Vu la procédure suivante :
Par une décision du 17 octobre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi du département du Bas-Rhin dirigées contre l'arrêt n° 13NC00961 du 14 novembre 2017 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires relatives à la prolongation de la location des installations de chantier et à la mise en place de costières.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat du département du Bas-Rhin, à la SCP Boulloche, avocat de la société Bernard Ropa ACHR et de la société Toa Architectes, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société OTE Ingenierie et à la SCP Ortscheidt, avocat de la société C2BI ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'en 2001, le département du Bas-Rhin a confié la maîtrise d'oeuvre d'un bâtiment destiné à accueillir les nouvelles archives départementales à un groupement solidaire constitué des sociétés Bernard Ropa ACHR, Toa Architectes, OTE Ingénierie et C2BI. Le lot " chauffage-ventilation-climatisation " a été attribué à la société Axima. La mission " ordonnancement-pilotage-coordination " a été confiée à la société C2BI. Des difficultés relatives notamment à la régulation de la température et de l'hygrométrie étant apparues, le département a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner les constructeurs, sur le fondement de leur responsabilité contractuelle, à l'indemniser des préjudices résultant des dysfonctionnements constatés. Par un jugement du 21 mars 2013, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Sur appel du département du Bas-Rhin, la cour administrative d'appel de Nancy a, par un arrêt du 14 novembre 2017, en premier lieu, condamné solidairement les sociétés Bernard Ropa ACHR, Toa Architectes, OTE Ingénierie et C2BI à verser à ce département la somme de 530 292,08 euros, en deuxième lieu, condamné solidairement les sociétés Bernard Ropa ACHR, Toa Architectes, OTE Ingénierie, C2BI et la société Axima, à verser au département la somme de 134 524,91 euros et, en dernier lieu, rejeté le surplus des conclusions du département. Par une décision du 17 octobre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi principal du département du Bas-Rhin dirigées contre cet arrêt en tant seulement qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires relatives à la prolongation de la location des installations de chantier et à la mise en place de costières. Les sociétés Axima et OTE Ingénierie ont formé un pourvoi incident à l'encontre de l'arrêt attaqué.
Sur le pourvoi principal :
En ce qui concerne le préjudice consécutif à la prolongation de la location des installations de chantier :
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le département du Bas-Rhin a justifié du coût de la prolongation de la location des installations de chantier par la production de documents attestant qu'il avait commandé des prestations liées à la fermeture provisoire du chantier pendant plusieurs mois. Par suite, en jugeant que le département ne démontrait pas la réalité de son préjudice à ce titre, la cour administrative d'appel de Nancy a entaché son arrêt de dénaturation.
En ce qui concerne le préjudice consécutif à la mise en place d'un dispositif d'étanchéité :
3. Le juge qui reconnait la responsabilité de l'administration et ne met pas en doute l'existence d'un préjudice ne peut, sans méconnaître son office ni commettre une erreur de droit, rejeter les conclusions indemnitaires dont il est saisi en se bornant à relever que les modalités d'évaluation du préjudice proposées par la victime ne permettent pas d'en établir l'importance et de fixer le montant de l'indemnisation. Il lui appartient d'apprécier lui-même le montant de ce préjudice, en faisant usage, les cas échéant de ses pouvoirs d'instruction.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les conclusions présentées par le département du Bas-Rhin tendant à l'indemnisation du coût de mise en place d'un dispositif d'étanchéité au seul motif qu'il ne justifiait pas " avec une précision suffisante le montant des travaux correspondant " à ce chef de préjudice. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de fixer elle-même le montant de l'indemnisation, dès lors qu'elle ne mettait pas en doute l'existence du préjudice subi par le département, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que le département du Bas-Rhin est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires relatives à la prolongation de la location des installations de chantier et à la mise en place d'un dispositif d'étanchéité.
Sur le pourvoi incident de la société Axima :
6. La société Axima s'est désistée de son pourvoi incident. Ce désistement étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
Sur le pourvoi incident de la société OTE Ingénierie :
7. C'est par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, que la cour a jugé, en se fondant sur le rapport d'expertise, que le taux de porosité du mur de briques permettant d'assurer une diffusion de l'air à basse vitesse conforme aux spécifications techniques devait être fixé à 6 %, et non à 20 %, taux retenu par le groupement de maîtrise d'oeuvre.
8. En jugeant que la mise en oeuvre d'une gaine de soufflage était nécessaire pour assurer la modification du système de diffusion de l'air, compte tenu de l'inutilité du mur de briques perforées initialement réalisé, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas condamné le groupement de maîtrise d'oeuvre à verser au département du Bas-Rhin une somme excédant le préjudice que celui-ci avait subi et n'a entaché son arrêt, qui est suffisamment motivé sur ce point, ni d'erreur de droit ni de dénaturation.
9. En jugeant implicitement mais nécessairement que le département du Bas-Rhin n'avait commis aucune faute de nature à exonérer le groupement de maîtrise d'oeuvre de sa responsabilité, la cour n'a pas dénaturé les faits ni commis d'erreur de droit et, eu égard à l'argumentation des parties devant elle, n'a pas entaché son arrêt d'insuffisance de motivation.
10. Enfin, en se fondant sur la circonstance que la société Axima avait modifié le concept retenu par la maîtrise d'oeuvre et installé des refroidisseurs de moindre puissance, éléments susceptibles d'avoir eu une incidence sur le contrôle de l'humidité des magasins, pour estimer que le groupement de maîtrise d'oeuvre avait manqué à son obligation de surveillance de l'exécution des travaux, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit.
11. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le département du Bas-Rhin, que le pourvoi incident de la société OTE Ingénierie doit être rejeté.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée.
Sur le règlement au fond du litige :
13. Il résulte de l'instruction, notamment des éléments produits par le département du Bas-Rhin, que le coût de la prolongation de la location des installations de chantier, causée par les fautes des constructeurs, s'élève à la somme de 12 069,27 euros TTC. Il y a lieu, par suite, de porter le montant de la condamnation prononcée par la cour administrative d'appel de Nancy à l'article 3 de son arrêt à la somme de 146 594,18 euros.
14. Il résulte également de l'instruction que le département du Bas-Rhin démontre que le montant des travaux supplémentaires nécessaires à la mise en place d'un dispositif d'étanchéité, rendus nécessaires par la faute du groupement de maîtrise d'oeuvre dans la surveillance des travaux prévus au marché, s'élève à la somme de 1 919,58 euros TTC. Il suit de là que le montant de la condamnation prononcée par la cour administrative d'appel de Nancy à l'article 2 de son arrêt doit être porté à la somme de 532 211,66 euros.
Sur les frais du litige :
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il est donné acte du désistement du pourvoi incident de la société Axima.
Article 2 : L'arrêt du 14 novembre 2017 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions du département du Bas-Rhin relatives à la prolongation de la location des installations de chantier et à la mise en place d'un dispositif d'étanchéité.
Article 3 : Le pourvoi incident de la société OTE Ingénierie est rejeté.
Article 4 : La somme que les sociétés C2BI, Bernard Ropa ACHR, Toa Architectes et OTE Ingénierie ont été solidairement condamnées à verser au département du Bas-Rhin à l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy est portée à 532 211,66 euros.
Article 5 : La somme que les sociétés C2BI, Bernard Ropa ACHR, Toa Architectes, OTE Ingénierie et Axima ont été solidairement condamnées à verser au département du Bas-Rhin à l'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy est portée à 146 594,18 euros.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée au département du Bas-Rhin, à la société Axima, à la société C2BI, à la société Bernard Ropa ACHR, à la société Toa architectes et à la société OTE Ingénierie.