LES PARTIES - DE DISCUTER LA PORTÉE DE CES ÉLÉMENTS OU PIÈCES - 2) OBLIGATION - POUR LE JUGE - DE RÉPONDRE AUX MOYENS AINSI SOULEVÉS.

54-04-03 1) La mesure par laquelle le président de la formation de jugement invite, sur le fondement de l'article L. 613-1-1 du code de justice administrative (CJA), l'une des parties à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l'instruction postérieurement à la clôture de celle-ci a pour effet de rouvrir l'instruction en ce qui concerne ces éléments. Il est alors loisible aux parties d'en discuter la portée avant la nouvelle clôture de l'instruction sur ce point.... ,,2) Par suite, il appartient au juge d'analyser un mémoire ainsi produit pour discuter la portée de ces éléments et de se prononcer, à peine d'irrégularité de sa décision, sur les moyens valablement soulevés par les parties.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - CHOSE JUGÉE - CHOSE JUGÉE PAR LA JURIDICTION JUDICIAIRE - CHOSE JUGÉE PAR LE JUGE CIVIL - JUGE ADMINISTRATIF SE FONDANT SUR UN JUGEMENT NON DÉFINITIF DU JUGE CIVIL [RJ1] - ERREUR DE DROIT.

54-06-06-02-01 Commet une erreur de droit la cour qui fonde sa décision sur un jugement d'un tribunal de grande instance sans vérifier que celui-ci n'avait pas fait l'objet d'un appel suspensif et ne présentait ainsi un caractère définitif.


Références :

[RJ1]

Rappr., sur la nécessité, pour le juge administratif ayant renvoyé une question préjudicielle, d'attendre que la question soit définitivement tranchée par l'autorité judiciaire, CE, 28 juillet 2000,,, n° 212866, p. 338. Comp., pour le cas particulier d'un jugement judiciaire qui ne deviendrait pas définitif en temps utile pour l'instance administrative, CE, 23 juillet 2003, Syndicat Sud travail et autres, n°s 228361 228545 228606 229013 229867 229925 229926 229940 229947 229966 229967, p. 343.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2019, n° 419598
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP DE NERVO, POUPET ; BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:419598.20190724
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