Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars et 2 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Laboratoire de rhumatologie appliquée demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 31 janvier 2018 par laquelle le ministre de l'action et des comptes publics et la ministre des solidarités et de la santé ont implicitement rejeté sa demande d'inscription du dispositif médical " Happyvisc " sur la liste des produits et prestations remboursables mentionnée à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;
2°) d'enjoindre aux ministres compétents, à titre principal, d'inscrire le dispositif médical " Happyvisc " sur cette liste, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande d'inscription dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à venir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la société Laboratoire de rhumatologie appliquée ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 165-1 du code de sécurité sociale : " Le remboursement par l'assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel (...) est subordonné à leur inscription sur une liste établie après avis d'une commission de la Haute Autorité de santé mentionnée à l'article L. 161-37. L'inscription est effectuée soit par la description générique de tout ou partie du produit concerné, soit sous forme de marque ou de nom commercial. (...) ". L'article R. 165-1 du même code précise que cette liste est établie par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la santé après avis d'une commission spécialisée de la Haute Autorité de santé dénommée " commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé ". Aux termes de l'article R. 165-8 du même code : " Les décisions relatives (...) à l'inscription ou à la modification de l'inscription d'un produit ou d'une prestation sur la liste prévue à l'article L. 165-1 (...) sont prises et communiquées dans un délai de cent quatre-vingt jours à compter de la réception de la demande présentée par le fabricant ou le distributeur. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 165-16 de ce code : " Les décisions portant refus d'inscription sur la liste prévue à l'article L. 165-1 (...) doivent, dans la notification au fabricant ou distributeur, être motivées et mentionner les voies et délais de recours qui leur sont applicables ".
2. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier reçu le 4 août 2017, la société Laboratoire de rhumatologie appliquée a demandé l'inscription du dispositif médical " Happyvisc ", gel viscoélastique d'acide hyaluronique et de mannitol pour injections intra-articulaires, sur la liste des produits et prestations remboursables mentionnée à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, avec pour indication le traitement symptomatique de la gonarthrose de stade radiologique inférieur à 3 après échec des antalgiques et échec ou intolérance aux anti-inflammatoires non stéroïdiens chez des sujets non obèses. En l'absence de réponse dans le délai de cent quatre-vingt jours prévu à l'article R. 165-8 précité du code de la sécurité sociale, une décision implicite de rejet est née le 31 janvier 2018. Toutefois, la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé a rendu son avis le 20 février 2018 et, le 9 avril 2018, la ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'action et des comptes publics ont pris une décision expresse de rejet de cette demande, en faisant part de leur choix de suivre l'avis de la commission, qui avait été communiqué à la société, et de ne pas inscrire le dispositif en cause, en application de l'article R. 165-2 du code de la sécurité sociale, en raison d'un service attendu insuffisant. Les conclusions de la société requérante tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d'inscription doivent ainsi être regardées comme étant dirigées contre cette seconde décision, qui s'est substituée à la première. Par suite, les moyens tirés de l'absence de motivation de la décision litigieuse et de l'irrégularité de la procédure faute d'avis préalable de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé manquent en fait.
3. Aux termes de l'article R. 165-2 du code de la sécurité sociale : " Les produits ou les prestations mentionnés à l'article L. 165-1 sont inscrits sur la liste prévue audit article au vu de l'appréciation du service qui en est attendu. / Le service attendu est évalué, dans chacune des indications du produit ou de la prestation et, le cas échéant, par groupe de population en fonction des deux critères suivants : / 1° L'intérêt du produit ou de la prestation au regard, d'une part, de son effet thérapeutique, diagnostique ou de compensation du handicap ainsi que des effets indésirables ou des risques liés à son utilisation, d'autre part, de sa place dans la stratégie thérapeutique, diagnostique ou de compensation du handicap compte tenu des autres thérapies ou moyens de diagnostic ou de compensation disponibles ; / 2° Son intérêt de santé publique attendu, dont notamment son impact sur la santé de la population, en termes de mortalité, de morbidité et de qualité de vie, sa capacité à répondre à un besoin thérapeutique, diagnostique ou de compensation du handicap non couvert, eu égard à la gravité de la pathologie ou du handicap, son impact sur le système de soins et son impact sur les politiques et programmes de santé publique. / (...) / Les produits ou prestations dont le service attendu est insuffisant pour justifier l'inscription au remboursement ne sont pas inscrits sur la liste ".
4. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la majorité des évaluations technologiques et recommandations professionnelles ainsi que les méta-analyses disponibles font ressortir un effet symptomatique faible des injections d'acide hyaluronique sur la douleur et la gêne fonctionnelle dans le traitement de la gonarthrose. D'autre part, l'étude de non-infériorité comparant le dispositif Happyvisc avec un autre acide hyaluronique, dont le service rendu a été regardé en 2017 comme insuffisant pour justifier le maintien de son remboursement, fait apparaître des résultats similaires dans les groupes traités avec les deux dispositifs. La société fait en outre valoir que son dispositif comprend de l'acide hyaluronique associé à du mannitol, qui a des propriétés anti-oxydantes permettant de protéger l'acide hyaluronique de la dégradation après son injection, et qu'elle demande son remboursement dans une indication limitée aux patients pour lesquels la réponse est la meilleure. Toutefois, elle se prévaut seulement d'études in vitro et d'analyses statistiques des résultats de l'étude de non-infériorité mentionnée ci-dessus, non prévues à son protocole, qui, pour l'une, montrent une action plus rapide du viscosupplément contenant du mannitol mais l'absence de différence d'efficacité à six mois et, pour l'autre, se borne à faire apparaître une association significative de l'obésité et de la sévérité radiologique à l'échec de la viscosupplémentation. Au vu de l'ensemble de ces éléments, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ont pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer que le service attendu par le dispositif médical Happyvisc était insuffisant pour justifier son inscription au remboursement.
5. Il résulte de ce qui précède que la société Laboratoire de rhumatologie appliquée n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque.
6. Il suit de là que les conclusions de la société requérante aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Laboratoire de rhumatologie appliquée est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Laboratoire de rhumatologie appliquée et à la ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics et à la Haute Autorité de santé.