La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2019 | FRANCE | N°417177

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 12 juillet 2019, 417177


Vu la procédure suivante :

L'association " Sans nature pas de futur ", M. F...B..., M. et Mme E...C..., M. G...et M. A...D...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 août 2011 par lequel le préfet de l'Isère a autorisé la société Chimirec Centre Est à exploiter une plate-forme de tri, transit, regroupement et prétraitement de déchets industriels dangereux dans la commune de Bouvesse-Quirieu. Par un jugement n° 1201241 du 28 avril 2015, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15LY02148 du 9 novembre 2017,

la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de l'association " Sans ...

Vu la procédure suivante :

L'association " Sans nature pas de futur ", M. F...B..., M. et Mme E...C..., M. G...et M. A...D...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 août 2011 par lequel le préfet de l'Isère a autorisé la société Chimirec Centre Est à exploiter une plate-forme de tri, transit, regroupement et prétraitement de déchets industriels dangereux dans la commune de Bouvesse-Quirieu. Par un jugement n° 1201241 du 28 avril 2015, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15LY02148 du 9 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de l'association " Sans nature pas de futur ", ajouté aux prescriptions applicables à la société Chimirec Centre Est pour l'exploitation de cette installation, annexées à l'arrêté du 18 août 2011, un article supplémentaire imposant à l'exploitant la pose d'une géomembrane sous le terrain d'assiette de l'exploitation mais rejeté le surplus de ses conclusions d'appel.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier et 9 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Sans nature pas de futur " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions d'appel ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de l'association " Sans nature pas de futur ", et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société Chimirec Centre Est ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 juin 2019, présentée par l'association " Sans nature pas de futur " ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 18 août 2011, le préfet de l'Isère a autorisé la société Chimirec Centre Est à exploiter une plate-forme de tri, transit, regroupement et prétraitement de déchets industriels dangereux sur le territoire de la commune de Bouvesse-Quirieu. Par un jugement du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de l'association " Sans nature pas de futur " et autres tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 9 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a ajouté aux prescriptions applicables à l'exploitant un article supplémentaire lui imposant la pose d'une géomembrane sous le terrain d'assiette de l'exploitation mais rejeté le surplus des conclusions d'appel de l'association, qui se pourvoit en cassation dans la mesure où la cour administrative d'appel n'a pas fait droit à son appel.

2. En premier lieu, l'article R. 512-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable en l'espèce, prévoit que toute demande de mise en service d'une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation doit être accompagnée, notamment, de l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 du même code et dont le contenu est défini par les dispositions de l'article R. 512-8 de ce code. Le II de l'article R. 512-6 précise, en outre, que " les études et documents prévus au présent article portent sur l'ensemble des installations ou équipements exploités ou projetés par le demandeur qui, par leur proximité ou leur connexité avec l'installation soumise à autorisation, sont de nature à en modifier les dangers ou inconvénients ".

3. D'une part, devant les juges du fond, les requérants ont soutenu que l'étude d'impact ne satisfaisait pas à ces exigences, faute de prendre en compte les risques de la plate-forme de tri cumulés avec ceux résultant de la présence d'une cimenterie à proximité. Pour écarter ce moyen, la cour a relevé que l'étude d'impact identifiait la présence de cette installation, située à 440 mètres du lieu d'implantation du projet litigieux, et a estimé qu'il ne résultait pas de l'instruction qu'elle entraînerait des risques supplémentaires pour le voisinage et l'environnement, s'agissant de l'environnement sonore comme des risques d'incendie, nonobstant la possibilité d'un lien fonctionnel entre les deux installations. Dès lors, il ne saurait être reproché à la cour d'avoir refusé de tenir compte, pour examiner la complétude de l'étude d'impact, de l'éventuelle incidence de la présence à proximité d'une cimenterie sur l'appréciation des risques induits par l'installation autorisée.

4. D'autre part, il résulte des termes mêmes du II de l'article R. 512-6 du code de l'environnement, alors en vigueur, qu'il n'aurait été nécessaire de fournir une étude d'impact et une étude de dangers portant également sur la cimenterie que si celle-ci avait été exploitée par le demandeur lui-même. Dès lors qu'il résulte de façon constante des éléments du dossier soumis aux juges du fond que tel n'était pas le cas, la cour a pu, sans insuffisance de motivation, s'abstenir de répondre à cette critique de l'étude d'impact, qui était inopérante. Les moyens tirés de ce que la cour aurait entaché son arrêt d'erreur de droit au regard du II de l'article R. 512-6 ne peuvent, de même, qu'être écartés comme inopérants.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'article L. 122-1 du code de l'environnement que l'objet de l'étude d'impact est d'évaluer les incidences des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagement sur l'environnement et la santé humaine. Le I de l'article R. 512-8 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que " le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 ". Le 3° du II du même article précise que l'étude d'impact doit présenter " les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, le projet a été retenu parmi les solutions envisagées. Ces solutions font l'objet d'une description succincte ". Pour écarter le moyen de l'association soutenant que d'autres emplacements auraient été préférables au site retenu, la cour a relevé que l'association ne faisait état d'aucune préoccupation environnementale qui aurait dû conduire le préfet à privilégier un autre site d'implantation ; en statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

6. En troisième lieu, la cour, qui n'était pas tenue de répondre à l'ensemble des arguments développés devant elle, a suffisamment motivé sa décision, eu égard à la teneur des écritures dont elle était saisie, s'agissant de la prise en compte des nuisances sonores.

7. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Les dispositions de l'article L. 511-2 du même code prévoient que les installations visées à l'article L. 511-1, qui sont définies dans la nomenclature des installations classées établie par décret en Conseil d'Etat, sont soumises à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation. La police des installations classées, régies par ces dispositions du code de l'environnement, et celle de l'urbanisme sont indépendantes, sous réserve des cas où il en est expressément disposé autrement par le législateur.

8. D'une part, l'ancien article L. 122-1-15 du code de l'urbanisme, aujourd'hui repris en substance à l'article L. 142-1 du même code, prévoit que " les opérations foncières et les opérations d'aménagement définies par décret en Conseil d'Etat " sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale, l'article R. 122-5 de ce code, dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 142-1, disposant que les opérations foncières et les opérations d'aménagement mentionnées par les dispositions précitées comprennent notamment " les constructions soumises à autorisations, lorsque ces opérations ou constructions portent sur une surface de plancher de plus de 5 000 mètres carrés ". Toutefois, il ne résulte pas de ces dispositions, qui concernent les opérations foncières et d'aménagement autorisées au titre de la police de l'urbanisme, que les autorisations délivrées au titre de la police des installations classées pour la protection de l'environnement soient au nombre des décisions administratives qui doivent être compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale.

9. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte : " Les décisions prises en application des articles L. 512-7-3 à L. 512-7-5, L. 512-8, L. 512-12, L. 512-13, L. 512-20, L. 513-1, L. 514-4, du I de l'article L. 515-13 et de l'article L. 516-1 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. / Par exception, la compatibilité d'une installation classée avec les dispositions d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'une carte communale est appréciée à la date de l'autorisation, de l'enregistrement ou de la déclaration. / (...) ".

10. En vertu du premier alinéa de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme, devenu son article L. 152-1, le règlement et les documents graphiques du plan d'occupation des sols ou du plan local d'urbanisme qui lui a succédé sont opposables à l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan.

11. Si le législateur a prévu, en ajoutant par la loi du 17 août 2015 un deuxième alinéa au I de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, que, lorsqu'est en cause la légalité d'une décision relative à la police des installations classées au regard d'un des documents d'urbanisme visés à l'article L. 123-5, devenu l'article L. 152-1, du code de l'urbanisme, le juge doit se fonder, par exception au régime du contentieux de pleine juridiction dont relèvent en principe ces décisions, sur l'état du droit en vigueur à la date de cette décision, y compris s'agissant du schéma de cohérence territoriale si la compatibilité du plan local d'urbanisme avec ce schéma est contestée devant lui, il n'a, en revanche, pas entendu étendre aux installations classées pour la protection de l'environnement la liste des opérations qui doivent être directement compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale. Par suite, en écartant comme inopérant le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux, qui est pris au titre de la police des installations classées, serait incompatible avec le document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale de la Boucle du Rhône en Dauphiné, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une erreur de droit.

12. Il résulte de ce qui précède que l'association " Sans nature pas de futur " n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être rejetées.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association " Sans nature pas de futur " la somme de 3 000 euros à verser à la société Chimirec Centre Est en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'association " Sans nature pas de futur " est rejeté.

Article 2 : L'association " Sans nature pas de futur " versera à la société Chimirec Centre Est une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association " Sans nature pas de futur " et à la société Chimirec Centre Est.

Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la commune de Bouvesse-Quirieu.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 417177
Date de la décision : 12/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2019, n° 417177
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coralie Albumazard
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER ; SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:417177.20190712
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award