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08/07/2019 | FRANCE | N°422162

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 08 juillet 2019, 422162


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 15 avril 2016 par laquelle le président du conseil départemental de l'Isère a confirmé la récupération d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 3 980,98 euros pour la période de mai 2014 à octobre 2015, de le décharger de l'indu et de le rétablir dans ses droits au revenu de solidarité active à compter du mois de février 2016. Par un jugement n° 1603142 du 28 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

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un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enre...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 15 avril 2016 par laquelle le président du conseil départemental de l'Isère a confirmé la récupération d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 3 980,98 euros pour la période de mai 2014 à octobre 2015, de le décharger de l'indu et de le rétablir dans ses droits au revenu de solidarité active à compter du mois de février 2016. Par un jugement n° 1603142 du 28 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 juillet 2018, 17 septembre 2018 et 22 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la caisse d'allocations familiales de l'Isère, du département de l'Isère et de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à la SCP Delamarre, Jéhannin, son avocat, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 5 mai 2014 fixant les conditions d'agrément des agents et des praticiens-conseils chargés du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thibaut Félix, auditeur,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M. B...et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département de l'Isère ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite d'un contrôle diligenté le 27 octobre 2015, ayant donné lieu à un rapport d'enquête établi le 16 novembre 2015, la caisse d'allocations familiales de l'Isère a réclamé à M.B..., le 16 décembre 2015, un indu de 3 980,98 euros au titre du revenu de solidarité active versé au cours de la période de mai 2014 à octobre 2015. Par un jugement du 28 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté demande de M. B...tendant à l'annulation de la décision du 15 avril 2016 par laquelle le président du conseil départemental de l'Isère a, sur son recours administratif préalable, confirmé la récupération de cet indu. M. B...se pourvoit en cassation contre ce jugement.

2. L'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles dispose que les organismes chargés du versement du revenu de solidarité active " réalisent les contrôles relatifs au revenu de solidarité active selon les règles, procédures et moyens d'investigation applicables aux prestations de sécurité sociale ". Selon l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale, les directeurs des caisses d'allocations familiales " sont tenus, lorsqu'ils ont connaissance d'informations ou de faits pouvant être de nature à constituer une fraude, de procéder aux contrôles et enquêtes nécessaires. (...) ". Aux termes de l'article L. 114-10 du même code, ils " confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations (...). Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire (...) ". Les conditions d'agrément des agents chargés du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale ont été définies, en dernier lieu, par un arrêté du 5 mai 2014 de la ministre des affaires sociales et de la santé, dont il résulte notamment que l'agrément est attribué, suspendu ou retiré par le directeur de la caisse nationale à la demande du directeur de la caisse locale et qu'il est automatiquement suspendu en cas de suspension du contrat de travail de l'agent ou d'affectation sur un nouvel emploi sans fonction de contrôle et retiré en cas de rupture du contrat de travail de l'agent, sauf dans le cas d'une mobilité au sein du réseau des organismes de la même branche.

3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les contrôles portant sur les déclarations des bénéficiaires du revenu de solidarité active ne peuvent être conduits que par des agents assermentés et agréés, chargés d'une telle mission par le directeur de la caisse d'allocations familiales assurant le service de cette prestation. Il en résulte également que l'agrément d'un agent établit que celui-ci est affecté à un emploi comportant une mission de contrôle, dont il a été chargé par le directeur de la caisse d'allocations familiales qui l'emploie. Par suite, en relevant, pour écarter le moyen par lequel M. B... soutenait que l'agent qui avait conduit le contrôle de sa situation le 27 octobre 2015 et avait établi son rapport le 16 novembre 2015 ne justifiait pas de son habilitation, que ce rapport avait été établi par une personne qui avait la qualité de contrôleur de la caisse d'allocations familiales de l'Isère et dont le département de l'Isère avait produit l'agrément et l'assermentation, le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement et n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre ". Aux termes de l'article R. 262-5 du même code : " Pour l'application de l'article L. 262-2, est considérée comme résidant en France la personne qui y réside de façon permanente ou qui accomplit hors de France un ou plusieurs séjours dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile n'excède pas trois mois. Les séjours hors de France qui résultent des contrats mentionnés aux articles L. 262-34 ou L. 262-35 ou du projet personnalisé d'accès à l'emploi mentionné à l'article L. 5411-6-1 du code du travail ne sont pas pris en compte dans le calcul de cette durée. / En cas de séjour hors de France de plus de trois mois, l'allocation n'est versée que pour les seuls mois civils complets de présence sur le territoire ". Il résulte de ces dispositions que la personne qui remplit les conditions pour bénéficier de l'allocation de revenu de solidarité active en conserve le bénéfice, lorsqu'elle effectue des séjours à l'étranger dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile excède trois mois, pour les mois civils complets de présence en France.

6. Il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que, pour juger que l'indu de revenu de solidarité active réclamé au titre de la période de mai 2014 à octobre 2015 était justifié, le tribunal administratif a, tout comme l'administration, après avoir constaté que la durée des séjours de M. B...à l'étranger excédait trois mois par année civile, pris en compte son droit au revenu de solidarité active pendant ses mois civils complets de présence en France et s'est borné à exclure les mois au cours desquels il s'était absenté du territoire et ne pouvait ainsi y prétendre. Ainsi, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait omis de prendre en compte les mois civils complets pendant lesquels il était présent en France et les moyens tirés de ce que le tribunal aurait, par une telle omission, dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et commis une erreur de droit ne peuvent qu'être écartés.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 262-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant au présent chapitre, l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, et notamment les avantages en nature ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux. / Les dispositions de l'article R. 132-1 sont applicables au revenu de solidarité active ". Aux termes de l'article R. 132-1 du même code : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ".

8. Il résulte de ces dispositions que, pour l'appréciation des ressources du foyer de l'allocataire du revenu de solidarité active, les immeubles qui ne constituent pas l'habitation principale du demandeur et ne sont pas productifs de revenus sont, en principe, considérés comme procurant à leur propriétaire un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'ils sont bâtis et à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis. Toutefois, lorsque l'immeuble est situé à l'étranger, l'administration et, le cas échéant, le juge peuvent, en l'absence de tout élément, notamment fourni par l'allocataire, permettant de déterminer sa valeur locative, appliquer par défaut à cet immeuble le taux de 3 % prévu par l'article R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles. Par suite, en jugeant que la caisse d'allocations familiales de l'Isère pouvait appliquer le taux de 3 % à la valeur de l'immeuble que M. B...détenait au Maroc, après avoir relevé que l'intéressé n'avait mis ni l'administration ni le tribunal à même de connaître la valeur locative réelle de ce bien, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas commis d'erreur de droit.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. B...doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au département de l'Isère.

Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

AIDE SOCIALE - DIFFÉRENTES FORMES D'AIDE SOCIALE - REVENU MINIMUM D'INSERTION (RMI) - RSA - CONTRÔLE DES DÉCLARATIONS DES BÉNÉFICIAIRES DEVANT ÊTRE EFFECTUÉ PAR DES AGENTS CHARGÉS D'UNE TELLE MISSION PAR LE DIRECTEUR DE LA CAF ASSURANT LE SERVICE DE CETTE PRESTATION (ART - L - 114-10 DU CSS) - CONDITION SATISFAITE LORSQU'IL EST ÉTABLI QUE L'AGENT A ÉTÉ AGRÉÉ.

04-02-06 Il résulte des articles L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles (CASF), L. 114-9, L. 114-10 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 5 mai 2014 que les contrôles portant sur les déclarations des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ne peuvent être conduits que par des agents assermentés et agréés, chargés d'une telle mission par le directeur de la caisse d'allocations familiales (CAF) assurant le service de cette prestation. Il en résulte également que l'agrément d'un agent établit que celui-ci est affecté à un emploi comportant une mission de contrôle, dont il a été chargé par le directeur de la caisse d'allocations familiales qui l'emploie.... ,,Par suite, ne commet pas d'erreur de droit le tribunal administratif qui relève, pour écarter le moyen tiré de ce que l'agent qui avait conduit le contrôle et avait établi son rapport ne justifiait pas de son habilitation, que ce rapport avait été établi par une personne qui avait la qualité de contrôleur de la CAF de l'Isère et dont le département de l'Isère avait produit l'agrément et l'assermentation.

AIDE SOCIALE - DIFFÉRENTES FORMES D'AIDE SOCIALE - REVENU MINIMUM D'INSERTION (RMI) - RSA - PRISE EN COMPTE DES RESSOURCES DU FOYER POUR LE CALCUL DE L'ALLOCATION (ART - R - 262-6 DU CASF) - IMMEUBLES NE CONSTITUANT PAS L'HABITATION PRINCIPALE DU DEMANDEUR ET N'ÉTANT PAS PRODUCTIFS DE REVENUS - MODALITÉS (ART - R - 132-1 DU CASF) - CAS D'UN IMMEUBLE SITUÉ À L'ÉTRANGER - POSSIBILITÉ D'APPLIQUER - EN L'ABSENCE D'ÉLÉMENT PERMETTANT DE DÉTERMINER LA VALEUR LOCATIVE - LE TAUX DE 3% PRÉVU À L'ARTICLE R - 132-1.

04-02-06 Il résulte des articles R. 262-6 et R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF) que, pour l'appréciation des ressources du foyer de l'allocataire du revenu de solidarité active, les immeubles qui ne constituent pas l'habitation principale du demandeur et ne sont pas productifs de revenus sont, en principe, considérés comme procurant à leur propriétaire un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'ils sont bâtis et à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis.... ...Toutefois, lorsque l'immeuble est situé à l'étranger, l'administration et, le cas échéant, le juge peuvent, en l'absence de tout élément, notamment fourni par l'allocataire, permettant de déterminer sa valeur locative, appliquer par défaut à cet immeuble le taux de 3 % prévu par l'article R. 132-1 du CASF.... ...Ne commet pas d'erreur de droit le tribunal administratif qui juge que la caisse d'allocations familiales pouvait appliquer le taux de 3 % à la valeur de l'immeuble que l'intéressé détenait au Maroc, après avoir relevé que celui-ci n'avait mis ni l'administration ni le tribunal à même de connaître la valeur locative réelle de ce bien.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 08 jui. 2019, n° 422162
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thibaut Félix
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Date de la décision : 08/07/2019
Date de l'import : 08/10/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 422162
Numéro NOR : CETATEXT000038738025 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2019-07-08;422162 ?
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