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08/07/2019 | FRANCE | N°418675

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 08 juillet 2019, 418675


Vu la procédure suivante :

Mme B...D..., Mme H...D...-A..., MM. G...D..., E...D..., C...D..., M...A..., K...A..., J...D..., L...D...et F...D...ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à les indemniser des préjudices ayant résulté pour eux de fautes commises par le centre hospitalier Henri-Mondor de Créteil lors de la prise en charge médicale de M. I...D...à compter du 23 décembre 2009. Par un jugement n° 1308873 du 3 juillet 2015, le tribunal administratif a partiellement fait droit à leur demande en condamn

ant l'AP-HP à leur verser une somme totale de 66 800 euros.

Par u...

Vu la procédure suivante :

Mme B...D..., Mme H...D...-A..., MM. G...D..., E...D..., C...D..., M...A..., K...A..., J...D..., L...D...et F...D...ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à les indemniser des préjudices ayant résulté pour eux de fautes commises par le centre hospitalier Henri-Mondor de Créteil lors de la prise en charge médicale de M. I...D...à compter du 23 décembre 2009. Par un jugement n° 1308873 du 3 juillet 2015, le tribunal administratif a partiellement fait droit à leur demande en condamnant l'AP-HP à leur verser une somme totale de 66 800 euros.

Par un arrêt n° 15PA03508 du 29 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de Mme D...et autres, annulé ce jugement en tant qu'il omettait de statuer sur leurs conclusions tendant à l'indemnisation de leur préjudice particulier de traitement et ramené le montant total des indemnités dues par l'AP-HP à la somme de 24 400 euros.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 28 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D...et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il limite le montant de leurs indemnités et rejette le surplus de leurs conclusions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de Mme D...et autres et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. I...D..., admis à l'hôpital Bichat le 21 décembre 2009 pour le traitement d'un oedème cérébral, a été transféré le 23 décembre à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil après qu'un scanner cérébral a révélé une hydrocéphalie secondaire, en vue de subir une intervention de dérivation du liquide céphalo-rachidien. Devant une suspicion de méningite, M. D... a subi le 31 décembre 2009 une ponction lombaire dont il a conservé une paraplégie et des complications urologiques et cutanées. Il est décédé le 31 juillet 2011 des suites d'une maladie hématologique à type de lymphome avec complications. Par un jugement du 3 juillet 2015, le tribunal administratif de Melun a, en raison de la faute commise dans la réalisation de la ponction lombaire, condamné l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à verser à l'épouse de M.D..., et à ses enfants et petits-enfants des indemnités d'un montant total de 66 800 euros, tant à titre personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de la victime, et à rembourser la somme de 129 601,75 euros à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne au titre de ses débours. Par un arrêt du 29 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Paris a ramené à 24 400 euros les indemnités dues par l'AP-HP à Mme D...et autres et maintenu la somme allouée par les premiers juges à la CPAM du Val-de-Marne. Mme D...et autres et la CPAM du Val-de-Marne demandent l'annulation de cet arrêt.

2. En premier lieu, en jugeant non établis les préjudices professionnels de M. D... et les pertes de revenus de son épouse, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation.

3. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment du rapport d'expertise établi le 15 février 2013 par le professeur Sichez, d'une part, que la réalisation fautive d'une ponction lombaire alors que le patient était placé sous anticoagulants a eu pour conséquence directe l'apparition d'une paraplégie avec complications urinaires et cutanées, d'autre part, que cette paraplégie a contribué avec l'hydrocéphalie dont M. D... était par ailleurs atteint à rendre impossible le traitement de la maladie hématologique qui a causé son décès. La cour administrative d'appel a retenu souverainement que la faute commise, en faisant obstacle à ce traitement, avait entraîné une perte de chance de survie qu'elle a évaluée à 30 %. Elle en a déduit sans erreur de droit que l'AP-HP devait réparer 30 % seulement des préjudices résultant du décès de M.D.... Ainsi, son arrêt n'encourt pas la cassation en tant qu'il se prononce sur les indemnités dues, d'une part, au titre des frais funéraires, d'autre part, des préjudices d'affection des enfants et petits-enfants de la victime.

4. La cour a toutefois appliqué le même taux de perte de chance de 30 % pour déterminer les sommes dues à Mme D...et autres au titre des postes de préjudice qu'elle a retenus autres que ceux qui résultaient du décès de M.D..., à savoir les frais de médecin conseil et d'assistance à expertise, les frais liés au handicap, les souffrances physiques et morales de M.D..., le déficit fonctionnel temporaire du 31 décembre 2009 au 23 juin 2011, le déficit fonctionnel permanent à compter de cette dernière date, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence de M. D...ainsi que le préjudice moral de MmeD..., qu'elle a indemnisé sans distinguer la période antérieure au décès de son époux et la période postérieure. Or il appartenait aux juges du fond de distinguer, au sein de ces préjudices les conséquences de l'impossibilité de traiter la maladie hématologique, qui n'ouvraient droit qu'à une réparation partielle dès lors que la paraplégie avait seulement contribué à cette impossibilité, et les conséquences propres de la paraplégie et de ses complications, correspondant aux postes de préjudice mentionnés plus haut, qui ouvraient droit à une réparation intégrale dès lors que ces pathologies étaient en lien direct et certain avec la faute commise. L'arrêt est, par suite, entaché d'une erreur de droit en tant qu'il se prononce sur ces derniers postes de préjudice. La cour a commis la même erreur en confirmant l'indemnité de 129 601,75 euros allouée en première instance à la CPAM du Val-de-Marne, laquelle résultait de l'application à l'ensemble des débours de la caisse d'un taux de perte de chance de 30 %, sans distinguer les frais imputables à la paraplégie et à ses complications de ceux causés par l'impossibilité de traiter la maladie hématologique.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi incident de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il se prononce, d'une part, sur les indemnités dues à Mme D... et autres au titre des préjudices autres que les préjudices professionnels de la victime et les pertes de revenus de son épouse, les frais funéraires et les préjudices d'affection des enfants et petits-enfants de la victime, d'autre part, sur l'indemnité due à la CPAM du Val-de-Marne.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme globale de 3 000 euros à verser à Mme D... et autres et la somme de 3 000 euros à verser à la CPAM du Val-de-Marne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 29 décembre 2017 est annulé en tant qu'il se prononce, d'une part, sur les indemnités dues à Mme D...et autres au titre des préjudices autres que les préjudices professionnels de M. D...et les pertes de revenus de son épouse, les frais funéraires et les préjudices d'affection des enfants et petits-enfants de la victime, d'autre part, sur l'indemnité due à la CPAM du Val-de-Marne.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris dans la limite de la cassation ainsi prononcée.

Article 3 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à Mme D...et autres une somme globale de 3 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme D...et autres est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...D..., première requérante dénommée, à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 418675
Date de la décision : 08/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2019, n° 418675
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:418675.20190708
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